Ali Aarrass, la rencontre, par Radouane El Baroudi (vidéo YouTube 11 mars 2021)
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Depuis 2012, Ali Aarrass attend une réponse des autorités marocaines à sa demande de pourvoi en cassation. Après cinq ans d’attente, après de multiples grèves de la faim et une mobilisation nationale et internationale de soutien, la Cour de cassation marocaine examinera le dossier Ali Aarrass le 29 mars prochain.
Du nouveau, enfin, pour Ali Aarrass ? Le cas de ce Belgo-Marocain condamné à 12 ans de prison en appel au Maroc en 2012 pour terrorisme après des aveux extorqués sous la torture (dénoncée par des experts de l’ONU) sera examiné ce 29 mars par la Cour de cassation du royaume du Maroc. Une échéance longtemps espérée par le détenu et ses proches qui se matérialise enfin.
Comme dans nombre d’Etat européens, la Cour de cassation ne jugera pas les faits mais contrôlera la légalité de la décision de la Cour d’appel. « Nous avons déposé de longues conclusions, nous explique Me Nicolas Cohen, qui fait partie des avocats qui défendent Ali Aarrass et qui se rendra au Maroc pour assister aux débats. Parmi nos arguments, il y a la violation de la Convention contre la torture. Il faut savoir que les aveux arrachés sous la torture constituent la seule preuve de l’accusation contre Ali. »
Des éléments de procédure seront également plaidés. « Initialement le Maroc a dénoncé Ali Aarrass à l’Espagne comme l’auteur d’un trafic d’armes. Il a été laissé libre et fait l’objet d’une enquête de deux ans par le célèbre juge Garzon. Le juge espagnol avait conclu sur un non-lieu, n’ayant rien trouvé qui corroborerait l’accusation. C’est alors que le Maroc a demandé l’extradition d’Ali sur la base d’un autre chef d’accusation, celui d’avoir voulu organiser des camps d’entraînement en Algérie destinés à préparer des attentats au Maroc. Mais, dans ce pays, il a été condamné pour le trafic d’armes initialement invoqué. Le Maroc a donc violé une règle de base de droit international en le jugeant à propos d’une autre accusation que celle fondant son extradition.»
Il est évidemment impossible de prévoir comment réagira la Cour de cassation d’un pays, le Maroc, où les juges d’instance ont ostensiblement ignoré les faits de torture subis par Ali Aarrass qui l’ont amené à signer des aveux dans une langue arabe qu’il ne maîtrise pas.
Neuf ans de prison, en Espagne puis au Maroc
Le cas d’Ali Aarrass défraie la chronique depuis près d’une décennie. C’est le 1er avril 2008 que l’Espagne arrête ce Belgo-Marocain né à Melilla en 1961. Après un an d’enquête, il est blanchi par le juge Baltazar Garzon mais extradé au Maroc le 14 décembre 2010. Torturé pendant douze jours, il finit par signer les aveux qu’on lui présente. Condamné en première instance (16 ans) puis en appel (12 ans) en 2011 puis 2012, il n’a cessé de récuser ces aveux obtenus sous la torture, celle-ci ayant d’ailleurs été constatée par un rapporteur du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme en 2012.
Longtemps emprisonné à Salé, Ali Aarrass a fait plusieurs grèves de la faim, notamment pour que cessent des traitements dégradants. Il a été transféré en octobre 2016 dans la prison de Tiflet, sise au milieu de nulle part à 45 km de Salé. Il y reçoit un traitement extrêmement dur. A l’isolement total avec une heure de promenade (seul aussi), il dort sur un bloc de béton, sans matelas ; il a droit à une douche par semaine et à un coup de téléphone de 5 minutes par semaine. Il a perdu 18 kg depuis qu’il se trouve incarcéré à Tiflet.
Sa sœur Farida, bruxelloise, le soutient avec ténacité depuis le début de ses tourments. Elle est à la base de la création d’un comité de soutien (1). Elle est allée autant que possible lui rendre visite en prison. Sa dernière visite date du 26 février. Plus que jamais, la courte entrevue de 25 minutes fut très émouvante, selon son récit. Parmi les mots de son frère que Farida a rapportés, il y avait ceux-ci : « Il n’y a rien de pire que d’être privé de tout contact humain. Farida, je ne sais combien de temps je vais pouvoir tenir ainsi… ».
BAUDOUIN LOOS
(1) De nombreux éléments d’informations se trouvent sur le site freeali.be.
Dans la presse :
Le 10 janvier dernier, avec une cinquantaine d’ami(e)s, je participais à l’audience du procès en référé d’Ali Aarrass et de Farida Aarrass contre l’État belge, en la personne du Ministre Reynders. On n’y demandait pas que le Ministre fasse sortir Ali Aarrass de sa prison de Salée II, où il croupit injustement depuis quelques années. La demande était simplement d’obtenir une protection consulaire pour Ali, comme elle existe pour les Belges dits de souche. Et/ou, du moins, que le ministre s’assure régulièrement et positivement du bien-être physique et psychique de son ressortissant. Par la voie de ses avocats, monsieur Reynders a réaffirmé son refus catégorique d’assurer une protection quelconque pour Ali Aarrass qui – pour rappel- dispose de la nationalité belge depuis le 12 mai 1990, a fait son service militaire en Belgique et y a payé ses impôts comme tout le monde. Dans l’argumentation du ministre, déposé au tribunal, on peut lire, je cite : « La demande de M. Aarrass est irrecevable et non-fondée/…/ Il n’existe entre l’Etat belge et Ali Aarrass aucun lien juridictionnel/…/ Ali Aarrass ne dispose d’aucun droit à la protection consulaire en vertu du droit international ou du droit européen des droits de l’homme.. M. Aarrass ne tombe pas sous la juridiction de l’état belge au sens de l’article I de la Convention européenne des droits de l’homme. L’état belge ne pourrait de surcroît être considéré comme responsable d’une violation de l’article 3 de ladite Convention dès lors que les actes de torture allégués par M. Aarrass n’ont pas été perpétrés dans la juridiction de l’état belge et que ces actes ne sont le fait ni des agents diplomatiques, ni des agents de l’État. L’état belge ne viole enfin aucune disposition de la Convention en n’octroyant pas l’assistance à M. Aarrass puisqu’aucune obligation d’intervenir ne peut être tirée des dispositions de celle-ci. » Bref, de la part de celui qui veut devenir ministre-président de la Région bruxelloise à majorité issue de l’immigration, ou même premier ministre d’un futur gouvernement fédéral il n’y eut aucun signe d’ouverture au dialogue et beaucoup de mots pour dire non sur toute la ligne.
Non, il n’y a pas d’égalité entre les Belges ayant la double nationalité et les autres.
La Belgique se présente comme un pays où il n’existe que deux catégories de citoyens : ceux qui disposent de la nationalité belge et ceux qui n’en disposent pas. Contrairement aux Pays-Bas où plus d’un million de personnes sont enregistrés en tant que citoyens néerlandais disposant d’une autre nationalité, – dont plus de 250000 Marocains et autant de Turcs-, la Belgique refuse même de tenir des statistiques sur le nombre de bis-nationaux sur son territoire.
L’affaire du Belgo-marocain Ali Aarrass a démontré qu’il existe bel et bien une discrimination au sein des citoyens qui ont la nationalité belge. A l’argument qu’intervenir pour un Belge de souche mais refuser cette même intervention à un Belge ayant la double nationalité, constituerait une discrimination et une inégalité entre les Belges, le ministre répond : « Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité interdit que des personnes se trouvant dans des situations essentiellement différentes soient traitées de la même manière, lorsqu’il n’existe pas de justification raisonnable pour ce traitement égal. Or, les personnes de nationalité belge se situent objectivement dans une situation différente de celles qui possèdent une double nationalité, l’une d’entre elles fût-elle la nationalité belge.. » En d’autres termes, pour Reynders la nationalité belge des bis-nationaux n’est pas une vraie nationalité. Elle n’est qu’une nationalité à côté d’une autre. Mais, monsieur le ministre, d’autres états traitent leurs citoyens, bis-nationaux ou non, de la même manière ? Le ministre répond : « Le fait que certains états octroieraient, comme le soutient M.Aarrass, la protection consulaire à ses ressortissants – ce qui n’est d’ailleurs nullement démontrés -ne change rien à la situation de l’état belge.. »
Oui, nous étions au courant qu’Ali Aarrass a été torturé
Les choses prennent une dimension beaucoup plus dramatique quand il s’agit d’un cas de torture, subie par un citoyen belge ayant la double nationalité dans l’autre pays de sa nationalité. Là, on pourrait s’attendre à ce que le ministre mette de côté ses considérations formelles. On pourrait attendre que, dans ce cas-là, la Belgique, en tant que signataire de la « Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », prendrait ses responsabilités. Les preuves de la torture d’Ali Aarrass sont sans appel. Juan Mendez, le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture l’a confirmé dans son rapport de décembre 2012. Le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire l’a confirmé dans son rapport de décembre 2013. Rien n’y fait. Là aussi, la réponse de Reynders est sans appel.
Rappelons d’abord que le Ministère des affaires étrangères a jusqu’à présent toujours prétendu ne pas être au courant de la torture au Maroc en général et pour Ali Aarrass en particulier. Il est allé jusqu’à nier son existence. A ce sujet, vous pouvez relire les déclarations d’Olivier Chastel, Ministre du Développement, chargé des Affaires européennes, au nom du ministre des Affaires étrangères du 7 juin 2011 : « il n’est pas apparu jusqu’à présent que des prisonniers belges au Maroc ou dans d’autres prisons à l’étranger auraient été torturés. » ( ). Ou les déclarations des fonctionnaires du ministère des affaires étrangères lors d’un entretien avec une délégation de la Campagne Free Ali le 5 octobre 2011. ( ). Devant le tribunal, Reynders change de cap. Il prétend que lui et les services du ministère étaient très bien informés du calvaire subi par Ali Aarrass au Maroc. Reynders : « Les conseils de M. Aarrass ont régulièrement informé l’État belge de sa situation, ce qui tend à démontrer que l’autorité était correctement informée et qu’elle s’est prononcée en connaissance de cause. » Quant à la torture, devenue irréfutable, Reynders sort un nouvel argument. Comme la torture n’a pas été commise sur notre territoire, ni par un fonctionnaire de l’État belge à l’étranger, nous nous en lavons les mains. Ce n’est pas notre problème. Reynders : « Ce qui se passe sur le territoire étranger (marocain en l’espèce) ne peut donc engager la responsabilité de l’état belge et ce dernier n’est pas tenu de garantir le respect des droits reconnus par la convention (contre la torture) à l’égard de M. Aarrass ».
Reynders et la fin des droits de l’homme
La pénible impression que cette audience du procès m’aura laissée, c’est qu’on ne parlait pas d’un être humain. Monsieur Reynders et ses avocats parlaient de choses techniques, d’un objet qui s’appelle Ali Aarrass, mais pas d’une personne en détresse. Nous avons pu entendre les avocats de monsieur Reynders citer froidement un tel article de la déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, un autre de la déclaration européenne des droits de l’homme, encore un autre de la Conventions de Vienne ou de La Haye, avec comme seul objectif : justifier l’abandon d’un homme torturé, dont les droits humains les plus fondamentaux ont manifestement été violés. En sortant de ce tribunal je me suis dit que la déclaration des droits de l’homme avait été complètement vidée de son sens soixante ans après son adoption. Elle a été réduite à une formule bureaucratique, technique, administrative dont un état se sert pour justifier son attitude injustifiable. Il ne s’agit pas seulement de monsieur Reynders, dont on pourrait dire que c’est un homme d’affaires et de business, surtout spécialisé dans le sauvetage des banquiers en tant que ministre des finances pendant plus d’une décennie (de 1999 à 2011). Mais ce n’est pas le cas. Il s’agit bien d’un glissement global de la politique. Prenons les déclarations de l’ex-ministre de la justice Van Deurzen pour justifier les situations inacceptables dans la section AIBV de la prison de Bruges. Ou les arguments pour justifier l’extradition illégale de Trabelsi par Turtelboom. Ou les arguments de Maggie Deblock pour justifier sa politique impitoyable d’expulsion des réfugiés. Tout cela se fait en déclarant devant les caméras qu’on respecte scrupuleusement la déclaration et les conventions des droits de l’homme. Et pourtant on sait que c’est faux : l’effet inhumain de leurs politiques est visible et incontestable. Des réfugiés expulsés aux détenus torturés et oubliés, les situations humainement et moralement inacceptables sont là.
Dans son article sous le titre « Less than human » sur le traitement inhumain des réfugiés à Malte1 (1), Daniela Debono plaide pour un retour aux débats sur l’article premier de la déclaration universelle des droits de l’homme. Le préambule de la déclaration dit : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde… » et dans son article premier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.. ». Elle décrit les débats qui ont duré six jours où certains pays ont voulu enlever le mot « dignité », parce que la dignité serait indéfinissable, elle n’aurait pas sa place dans une déclaration qui parle des droits etc.. Elle explique que c’est précisément cette dignité humaine indéfinissable qui est à la base et au cœur de la déclaration des droits de l’homme. Pour que celle-ci ne devienne pas une énième déclaration, une énième liste de standards et de formules vides de sens dans les mains des états. La reconnaissance de la dignité humaine nous oblige de poser les question morale : la situation d’Ali Aarrass est-elle humainement acceptable ? Le cri à l’aide d’un être humain vulnérable a-t-il été entendu ? Poser ces questions à Reynders c’est y répondre.
Votre soutien pour payer les frais du procès est le bienvenu : Farida Aarrass BNP Paribas Fortis, Chée de Gand à Molenbeek IBAN: BE69 0016 7484 8678 BIC: GEBABEBB
(1) Daniela Debono, ‘Less than human’:the detention of irregular immigrants in Malta, Race & Class, October-December 2013
Résumé de la vidéo de maitre Cohen par Nicolas Ingargiola
Accusé de faits extrêmement graves, Ali Aarrass a été condamné à 12 années de prison ferme.
La justice marocaine reproche à Ali Aarrass d’appartenir à une organisation terroriste. Ali est accusé d’avoir participé à la création d’un camp d’entrainement de moudjahidines marocains en Algérie, d’avoir diffusé, au Maroc, des tracts appelant à la chute du Roi Mohamed VI ainsi que d’avoir transporté des armes de la Belgique vers le Maroc, via l’enclave espagnole de Melilla.
Ces accusations sont portées dans le cadre d’un dossier beaucoup plus large, celui de l’affaire Belliraj. Selon la justice marocaine Ali Aarrass aurait noué des liens avec Abdelkader Belliraj et deux autres personnes : Benraba Benittou et Mohamed Nagaoui, réceptionnaires des armes au Maroc.
Ali Aarrass écope aujourd’hui d’une très lourde peine de 12 années de prison parce que la justice marocaine a été capable d’étayer les accusations portées à l’encontre d’Ali et qu’elle détient, pour ce faire, des « preuves » solides.
Et c’est bien là que le bât blesse…
Les aveux d’Ali Aarrass
Les accusations envers Ali Aarrass reposent sur un document d’une quinzaine de pages, rédigé en arabe, et qualifié d’ « aveux d’Ali Aarrass ». Ce document est une somme de déclarations extrêmement précises, dans lesquelles Ali Aarrass expliquerait et détaillerait la totalité de ses rencontres avec Abdelkader Belliraj en Belgique, en Espagne et au Maroc. Cependant, Ali affirme n’avoir jamais ni lu, ni signé, ce document. Sans compter qu’Ali Aarrass ne maitrise pas la langue arabe. Ali Aarrass aurait-il signé un document qu’il ne comprenait pas?
Hormis ces aveux, le dossier ne contient aucune autre charge contre Ali Aarrass. La justice marocaine n’a jamais retrouvé les armes qu’Ali aurait transportées, ni même le tract appelant à des actions contre le Roi. De même, la justice marocaine a été incapable d’apporter la preuve de la création d’un camp d’entrainement en Algérie.
Le procureur général du Roi a donc décidé de lier les dossiers Belliraj, Benittou et Nougaoui à celui d’Ali. Selon le procureur, ces trois personnes auraient fait des déclarations incriminant Ali Aarrass. Ces dossiers ont été utilisés pour « corroborer » les « aveux » d’Ali Aarrass.
Mais là où le mystère persiste, c’est que les déclarations de Belliraj, de Benittou et de Nougaoui n’ont pas été versées dans le dossier Aarrass… Seul le jugement condamnant Benittou a été lié au dossier. Dans ce jugement, l’accusé ferait mention d’un certain Ali Aarrass.
Et pourtant, une confrontation judiciaire directe entre Ali Aarrass et Benittou a bien eu lieu. Les deux personnes avaient déclarés ne pas se connaitre. Chose étonnante, cette confrontation ne se retrouvent pas dans le dossier Aarrass.
Plus grave encore, dans le jugement versé au dossier, Benraba Benittou affirme avoir été torturé…
La torture systématique des accusés de « terrorisme »
De nombreuses organisations des Droits de l’Homme soulignent que la torture est toujours pratiquée au Maroc et elle l’est systématiquement pour les accusés de « terrorisme ». Les aveux d’Ali Aarrass, d’Abdelaker Belliraj et de Benraba Benittou ont tous un point commun : avoir été obtenus sous la torture.
Les procédures juridiques en cours
Des procédures juridiques pour l’affaire Ali Aarrass sont toujours en cours.
Deux procédures sur les quatre engagées sont propres à l’Etat marocain, les deux autres concernent l’ordre juridique international : l’ONU, le Maroc et l’Espagne.
La procédure principale est marocaine et concerne le procès pour terrorisme contre Ali Aarrass. Le 24 novembre 2011, Ali Aarrass a écopé d’une peine de prison de 15 ans ferme. Le 2 octobre 2012, la peine a été réduite à 12 ans de prison ferme, en appel. Les avocats d’Ali se sont pourvus en cassation. La Cour de Cassation ne rejugera pas l’affaire sur le fond mais uniquement sur la forme légale : la justice marocaine a-t-elle respecté les formes légales du procès ? L’enquête diligentée a-t-elle été menée de façon équitable ?
Les avocats d’Ali s’impatientent toujours de recevoir la motivation de la Cour d’Appel pour se pourvoir en cassation. Sans cet arrêt complet et argumenté de la Cour, les avocats ne peuvent aller plus loin dans leur démarche juridique. Lorsque l’arrêt sera rendu public, les avocats auront 60 jours pour introduire un mémoire en cassation. Dès lors, une date d’audience sera fixée devant la Cour de Cassation. Cette procédure pourra prendre du temps.
Une procédure annexe, marocaine, concerne cette fois-ci la plainte pour torture sur Ali Aarrass. La plainte a été déposée devant un juge d’instruction après avoir été validé par le président du tribunal de première instance de Rabat. La justice marocaine fait le maximum pour ne pas investiguer cette plainte. En effet, la procédure normale de consignation (dépôt d’une somme d’argent pour couvrir les frais de la justice marocaine) n’a toujours pas été transmise aux avocats d’Ali Aarrass. Ce refus de communiquer la somme d’argent à consigner empêche les avocats d’Ali Aarrass d’avancer dans leur démarche juridique. Une plainte pour torture avait antérieurement été déposée devant le procureur du Roi, elle avait été classée sans suite…
Une procédure internationale est en cours contre l’Espagne. L’Espagne avait extradé Ali Aarrass alors que le comité des Droits de l’Homme de l’ONU avait interdit temporairement toute extradition vers le Maroc. Cette procédure, qui vise à prouver la culpabilité de l’Espagne, devrait être bientôt close. Une décision du Comité des Droits de l’Homme des Nations Unis devrait tomber sous peu.
La dernière procédure internationale concerne la plainte d’Ali Aarrass pour torture devant le Comité contre la Torture des Nations Unies. La plainte a été transmise. Le Maroc a cependant trouvé la plainte irrecevable. Le Comité est en train d’examiner les questions posées sur la torture. Les avocats d’Ali Aarrass recevront d’ici quelques semaines le rapport du Comité et prendront connaissance de la défense du Maroc contre cette plainte sérieuse et très documentée. Les deux actes d’enquête menés par le procureur général du Roi de Rabat, c’est-à-dire une audition et une expertise médicale, sont des éléments entièrement biaisé et, pour parti, faux.
Le procès-verbal qu’auraient rédigé deux policiers est un faux. Cette audition n’a jamais eu lieu. Et les policiers ont affirmés dans leur rapport qu’Ali n’avait plus aucune séquelle physique de la torture.
En ce qui concerne l’expertise médicale, trois médecins ont auscultés Ali Aarrass. Ceux-ci n’ont pas appliqué le protocole d’Istanbul sur l’expertise médico-légale des personnes ayant souffert de la torture. Aucune question sur l’état de santé morale n’a été posée à Ali. Cette enquête médicale a été bâclée, le travail des médecins ne correspondant pas aux règles minimales exigées en la matière.
Pour conclure, certaines personnes attendent aujourd’hui une grâce royale mais les avocats d’Ali Aarrass n’ont pas été mandatés pour demander cette grâce. Ali souhaite que justice lui soit faite et qu’il soit déclaré innocent par la justice marocaine. Aucune grâce d’Ali n’est prévue à ce jour.
Nicolas Ingargiola