« Ne baissez pas les bras », lettre d’Ali Aarrass aux sympathisants (14 avril 2016)

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Fountain Que la paix soit avec vous tous…C’est sans cesse que je pense au jour où je pourrais enfin vous remercier de vive voix, très chers amis et acteurs agissant pour que justice me soit rendue, pour ma libération.  Rien qu’en y pensant, l’impatience me gagne…

Je commence ce message par ces quelques phrases qui à coup sur vous paraîtront répétitives, mais ne m’en voulez pas… je ressens un grand besoin de vous le redire…  Vous êtes ma réelle et grande source d’inspiration.

Face à toute l’adversité qui m’est imposée au quotidien, je tiens absolument à ce que vous sachiez, que c’est grâce au fait de vous avoir à mes cotés, de vous savoir penché sur mon cas que je retrouve le courage nécessaire pour tout pouvoir supporter.  Je ne me sens pas seul et c’est là tout mon réconfort.

Cela pourrait même sembler relever de l’irréel et pourtant il existe ici des personnes qui pourraient en témoigner si elles étaient capables ne fut ce qu’un instant de faire preuve d’honnêteté, à savoir les quelques membres du personnel pénitentiaire qui nous éprouvent et malmènent systématiquement et qui malgré les nombreuses méthodes exploitées par eux pour nous affliger constamment, constatent à leur grande déception que plus rien ne nous affecte.

Nous sommes renforcés, solidifiés, coriaces.

Oui chers amis solidaires à ma cause, je suis devenu un homme très endurant et cela en grande partie grâce à votre toute particulière attention, à l’importance que vous m’accordez par vos multiples écrits, à toutes les démarches qui ont été entreprises pour réclamer des meilleurs traitements, et à toutes les actions que vous avez menées….

Moi, mais aussi d’autres prisonniers, avons pu jouir de certains droits sur lesquels on ne comptait plus, parmi eux un peu de dignité.  Je ne vous apprendrai pas à vous qui combattez le mal à quel point retrouver ou récupérer sa dignité est essentiel à l’homme.

D’autres membres du personnel, vont jusqu’à nous prouver des marques de respect, et on aura beau essayer de se convaincre que c’est dû à notre comportement digne et exemplaire, il va de soi que votre implication par les divers moyens cités plus haut y sont pour beaucoup.

C’est pour cela que je me permettrai de nouveau, chers amis, de réclamer votre aide.  L’incarcération est la pire punition que l’homme inflige à son égal.  Surtout lorsque absolument rien n’est entrepris pour alimenter le sentiment d’humanité qui somnole en chacun de nous et qui n’attend qu’à être sollicitée.  Dans l’absence de cela, le soutien de nos proches et amis est le seul moyen pour nous de nous rattacher aux vraies valeurs….  Vos efforts ne sont jamais vains, soyez en convaincus ! Ils sont porteurs de réconfort, d’encouragements et d’espoir.

Nous avons besoin de vous !

Pour cela je vous demande, de ne point vous laisser décourager.  Ne baissez pas les bras.  Ne mettez pas un terme à ce combat honorable, porteur de résultats concrets et surs.

Mes exigences ainsi que celle des autres détenus, alors qu’elles ne revendiquent que ce qu’il y a de plus élémentaire au sein de cette prison, ne sont pas prises en considération.  Je vous laisse donc imaginer ce qu’il en est lorsque nous réclamons que justice nous soit rendue.  Nous sommes entourés de sourds.  Par tous ces refus répétitifs on tient à nous faire remarquer que nous n’existons pas.

Je sais parfaitement bien que vous avez une vie privée, une vie familiale, votre boulot, et que l’ensemble de vos occupations et préoccupations vous demandent déjà beaucoup de temps, de l’énergie…  Mais j’insiste pour que dans vos programmes de vie vous y glissiez quelques petits moments pour nous, les détenus arbitraires.  Tout comme vous, nous avions une vie privée, une vie familiale, un boulot, nos moments de grand bonheur, de joie et de tristesse, et aimerions tellement pouvoir la retrouver.

Votre implication est si importante…

Chers amis, beaucoup parmi vous ne souhaitent pas qu’on les remercie pour ce qu’ils font, mais je me demande comment pourrait-on manquer de le faire alors que vous avez contribué à ce à quoi je tenais le plus, la ré humanisation de mon image, de ma personne.  J’attribue à vos efforts une si grande estime.  J’ai pour vous tous un tel respect que j’en viens à vous affectionner malgré que je ne vous connais pas personnellement.

Vous m’avez fait confiance et avez cru en moi, en mon innocence et cela alors que les trois états concernés le Maroc, l’Espagne et la Belgique s’acharnent à m’ignorer et à m’assujettir le rôle le plus horrible qui soit, celui du terroriste.

Mais en tant que musulman je m’en remets à Dieu Le Tout Puissant pour tout le mal qu’ils m’ont causé.

J’ai toute la confiance requise pour pouvoir continuer à résister soyez rassurés.

J’ai gagné en ces lieux infâmes et à travers toutes les épreuves vécues, en fierté et confiance.

Il est clair qu’il vaux mieux subir une injustice que d’en être l’acteur.

Très chers amis, je voudrais enfin vous faire part d’une pensée qui est la mienne, si vous voulez continuer à confier en moi.  Je sais que vous traversez des moments terriblement durs.  Les attentats ont causé bien plus de dégâts que les explosions… Il y a le après !

Ce après qui révèle toutes les maladies dont souffrait déjà la société et qu’on remarque plus clairement et plus fréquemment soudainement.

Je n’ai pas de solution miracle, mais à force de penser la seule que j’ai à vous soumettre est que vous vous unissiez.  Échanger entre individus vous aidera à surmonter ce qui semble être insurmontable.  C’est du moins ce que j’ai appris.  La prison a renforcé en moi la conviction qu’il faut se lier les uns aux autres, améliorer les relations humaines ne peut engendrer qu’une meilleur qualité de vie.  C’est ce que je fais au quotidien ici et vous invite à le faire dans l’espace qui est le vôtre en toute liberté.  Car ne l’oubliez pas !  Vous êtes libres !

Je termine ce message par rendre un grand hommage à toutes ces personnes qui luttent contre toutes les formes d’injustices, et leur adresse tout mon respect.

Que Dieu vous garde et veille sur vous tous.

Ali Aarrass, prison Salé II

 

 

 

 

 

 

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