Bruxelles, 23 juillet 2016
A l’attention de Monsieur Mohamed Salah Tamek, délégué général à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion.
Monsieur,
J’ai tenté de vous contacter durant le mois de juin mais sans succès.
Comme vous le savez, la DGAPR ne mentionne aucune adresse émail sur son site web..Le seul numéro de téléphone renseigné dirige systématiquement vers une messagerie…J’y ai laissé un message qui a été interrompu probablement en raison de sa longueur.
Par conséquence, dès le 24 juin, je vous ai adressé un courrier de onze pages disposées en trois parties via le site www.freeali.be mais aussi via le site Facebook où il est toujours disponible.
Sachant que le personnel de Salé II suit mes publications sur ce site, et au vu du caractère urgent de la situation, j’ai délibérément souhaité qu’elles soient rapportées au directeur. Il est en effet le premier responsable de la recrudescence de violence contre les détenus au sein de la prison. L’objectif était qu’il prenne conscience de la gravité de ces violences et qu’il y mette un terme, mais il n’a malheureusement pris aucune initiative dans ce sens.
Vous n’ignorez sûrement pas que plus d’une vingtaine de fonctionnaires, ayant refusé de pratiquer des mauvais traitements sur les prisonniers, ont été purement et simplement relevés de leur fonction à la prison de Salé II . Mon frère Ali Aarrass était disposé à vous rencontrer pour vous livrer un témoignage fidèle sur les mauvais traitements dont il a été témoin ou dont il a été lui-même victime. Il a même tout entrepris par mon biais pour tenter de vous joindre mais sans que je n’y parvienne jamais.
C’est pourquoi des amis et membres du Comité de soutien d’Ali Aarrass ont pris l’initiative de vous écrire pour vous alerter de la scandaleuse situation à Salé II. Ils vous ont notamment invité à vous rendre sur place afin que vous puissiez constater vous-même la situation des détenus. Pour votre parfaite information, ces courriers ont été expédiés les 14, 15 et lundi 18 juillet par envoi postal…(Vous auriez dû les recevoir en principe les 18, 19 et 20 juillet).
Jusqu’au 22 juillet 2016, vous ne réagissez à aucun de ces courriers. Vous évitez même toute déclaration ou commentaire sur les faits gravissimes qui vous sont rapportés. Par contre vous faites état d’une vidéo publiée sur You Tube en date du 17 juillet en alléguant que j’en serais l’instigatrice ou même l’auteur. Aussi, je vous informe clairement que je ne suis ni l’une ni l’autre. Je n’ai fait que la partager sur Facebook le 18 juillet à 15h10 et une seconde fois à 22h25.
J’ignore la provenance de cette vidéo et n’ai aucune expertise en matière d’authenticité des publications sur le net…Cependant, comme beaucoup de gens, j’ai été sensible à son contenu qui conforte les allégations de mon frère, Ali Aarrass, sur les mauvais traitements et actes de torture au sein de la prison de Salé II. C’est dans ce contexte que je l’ai publiée à mon tour afin d’alerter l’opinion.
Ceci dit, j’aurais cru recevoir votre soutien en tant que délégué général de la DGAPR plutôt que vos accusations totalement infondées…Une simple lettre eut été plus adéquate pour attirer mon attention sur les anomalies que vous pointez avec force dans la presse concernant cette vidéo (à la condition qu’elles fussent fondées).
Vous relevez notamment que le visage du prisonnier est caché d’une cagoule…Vous émettez aussi des doutes sur les traces de sang maculant sa tunique. Lesquelles traces seraient, selon vous, des fausses. Votre prudence est légitime mais néanmoins interpellante à bien des égards. Le visage d’Ali Aarrass est tout à fait visible dans la vidéo diffusée le 5 octobre 2015. On le reconnaît parfaitement et on distingue très nettement les traces de sévices sur son corps. Non seulement vous n’avez diligenté aucune enquête mais vous avez dénigré les allégations de mauvais traitements exprimées par Ali Aarrass, tout en réfutant la preuve formelle des images.
Votre prédécesseur, monsieur Hafid Benhachim, diligentait une enquête dès qu’il était mis au courant de mauvais traitements au sein de la prison.
A quel jeu jouez-vous, monsieur Tamek ?
Vous êtes constamment dans le déni et toutes les requêtes sont classées sans suite.
Vous prétendez par ailleurs qu’Ali Aarrass exerce une pression sur l’administration pénitentiaire en quête de quelques « avantages ». Sachez qu’Ali Aarrass a toujours été et reste déterminé à dénoncer inlassablement ses conditions de détention malgré vos procès d’intention. En détournant ses réelles intentions, vous salissez publiquement l’honneur d’un homme qui n’est pas en mesure de se défendre…Et votre déni systématique de tous les faits rapportés par les détenus risque de vous rendre un peu complice aux yeux de l’opinion publique. Ne devriez -vous pas au contraire vous empresser d’organiser un contrôle en bonne et due forme au sein de la prison ?
En réalité, Ali Aarrass subit systématiquement les représailles des autorités pénitentiaires chaque fois qu’il dénonce des abus et maltraitances. Il subit tant des violences physiques que psychologiques comme la privation de ses courriers de nouveau, depuis un mois et demi, il est isolé et privé de contact avec ses codétenus, il n’est pas libre de pouvoir s’approvisionner à l’économat tel qu’il le voudrait. Le directeur y a laissé des consignes restrictives, etc…
Où voyez –vous des avantages?
Vous confondez peut-être avantages et demandes légitimes.
Pour rappel Ali Aarrass a mené 72 jours de grève de la faim. Du 25 août au 4 novembre 2015, et s’il l’a fait c’était pour revendiquer des droits légitimes :
- le renvoi en cassation,
- les visites consulaires,
- la question de sa remise en liberté comme formulée par le groupe de travail de l’ONU,
- l’élaboration d’une véritable enquête sur ses allégations de torture et ses conditions de détention.
Monsieur le Délégué Général, vous laissez paraître la désagréable impression d’une indignation sélective selon qu’on vous rapporte des faits réels de maltraitance sur des prisonniers, appuyés de rapports et courriers que vous semblez ignorer, ou selon que vous portiez le discrédit sur ceux que vous prétendez représenter. Et ce, au prétexte d’un motif quelconque comme celui de la vidéo litigieuse.
Vous comprendrez aisément mon incompréhension et celle du comité de soutien d’Ali Aarrass.
Ne craignez-vous pas qu’on associe votre mutisme à un consentement tacite face aux dérives du milieu carcéral dont vous êtes parfaitement informé ?
Je sais vos affinités pour les médias où vous apparaissez régulièrement mais on peut déplorer vos absences sur le terrain carcéral pour vous enquérir directement auprès des prisonniers.
Ceci étant, j’ai l’espoir que vous aurez l’honnêteté de reconsidérer vos propos malveillants à l’endroit d’Ali Aarrass ainsi que vos accusations infondées à mon encontre concernant ladite vidéo.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur Mohamed Salah Tamek, l’assurance de ma considération très distinguée.
Farida Aarrass
Voir la vidéo torture à la prison de Salé II : cliquez ICI et ICI
Voir l’article sur 360.ma : Tamek dément les allégations de Ali Aarrass : cliquez ICI
Voir la vidéo choc d’Ali Aarrass malmené : cliquez ICI