Ali AARRASS est belgo-marocain. Il est né dans l’enclave espagnole de Melilla. Il n’a jamais vécu au Maroc et n’a aucun lien effectif avec ce pays. Il a vécu 28 ans en Belgique, y a fait son service militaire, y a développé un commerce de proximité et des attaches profondes.
Ali AARRASS était détenu en Espagne depuis avril 2008 suite à une demande d’extradition formulée par le Maroc, malgré qu’il ait été blanchi par la justice espagnole. Il est soupçonné par le Maroc d’appartenir à la « cellule terroriste BELLIRAJ ».
Ali AARRASS s’opposait fermement à son extradition en raison de ses craintes d’être torturé. Il a fait trois grèves de la faim pour l’éviter.
Suite à l’arrêté d’extradition du Conseil des Ministres espagnol du 19 novembre 2010, le Comité des droits de l’Homme des Nations-Unies a pris une mesure provisoire et a demandé l’Espagne de ne pas extrader Ali AARRASS, dès le 26 novembre 2010, en raison du risque très important qu’il ne soit torturé.
L’Espagne a totalement ignoré ses obligations internationales et a, envers et contre tout, extradé Ali AARRASS vers le Maroc le 14 décembre 2010.
A son arrivée au Maroc, Ali AARRASS a été maintenu en garde-à-vue pendant douze jours. Au cours de celle-ci, il n’a jamais pu voir d’avocat ou avoir de contact avec l’extérieur. Il a été, come tous le craignaient, sauvagement torturé. Il a été insulté, menacé, privé de sommeil, de nourriture et d’eau, battu, violé, électrocuté. Ses bourreaux lui ont même apposé une arme sur la tempe afin d’obtenir les renseignements désirés.
Ali AARRASS a, dans ces terribles conditions, signé les documents qui lui ont été présentés et que l’accusation qualifie aujourd’hui « d’aveux ».
Ali AARRASS était totalement traumatisé à sa sortie de garde-à-vue, ne parvenant plus à faire confiance à personne, à dormir et souffrant de graves séquelles des tortures infligées.
Malgré ses dénégations réalisées devant le Juge d’instruction, audience à laquelle son avocat était autorisé à assister, les juridictions marocaines ont décidé de poursuivre Ali AARRASS devant la Cour d’appel de Rabat pour des faits prétendument liés au terrorisme.
Le dossier marocain est pourtant vide. Rien ne vient objectiver les soi-disant aveux d’Ali AARRASS. Aucune déclaration n’est versée au dossier qui incriminerait Ali AARRAS. Aucun procès-verbal n’a été joint audit dossier concernant des fouilles qui n’ont pas permis de trouver les armes qu’aurait prétendument introduits Ali AARRASS au Maroc. Pourquoi ?
ALI AARASS a repris petit-à-petit des forces. Ses craintes d’à nouveau être torturé se sont légèrement apaisées. Il a dès lors décidé de porter plainte du chef de torture, ce qui a été fait le 2 mai 2011.
Aucune suite concrète n’a encore été réservée à cette requête, adressée non seulement au Parquet mais également au Ministre de la Justice et au Conseil National des Droits de l’Homme. Nous espérons toutefois qu’une suite rapide et efficace y sera donnée sous peu. Ali AARRASS est, en effet, toujours en mesure d’identifier ses agresseurs.
Une première audience devant la Cour d’appel s’est tenue le jeudi 21 avril 2011. A cette date, les juges ont refusé la remise en liberté provisoire sollicitée par les avocats d’Ali AARRASS.
La prochaine audience aura lieu ce 2 juin 2011.
A cette date, les avocats marocains d’ALI AARRASS, Me DADSI et LOUSKI, demanderont qu’il soit confronté avec Monsieur BELLIRAJ et qu’un journaliste, témoin des fouilles réalisées dans la propriété d’une tante d’Ali AARRASS, puisse venir en attester. Cet élément permettrait de prouver, une fois de plus, l’inéquité de la procédure puisque tous les éléments favorables à l’accusé ne sont pas versés dans le dossier répressif.
A défaut de suivre ces demandes, l’affaire sera plaidée au fond. De très nombreuses questions juridiques et factuelles se posent : l’interdiction de juger deux fois une personne pour les mêmes faits, la dissimulation d’éléments dans la demande d’extradition afin d’obtenir une réponse positive de la part des autorités espagnoles, l’interdiction de juger une personne pour des faits non-repris dans la demande d’extradition, l’utilisation en justice de preuve obtenue sous la torture, le droit de ne pas s’incriminer soi-même, et autres violations du droit au procès équitable, mais également la vacuité du dossier répressif et l’absence de tous les éléments, devoirs d’enquête réalisés, devant y figurer
Afin d’observer et de s’assurer que les droits fondamentaux d’Ali AARASS sont respectés, une délégation internationale a décidé de suivre le procès. Elle est composée de nombreux membres de la famille, d’avocats belges, espagnols et marocains, de représentants de la Commission arabe pour les droits humains, d’AFD International (Alliance for Freedom and Dignity), d’Adala (Association Justice, Pour le droit au procès équitable) et de l’AMDH (Association Marocaine des Droits de l’Homme).
L’horreur vécue par Ali AARRASS et les injustices qu’il a subies ont amené près de quarante avocats à travers le Maroc, l’Espagne, la Belgique et le Royaume-Uni à s’associer à sa défensei. De même, de nombreuses associations de défense des droits de l’hommeii et des personnalités politiquesiii ont signé une pétition en faveur d’Ali AARRAS appelant au respect de ses droits fondamentaux à l’intégrité physique et au procès équitable.
Malheureusement, interpellée depuis 2008, les autorités belges se refusent obstinément à assister dans quelque mesure que ce soit notre compatriote. La Belgique a argué successivement de « la confiance mutuelle avec l’Espagne » puis de la double-nationalité d’Ali AARASS. Cette dernière position est désuète au regard des développements sur cette question en droit international. La nationalité qui doit prévaloir, en cas de double nationalité, est en effet celle du pays avec lequel il existe les liens effectifs les plus importants. Par ailleurs, face à la torture, aucune autre règle de droit ne doit prévaloir et les Etats sont tenus d’assister leur citoyen dans toute la mesure de ses possibilités.
Le Maroc, comme bien d’autres pays arabes, est en mutation. Toutefois, cet Etat a fait l’objet récemment d’un attentat. Nous espérons dès lors que ce climat ne préjudiciera pas Ali AARRASS, qui est emprisonné illégalement depuis plus de trois ans déjà.
Me Christophe MARCHAND (GSM: 32.486.32.22.88 ; cm@juscogens.be) et Me Dounia ALAMAT (GSM:32.472.40.58.02 ; da@juscogens.be)
30 mai 2011 – COMMUNIQUE DE PRESSE
Pour en savoir plus sur cette affaire : http://www.freeali.be/