Mohsin Mouedden, Ambassadeur de la Paix, lettre au gouvernement : « Puis-je dire à mes enfants, je suis « fier d’être belge » ? »

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Mohsin MoueddenBruxelles, le 30 juillet 2013

 Au Premier Ministre de la Belgique, Elio Di Rupo,

Au Ministre des Affaires Etrangères, Didier Reynders,

Aux membres de notre gouvernement belge,

 

Je ne sais pas si vous prendrez le temps de lire cette lettre SOS en français (mon néerlandais est malheureusement assez sommaire, je m’en excuse) que je lance en mon nom propre mais qui est probablement la pensée de beaucoup de nos concitoyens.

Vous avez sûrement déjà entendu parler de cette dramatique injustice que vit actuellement un ressortissant de notre pays détenu depuis plus de 3 ans au Maroc : Ali Aarrass

 

Je sais également que vous ferez probablement le maximum pour garder une relation fraternelle avec un pays, le Maroc que vous soutenez et parfois que vous estimez être une référence de démocratie dans le monde arabo-musulman. Je sais aussi que certains membres de votre gouvernement, plutôt à droite, ont des liens exceptionnels avec ce pays pour en être des « représentants » notamment sur le dossier du Sahara marocain.

 

Mais je sais aussi que la plupart d’entre vous estiment qu’il y a des valeurs non négociables, avec lesquelles on ne transige pas.

Ces valeurs, vous les transportez avec vous de l’Afrique du Sud à Israël, des Etats-Unis à la Chine. Ces valeurs se nomment : liberté, dignité, fraternité, justice, équité et respect de la vie humaine. Nous savons également qu’un État doit aussi faire des contorsions ou des compromis pesants, ce qui, dans le jargon utilisé, se nomme « le réalisme politique ».

Néanmoins, il y a parfois des situations exceptionnelles qui exigent que nos valeurs outrepassent le « réalisme politique ». Ces compromis ne doivent à mon sens jamais transiger avec la dignité humaine. Dès lors, ne faisons pas les mêmes erreurs que par le passé, en nous taisant deux décennies sur l’incarcération de Nelson Mandela, en « oubliant » l’assassinat de Patrice Lumumba, ou en soutenant de manière implicite (ou explicite) des dictatures arabes et africaines, comme celle de Ben Ali en Tunisie.

 

La situation qui nous concerne exige de nous, en tant que citoyens belges, et de vous, en tant que gouvernement démocratiquement élu, une attitude responsable, juste et exemplaire.

Depuis 3 ans, le citoyen belgo-marocain, Ali Aarrass est emprisonné dans la prison infâmante de Salé au Maroc pour un délit qu’il n’a pas commis. Jugé précédemment en Espagne par le juge Baltazar Garzon, qu’on ne pourrait soupçonner d’amitié avec les islamistes et pire les terroristes, le citoyen Ali Aarrass a été blanchi par la justice espagnole. Au lieu de retrouver une liberté et sa famille en Belgique, l’Espagne, en violation totale avec les règles internationales, décida toujours pour ce « réalisme politique », d’envoyer le citoyen belge, Ali Aarrass au Maroc ou ce dernier se fera torturer. Il écopera d’une peine de 12 ans de prison. Aujourd’hui, sa famille craint le pire, la grève de la faim et de la soif entamée il y a plus de dix jours risque de coûter la vie à un citoyen belge innocent.

 

Dès lors, il me semble salutaire que votre gouvernement qui a des liens exceptionnellement positifs avec le Maroc fasse le maximum pour faire soigner et libérer le citoyen Ali Aarrass. Citoyen qui est aujourd’hui indignement abandonné par notre pays, qui peut-être se dit que les relations fraternelles entre nos deux pays, valent bien la mort d’un ou de quelques citoyens belgo-marocains innocents.

Sachez, Monsieur le Premier Ministre, Elio Di Rupo, Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères, Didier Reynders et les membres de notre gouvernement, que cette attitude qui permet de laisser un citoyen de notre pays entre la vie et la mort alors que la justice espagnole l’a blanchi est inacceptable politiquement, inhumaine moralement et difficilement justifiable dans l’histoire lorsque vous dresserez votre bilan de fin de législature.

Je pense au contraire que la double nationalité (imposée par le Maroc) ne doit nullement absoudre notre État et notre gouvernement de mener à bien des négociations pour le libérer. J’entends déjà certains arguments de l’un ou de l’autre membre de votre gouvernement : « Monsieur Ali Aarrass est marocain… », « Nous n’intervenons jamais suite à une décision judiciaire… », « Ali Aarrass a été condamné pour des faits gravissimes liés au terrorisme… », « La Belgique ne peut intervenir auprès des autorités marocaines, ces dernières ayant toute latitude nécessaire pour juger un de ses ressortissants », etc.

 

Tous ces arguments sont bien évidemment des « arguments faussés, emprunts d’une réelle malhonnêteté ». Monsieur Ali Aarrass est d’abord un citoyen belge, il a passé la majeure partie de sa vie en Belgique, il y a effectué même son … service militaire ! En outre, qui peut aujourd’hui prétendre que la justice marocaine est indépendante ? Les sévices et les tortures sont régulièrement notifiés par des ONG internationaux et humanitaires. Et cela vous le savez. Mais le plus important, c’est que le citoyen, Ali Aarrass, aujourd’hui entre la vie et la mort a été jugé non coupable, je dis bien, non-coupable par l’une des justices les plus sévères d’Europe, celle de Madrid.

 

L’histoire jugera chacun de nos actes, qu’ils soient grandioses ou lâches, j’ose espérer à l’heure où notre pays entame une nouvelle ère avec Sa Majesté le Roi Philippe, que votre gouvernement, celui aussi des Droits de l’Homme, de la justice sociale, des libertés et d’une éthique politique saura relever ce défi, à savoir, permettre au citoyen belge Ali Aarrass de retourner chez lui, à Bruxelles, de retrouver son épouse et ses enfants, de revoir sa famille.

Je ne mettrai pas sur le même pied Nelson Mandela et Ali Aarrass, d’ailleurs ce dernier n’a jamais eu comme objectif de porter tel ou tel flambeau politique, cependant, alors qu’aujourd’hui Nelson Mandela est statufié, remercié pour son rôle crucial pour la paix dans le monde, il aura fallu attendre près de 30 ans et un silence gêné de l’Occident pour enfin, voir le citoyen universel, Mandela sortir de prison et recevoir tardivement, très tardivement, les louanges de notre pays.50 ans immigration en Belgique

En conclusion, vous avez trois attitudes à adopter, continuer la politique de l’autruche et le silence lourd et pesant qui a toujours prévalu et que l’histoire jugera comme une « des pires lâchetés de notre courte histoire », adopter une attitude offensive et respectueuse en trouvant un compromis rapide et salutaire qui satisfasse les deux parties, à savoir le Maroc et notre pays ou adopter une attitude que je qualifierai d’exemplaire, de magistrale, et de démocratique, en rappelant à l’ordre et en sanctionnant le Maroc et l’Espagne tout en exigeant sa libération immédiate.

 

Rappeler à l’ordre l’Espagne pour avoir extradé un citoyen que sa justice a jugé innocent et le Maroc pour avoir torturé et condamné un citoyen innocent (en cas de demande tous les éléments du dossier sont à votre disposition auprès du collectif Free Ali Aarrass) après l’avoir maltraité et torturé. Actuellement des députés britanniques émus par la situation ont déjà l’intention de mener certaines actions politiques.

 

Dès lors et suite à tous ces éléments, pourrais-je savoir comme la plupart de nos citoyens belges, ce que vous comptez entreprendre diplomatiquement et politiquement ? Pourriez-vous également tenir informé de vos démarches le collectif « FREE ALI AARRASS » ? Pourrais-je espérer une réponse au plus vite avant qu’une nouvelle fatale ne nous parvienne ? Puis-je dire à mes enfants, je suis « fier d’être belge » ?

 médaillon conf de presse 26 juillet 2013

Je vous informe également que ce courrier SOS sera distribué au sein des médias, associations, mosquées, centre culturel, ambassades européens, réseaux sociaux, etc…

En cette période estivale, je vous souhaite de passer d’agréables vacances familiales en espérant néanmoins un geste politique fort de votre part.

Monsieur le Premier Ministre Elio Di Rupo, Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères, Didier Reynders, Mesdames et Messieurs les Ministres du gouvernement, je vous présente mes plus sincères salutations.

 

Mouedden Mohsin

Citoyen belgo-marocain, né à Bruxelles il y a 43 ans

Directeur des « Ambassadeurs de la paix » (1)

 

(1) projet fondé en 2011 pour favoriser l’entente et le dialogue entre arabes, juifs et musulmans de Belgique.

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