« Nous sommes extrêmement inquiets pour Ali AARRASS… » : communiqué de presse des avocats d’Ali Aarrass, le 30 mars 2011

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30 mars 2011 – COMMUNIQUE DE PRESSE

Affaire Ali AARRASS : Extradé par l’Espagne en violation d’une demande du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, notre concitoyen va être jugé au Maroc sur base d’aveux obtenus sous la torture.

Ali AARRASS est belgo-marocain. Il a été extradé par l’Espagne, en violation d’une demande expresse du Comité des droits de l’homme des Nations-Unies de ne pas remettre notre concitoyen aux autorités marocaines. Cette intervention a eu lieu au regard du risque élevé de subir la torture en cas d’extradition.

Suite à une rencontre avec les avocats marocains d’Ali AARRASS, nous avions l’espoir que le juge d’instruction marocain CHENTOUF ne tiendrait compte, pour décider du sort de notre concitoyen, que des éléments de preuve obtenus conformément aux standards internationaux.

Il n’en est malheureusement rien.

Ce juge « antiterroriste » marocain est resté fidèle à sa ligne de conduite habituelle, malgré la colère qui gronde dans le monde arabe contre ces pratiques barbares. Il s’agit d’un nouvel affront au droit le plus fondamental d’un homme, son intégrité physique et morale, sa dignité.

Ce juge d’instruction a pourtant dû constater, le 24 décembre 2010, l’état physique lamentable dans lequel se trouvait Ali ARRASS. Le 18 janvier 2011, il a cependant refusé d’acter les plaintes d’Ali AARRASS, lui faisant miroiter l’absence d’élément à charge et une libération rapide.

Pourtant, d’après nos informations, Ali AARRAS devrait bien comparaître devant le Tribunal correctionnel, ce 21 avril 2011.

Nous sommes extrêmement inquiets pour Ali AARRASS. En effet, au Maroc, les justiciables sont souvent condamnés uniquement sur base d’aveux obtenus sous la contrainte. Ces « aveux » sont en fait des déclarations préétablies par les autorités marocaines (DST : service de sûreté intérieure) et signées par les prévenus, après une garde-à-vue de douze jours, ou plus, au cours de laquelle ils se sont faits maltraiter.

C’est ce qui est arrivé à notre compatriote. Après des sévices terribles, il a accepté de signer des déclarations rédigées en arabe, lui qui n’a que quelques notions orales de cette langue. Lorsqu’il a été présenté pour la première fois devant le juge d’instruction, ses tortionnaires lui ont déclaré qu’il s’agissait de leur supérieur, de sorte qu’Ali AARRASS n’a pas osé dénoncer directement les terribles épreuves qu’on lui a fait endurer. Et le juge d’instruction n’a pas décliné sa fonction.

A ce jour, le dossier répressif ne contient aucun autre élément à charge que ces « aveux » d’Ali AARRASS. Mis à part cela, seule une confrontation, qui s’est avérée positive pour lui, figure au dossier ainsi que sa déclaration devant le juge d’instruction, faite en présence de son avocat, où il conteste toute appartenance à un réseau terroriste. Ce dossier ne contient aucun élément objectif : écoutes téléphoniques, enquêtes bancaires, etc. Et pour cause : Ali AARRASS n’a jamais vécu au Maroc ! Le dossier ne contient même pas les procès-verbaux marocains retraçant les fouilles, qui se sont avérées négatives, réalisées en vue de trouver les soi-disant armes qu’aurait transportés Ali AARRASS de Belgique jusqu’au Maroc.

Comment, dans ces conditions, le juge d’instruction a-t-il pu renvoyer notre concitoyen devant le Tribunal correctionnel ? Peut-on parler de procès équitable ?

Dès le 16 décembre 2010, le Rapporteur spécial contre la torture a été alerté du cas d’Ali AARRASS. Le ministre de la justice marocain a également été averti de l’état de santé précaire d’Ali AARRAS, souffrant d’épilepsie et en grève de la faim depuis des dizaines de jours. Le Ministre de la justice a également été contacté afin qu’une expertise médicale soit réalisée par des experts appartenant à une ONG, dont l’impartialité ne peut être remise en question.

A ce jour, le Ministre de la justice ne s’est pas estimé compétent pour autoriser cette démarche, qui ne nécessite pourtant que l’autorisation pour les médecins-experts d’entrer en prison. Nous espérons vivement que cette situation évoluera et que le Maroc remplira ses engagements internationaux comme il l’indique à la Communauté internationale.

Nous appelons vivement au soutien d’Ali AARRASS, pour qu’une justice équitable soit rendue, qu’une expertise médicale indépendante soit autorisée et que les éléments de preuves obtenus sous la contrainte soit purement et simplement écartés des débats.

Nous appelons également les autorités belges à accorder la place qu’il mérite au droit à ne pas subir la torture ou des traitements, ou des peines, inhumaines et dégradantes. Si les autorités belges estiment ne pas pouvoir demander à rendre visite à Ali AARRASS en prison, à tout le moins, il n’existe aucun obstacle à ce qu’un émissaire assiste au procès de notre concitoyen afin de s’assurer que les standards internationaux de la justice sont bien respectés.

Dans cette affaire, la justice marocaine est malheureusement restée fidèle à l’image déplorable qu’elle véhicule depuis plusieurs années. Nous espérons toutefois qu’elle saisira cette opportunité de montrer que l’heure du changement, du respect des droits et libertés fondamentales, est venue.