Chambre des représentants – Commission des Relations extérieures
Réunion du 23 décembre 2010 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 53 – COM 0079)
07 Questions jointes de
– Mme Özlem Özen au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles sur « l’application de la Convention européenne des droits de l’homme en matière d’extradition » (n° 1502)
– Mme Zoé Genot au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles sur « l’extradition par l’Espagne d’un ressortissant belge vers le Maroc » (n° 1798)
07.01 Özlem Özen (PS): Monsieur le ministre, s’agissant d’extradition, la Belgique comme tous les autres États européens, est liée outre les dispositions nationales et les accords bilatéraux en la matière, à la stricte application de la Convention européenne des droits de l’homme, lorsqu’il existe des risques sérieux que la personne, si elle était extradée, serait soumise dans l’État requérant à un déni flagrant de justice, à des faits de torture ou des traitements inhumains et dégradants.
C’est en application de cette disposition que de nombreuses demandes d’extradition ont été refusées vers des pays où un tel risque existe, notamment à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière.
Celle-ci précise que les États contractants engagent leur responsabilité « lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on l’expulse vers le pays de destination y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. »
La Cour européenne des droits de l’homme est pourtant on ne peut plus claire: pour craindre de manière sérieuse et avérée les traitements contraires à l’article 3 de la dite Convention, il ne faut pas démontrer que toutes les personnes qui se trouvent dans une situation comparable ont été torturées. Il faut et il suffit de prouver qu’il existe une pratique systématique de faire subir des mauvais traitements à une catégorie particulière d’individus. La pratique de la torture dans certains Ètats, a été dénoncée à de nombreuses reprises par des organisations internationales aussi sérieuses qu’Amnesty International et Human Rights Watch.
La Cour européenne des droits de l’homme a également enjoint, en extrême urgence, à la Belgique, de ne pas extrader vers certains États ne respectant pas les droits fondamentaux et plus particulièrement l’article 3 de la Convention précitée.
Cette jurisprudence est généralement appliquée par les autorités judiciaires belges mais pas nécessairement de manière aussi stricte par les autres pays européens.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous veiller à l’application uniforme de la Convention européenne des droits de l’homme en matière d’extradition lorsqu’il s’agit d’un ressortissant belge détenu dans un autre pays européen?
La Belgique peut-elle admettre que l’un de ses ressortissants, soit extradé par un autre pays européen, lié par la même convention, vers un pays où il y a manifestement fort à craindre que ce ressortissant sera soumis à des traitements inhumains?
Je vous remercie pour vos réponses.
07.02 Zoé Genot (Ecolo-Groen!): Monsieur le ministre, je vous ai déjà interrogé à ce sujet. Mais depuis, de nouveaux développements se sont produits. Après deux ans sans un signe de la Belgique, le ressortissant belge détenu en Espagne, a enfin reçu sa première visite consulaire. C’était trop tard. L’Espagne venait de l’extrader vers le Maroc.
Cela, malgré la récente demande du Comité des droits de l’homme des Nations unies qui avait pourtant enjoint l’Espagne de suspendre cette extradition pendant l’examen de ce dossier. Monsieur le ministre, confirmez-vous cette visite tardive? Comment expliquez-vous ce très long délai pour effectuer cette visite? Pourquoi ne pas avoir prévenu la famille de l’extradition? Celle-ci en aurait été informée uniquement par les médias.
Par le passé, nous avons eu bien souvent des cas de personnes qui étaient ici en Belgique, comme des Basques soupçonnés de terrorisme, par exemple ou des Turcs comme Fehryie Erdal, et nous ne les avons pas extradées car nous craignions que, si nous le extradions, ils soient soumis à des traitements inhumains et dégradants et qu’ils ne bénéficient pas d’un traitement équitable. Je suis un peu étonnée que, quand il s’agit d’un Belge, on ne s’inquiète pas qu’il puisse subir la même chose. Avez-vous demandé à l’Espagne de tenir compte de la demande du Comité des droits de l’homme des Nations unies?
Un ressortissant espagnol était dans la même situation. L’Espagne a refusé son extradition vers le Maroc et l’a libéré, vu l’absence d’éléments contre lui. Comment expliquez-vous cette différence de traitement entre deux ressortissants européens confrontés à la même demande d’extradition? Dans votre précédente réponse, vous avez expliqué qu’il n’était pas d’usage que la Belgique intervienne dans une procédure d’extradition entre pays tiers même lorsque cette demande concerne un ressortissant national. Confirmez-vous que la Belgique n’est jamais intervenue, ces dix dernières années, vis-à-vis de pays européens qui avaient reçu une demande d’extradition d’un de nos ressortissants? Si non, sur base de quel critère la Belgique intervient-elle ou non?
Les autorités consulaires belges indiquent qu’elles n’interviennent pas, en principe, en faveur d’individus qui possèdent la double nationalité. Ici, M. Aarrass est belgo-marocain. Pour quels motifs et quelles sont les bases juridiques qui sous-tendent cette position? Les autres États européens pratiquent-ils également cette politique qui réduit la protection effective de leurs ressortissants? Et, souvent, quand on craint des traitements inhumains après extradition, le pays qui extrade exige une série de garanties avant d’exécuter l’extradition. Des garanties de ce type ont-elles été obtenues du Maroc pour ce ressortissant?
Depuis son extradition, ce ressortissant n’a pu être localisé par ses avocats ou sa famille. Savez-vous dans quelle prison M. Aarrass est détenu? Des visites consulaires ont-elles été effectuées ou planifiées?
07.03 Minister Steven Vanackere: Mijnheer de voorzitter, ik zeg dit niet ad hominem, maar het is de tweede keer dat het dossier ter sprake komt in de commissievergadering.
Ik wil toch artikel 122 van het Reglement van de Kamer voorlezen aangaande de vragen in commissie: « Niet ontvankelijk zijn namelijk: a) vragen met betrekking tot zaken van particulier belang of betreffende persoonlijke gevallen ».
De situatie van de betrokkene is mij goed bekend. Zij is mij zodanig goed bekend dat ik gisteren nog op een uiteenzetting voor een tachtigtal mensen gedurende een halfuur door de familie van de betrokkene tegengehouden werd om het woord te voeren voor mensen die geïnteresseerd waren in een verslag over zes maanden Belgisch Voorzitterschap.
Ik merk dat verschillende Parlementsleden in weerwil van artikel 122 menen dat het verstandig is om dezelfde vraag op een nieuwe manier te formuleren en mij te dwingen positie in te nemen in verband met een geval van particulier belang, waarvan ik vervolgens wil zeggen dat ik dat zeer ernstig neem, maar waarvan ik niet vind dat een vergadering van de commissie voor de Buitenlandse Betrekkingen dient om dat soort van discussies tot het een of ander goed einde te brengen.
Met een grote aarzeling zal ik over die kwestie dus een paar woorden zeggen. Ik wilde dat echter ten persoonlijken titel toch eens melden.
[Résumé en français : Ce dossier est abordé pour la deuxième fois déjà en commission. L’article 122 du Règlement de la Chambre ne permet pas de poser des questions sur des cas individuels. La situation de la personne concernée m’est bien connue. Les auteurs des questions ne peuvent me forcer à prendre position au sujet d’un cas particulier. Je prends l’affaire très au sérieux mais cette discussion n’a pas lieu d’être dans une réunion de commission. C’est donc avec une extrême circonspection que je dirai quelques mots à propos de cette affaire.]
Le contrôle de l’application uniforme de la Convention européenne des droits de l’homme est dévolu est à la Cour européenne des droits de l’homme. En cas d’arrêt prononcé par la Cour, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a pour mission de veiller à l’exécution de ces arrêts. Et comme mentionné dans la réponse donnée à l’une des questions précédentes, l’assistance aux Belges détenus à l’étranger ne prévoit pas l’organisation de visites consulaires dans les pays de l’Union européenne.
Le 16 décembre 2010, l’ambassade de Belgique à Madrid s’est rendue au centre pénitentiaire où un ressortissant belge était détenu, pour y apprendre qu’il avait été extradé vers le Maroc en date du 14 décembre. La Belgique n’est pas intervenue auprès de l’Espagne dans ce dossier d’extradition – et je ne peux répondre au nom de l’Espagne. Mais il existe un principe général en matière d’extradition, qui est qu’un pays n’extrade pas ses propres ressortissants. La Belgique n’intervient pas pour des extraditions entre pays tiers.
Pour l’assistance aux Belges possédant une double nationalité, la Belgique s’appuie sur le droit coutumier consulaire international, qui précise – en cela confirmé, entre autres, par la Convention de La Haye du 12 avril 1930 concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité – qu’un État ne peut exercer sa protection diplomatique au profit d’un de ses nationaux à l’encontre d’un État dont celui-ci est également le ressortissant national.
Comme la Belgique n’est pas intervenue auprès du gouvernement espagnol, je n’ai donc pas connaissance d’éventuelles garanties que l’Espagne aurait obtenues du Maroc avant d’autoriser l’extradition, et mon département n’est actuellement pas informé du lieu de détention de la personne concernée.
07.04 Özlem Özen (PS): Monsieur le ministre, vous dites que notre question n’est pas recevable parce qu’il s’agit d’une affaire concernant un cas personnel.
07.05 Steven Vanackere, ministre: Je n’ai pas dit ça. Je dois respecter le Règlement de la Chambre. Ce n’est pas à moi de le dire.
07.06 Özlem Özen (PS): Monsieur le ministre, on peut donc parler de ce cas de manière plus générale si vous voulez: le cas d’un ressortissant belge qui est détenu en Espagne et qui a été extradé vers le Maroc – alors que nous, dans la même situation et sur la même base légale, nous ne l’aurions pas fait; alors que la Cour européenne des droits l’homme s’y est toujours opposé lorsqu’elle a été amenée à se prononcer sur une demande d’extradition de même nature; alors que malgré les recommandations qui ont été faites par le Comité des droits de l’homme des Nations unies sous la forme des mesures provisoires, celles-ci n’ont pas ici été respectées.
Pourquoi n’avez-vous pas, comme vous dites, saisi l’occasion de la présidence belge de l’Union européenne afin d’évoquer cette question avec vos homologues espagnols?
La passivité face à cette extradition n’engage-t-elle pas, par ricochet, la responsabilité de notre pays?
Au-delà de la question juridique, l’Espagne a violé ses obligations internationales en soumettant un ressortissant belge à un risque sérieux de torture, sans réaction de la Belgique et sans que vous estimiez nécessaire d’évoquer cette question.
Pour ce qui concerne la double nationalité, j’aimerais préciser que la personne dont question a des attaches en Belgique. Elle y a même effectué son service militaire. Elle y vit depuis toujours. Elle n’a donc jamais vécu au Maroc.
07.07 Steven Vanackere, ministre: Je ne peux évoquer un cas particulier.
07.08 Özlem Özen (PS): En tout cas, dans ce cas, le silence est inadmissible.
07.09 Zoé Genot (Ecolo-Groen!): Monsieur le président, quand il est question de torture d’un Belge, il ne s’agit plus d’un cas particulier!
On a parlé des Belges qui s’étaient fait arrêter en Iran. Il s’agissait de cas particuliers.
Ici, parce qu’il est question d’un homme belgo-marocain, on n’a pas le droit d’en parler. Il s’agit pourtant d’un homme qui a été extradé alors que le Comité des droits de l’homme de l’ONU avait demandé de ne pas procéder à son extradition parce qu’il craignait qu’il soit torturé et qu’il fasse l’objet d’un procès inéquitable. Amnesty International a également demandé que l’on ne procède pas à l’extradition pour les mêmes raisons. Aujourd’hui, cet homme a disparu. Ses avocats sont incapables de le localiser. On sait que des hommes, qui ont fait l’objet du même procès, ont été torturés. Et je constate que vous nous répondez que vous vous en fichez, que vous ne voulez pas en discuter, que vous ne comptez pas tenter de le retrouver, que vous ne demandez pas que l’on vous rende des comptes!
07.10 Steven Vanackere, ministre: Ce que vous dites est inacceptable!
07.11 Zoé Genot (Ecolo-Groen!): Dans ce cas, mettez des moyens en œuvre! Demandez à vos officiers de liaison de localiser cet homme afin de vérifier son état de santé. Il est ici question de traitement inhumain et dégradant, ce qui est inacceptable!
07.12 Steven Vanackere, ministre: Monsieur le président, je demande à répliquer à ce que je considère comme un fait personnel. Les propos de la députée sont inacceptables! La manière dont elle a qualifié la façon dont j’ai répondu à une question qui concerne, sans équivoque, un cas particulier, est inacceptable! Il me semble avoir répondu clairement avec les arguments qui s’appliquent au traitement général de ce type de dossier. J’ai également insisté sur le fait qu’au niveau consulaire, moi-même et mon cabinet, nous sommes tout à fait à l’écoute de ceux qui défendent le dossier. Ma réponse est dans les règles de ce qui se pratique normalement en commission des Affaires étrangères. Je ne peux accepter que Mme Genot dise que le ministre s’en …!
Ik laat dat voor uw rekening, mevrouw Genot!
07.13 Zoé Genot (Ecolo-Groen!): Monsieur le ministre, je veux être rassurée sur le cas de ce jeune homme et savoir qu’il n’est pas torturé actuellement. Je souhaiterais savoir où il est pour que son avocat et les officiers consulaires belges puissent lui rendre visite. C’est ce que je voudrais que vous fassiez! C’est un Belge, même s’il est belgo-marocain!
Le président : Je rapporterai cet incident au président de la commission. Nous demanderons aux services de rédiger une note précisant la manière dont il faut interpréter ledit article du règlement.