« Abou Ghraïb au Maroc », un article de Taoufiq Bouachrine
Quelle est donc cette capacité d’encaissement que possède Benhachem ? Et quel est cet aplomb que l’ancien collaborateur de Driss Basri à la Sûreté détient pour rester aussi impassible, ses nerfs comme placés dans un frigo, du début à la fin de l’audience du CNDH où il a entendu les pires choses sur les prisons dont il a la charge ?
Coups de bâtons et de tuyaux en plastique, « suspension » en l’air des prisonniers attachés avec des menottes, à la porte de leurs cellules, pendant de longues durées, coups de poings, brûlures, coups de pieds, dénudement intégral des détenus et exposition de leurs corps nus aux regards des autres, insultes avec les mots les plus orduriers et les plus méprisants et avilissants qui soient…
Que manque-t-il donc pour rebaptiser le Haut-commissariat à l’Administration pénitentiaire en Abou Ghraïb ? Ah oui, j’oubliais… il existe quand même une forme de torture qui n’est pas du tout appliquée dans les prisons de Benhachem : le harcèlement sexuel des prisonniers par des blondes et leur obligation à avoir des relations sexuelles avec elles, comme cela se produisait dans la sinistre prison d’Abou Ghraîb, en Irak…
Le rapport, dont la rédaction aura nécessité cinq mois d’enquêtes dans les différentes et nombreuses centrales d’arrêt au Maroc, n’a pas été élaboré par un organisme indépendant de défense des droits humains, pas plus qu’il n’est le fait d’une ONG ou institution internationale, ni même d’un organe d’opposition, mais bel et bien d’une institution officielle, dont le président et le SG ont été désignés par dahirs royaux… et c’est bien pour cela, surtout pour cela, que ce rapport terrible sur l’effrayante situation qui prévaut dans les prisons ne doit pas être rangé soigneusement dans un tiroir, et oublié, comme si de rien n’était.
Si le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a mis le doigt sur une plaie béante de notre société, cela aura permis de redonner un peu de crédibilité et d’indépendance à cet organisme né handicapé. Cependant, on peut également reprocher au CNDH de s’être arrêté en milieu de chemin en essayant de blanchir Benhachem de toute implication directe dans ce qui se produit comme traitements dégradants et humiliants, chaque jour, dans ses geôles, comme si c’étaient des êtres imaginaires qui dirigeaient ses prisons et officiaient dans leurs administrations.
Benhachem est juridiquement et administrativement responsable de qui se passe dans une institution qu’il dirige de la manière la plus directe qui soit, dont il nomme les directeurs et responsables des centrales d’arrêt et où il prend toutes les décisions. Le seul chose qui lui reste à faire est de présenter sa démission et de s’en aller. Immédiatement. Et le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, est également responsable sur les plan juridique, politique et même (et surtout) moral sur ces faits qui se produisent dans les prisons du royaume, car le Haut-commissariat à l’Administration pénitentiaire relève de la présidence du gouvernement. Quant à Mustapha Ramid, le ministre de la Justice, il est à son tour responsable, et lui aussi, sur les plan juridique, politique et même (et surtout) moral et, de ce fait, il lui appartient d’ordonner l’ouverture d’une instruction judiciaire sur les faits rapportés par le rapport du CNDH ; son ministère doit reprendre les points de ce rapport et interroger les responsables en garantissant les protections légales aux témoins afin de les protéger et les prémunir contre toute vengeance des accusés… accusés de tortures et de mauvais traitements…
Par ailleurs, la torture dans les prisons revêt plusieurs formes. Ainsi, en plus des comportements sadiques de certains responsables et gardiens de prisons, il y a aussi le problème de la surpopulation carcérale (65.000 détenus pour une capacité de 30.000 places) ; et puis, les prisons au Maroc n’assurent pas le minimum alimentaire à leurs pensionnaires puisqu’il est admis qu’un prisonnier coûte quotidiennement 20 DH à l’Etat, une somme englobant son alimentation, en plus des dépenses d’eau et d’électricité ; le budget des dépenses des prisons, au niveau national, ne dépasse guère 556 millions de DH annuellement, et leur budget global pour 2013 sera de 2,2 milliards de DH, avec une augmentation de seulement 200 millions de DH par rapport à l’année passée. Cela est nettement en-deçà des besoins… et si l’Etat se montre ainsi incapable de s’occuper de 65.000 citoyens dans des conditions humaines décentes, comment pourrait-on attendre de lui qu’il prenne en charge les 34 millions d’autres personnes, qui vivent à l’extérieur des murs des prisons ?
Comment donc le chef du gouvernement peut-il manger, boire et dormir alors que dans tous les coins et recoins des prisons et pénitenciers du royaume, des êtres humains vivent dans des conditions moyenâgeuses, torturés, battus, humiliés, brûlés ?… Il s’agit là d’une véritable marque d’infamie sur le front des responsables de ce gouvernement, et plus généralement de tout responsable de ce pays qui peut faire, qui peut dire, qui peut dénoncer… et qui se tait… La moindre des choses que pourrait faire Benhachem est d’envoyer Benhachem en retraite et de réviser cette pratique, cette erreur, consistant à faire appel à cette ancienne mentalité, dépassée et renfermée sur elle-même, pour diriger les prisons du royaume.
Votre silence, Messieurs, ne fait que prolonger l’existence de ces prisons de la honte !
Un nouveau rapport choc ! Le CNDH de Mohamed VI reconnaît « la torture et les traitements cruels dans la plupart des prisons marocaines »
Photo : conférence de presse CNDH à Rabat
Du jamais vu. Et une gifle à tous ces fidèles défenseurs du régime marocain, qui n’arrêtent pas de nous assurer qu’au Maroc « rien n’est plus comme avant ». Le mardi 30 octobre 2012, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) a démontré le contraire. Lors d’une conférence de presse à Rabat il a présenté son rapport choc, intitulé : “La crise des prisons, une responsabilité partagée : 100 recommandations pour la protection des droits des détenu(e)s”.
Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH)
Le CNDH a été créé en mars 2011 par le roi Mohamed VI lui-même. Il en a nommé tous les membres. Après les manifestations de masse du Mouvement du 20 février, qui avaient rassemblé des dizaines de milliers de personnes, réclamant le respect des droits de l’homme, sa création avait été annoncée comme « une des réformes globales menée par la monarchie », voulant éviter ainsi une révolution à la tunisienne ou à l’égyptienne. Force est de constater que, depuis lors, cette « reforme globale » de la justice ou du système carcéral n’a jamais eu lieu.
Ces derniers mois, il y a eu pas moins de trois rapports officiels sur les conditions infernales qui persistent dans les prisons marocaines, et que le nouveau rapport du CNDH ne vient que confirmer.
Des rapports successifs..
En juillet 2012, un rapport sur la prison de Oukacha (Casablanca) de la Commission de la Justice, de la législation et des droits de l’Homme du parlement marocain, dénonçait les conditions carcérales constatées lors d’une visite d’inspection à cette prison : « 4 détenus enfermés dans une espace de 2 m² », « 7.572 prisonniers pour une capacité de 5800 détenus », « manque d’infrastructure de base », « absence des “conditions de santé adéquates », « qualité de la nourriture qui laisse à désirer ». Puis, il ya eu le rapport provisoire de Juan Mendez, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture en septembre et en octobre 2012 (http://www.freeali.be/2012/10/17/torture-la-cooperation-judiciaire-avec-le-maroc-ne-peut-plus-continuer/). Suivi le 25 septembre d’une condamnation ferme de la pratique systématique de la torture au Maroc par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (http://www.freeali.be/2012/10/17/torture-la-cooperation-judiciaire-avec-le-maroc-ne-peut-plus-continuer/) photo : Juan Mendez à la conférence de presse à Rabat
.. avec toujours le même constat.Le rapport du CNDH se base sur des visites des membres du Conseil effectuées dans 15 établissements pénitentiaires durant la période allant du 31 janvier au 19 juin 2012. De ce rapport « un résumé exécutif du rapport sur la situation dans les prisons et des prisonniers » est disponible 1 Bien qu’il ne s ‘agit que d’un résumé de 14 pages, l’image de la situation carcérale marocaine y apparaît dans toute sa clarté. On peut y lire que le Conseil « a voulu s’arrêter, de manière objective et précise, sur les violations qui pourraient porter atteinte aux droits des détenu(e)s ». Chose nouvelle : il s’agit d’exactions commises par le personnel des prisons. Donc survenues après que ces détenus ont déjà subi les interrogations par la police ou la DST : « Ces violations (dans les prisons) se manifestent par des coups portés aux moyens de bâtons et de tuyaux, la suspension sur des portes à l’aide de menottes, les coups administrés sur la plante des pieds (FALAQA), les gifles, les pincements à l’aide d’aiguilles, les brûlures, les coups de pied, le déshabillage forcé des détenus au vu et au su des autres prisonniers, les insultes et l’utilisation d’expressions malveillantes et dégradantes portant atteinte à la dignité humaine des détenus. Ces exactions ont été observées dans la plupart des prisons visitées avec une prévalence et une intensité qui diffèrent d’une prison à une autre, à l’exception des prisons d’Inezgane et de Dakhla où seuls des cas isolés ont été enregistrés. » (page 4).
On apprend aussi que dans la plupart des prisons « l’alimentation amenée par les familles est parfois refusée ou détruite (!); l’existence d’une pratique de punitions collectives; des transferts administratifs comme mesure disciplinaire… »
Le rapport insiste sur l’absence total « de procédures et de mécanismes de contrôle, d’enquêtes au sujet des plaintes déposées à l’encontre du personnel, y compris le personnel sanitaire, ou au sujet des violations relatées par la presse et les associations. Il y a la « non effectivité du contrôle judiciaire » (page 5). En un mot : l’arbitraire et l’abus du pouvoir règnent dans les prisons marocaines.
Deux (!) libérations conditionnelles en 2011
Je prends à titre d’exemple quelques chiffres et données dans le résumé qui nous donnent une idée de la situation des prisons marocaines : « le pourcentage de détenus incarcérés pour trafic et/ou consommation de drogues s’élève à 37,25 % du nombre total de détenus ». C’est-à-dire que presque 1 sur 2 détenus est en prison pour des affaires de drogues. Dans les recommandations du Conseil, on peut lire qu’on doit « mettre à la disposition des détenus suffisamment de couvertures, de matelas et de vêtements » et qu’il faut « la distribution juste et équitable des couvertures à l’ensemble des détenu(e)s sans exception. » (page 10). Ce qui veut dire qu’il y a des détenu(e)s qui n’en reçoivent tout simplement pas. A signaler aussi : la nourriture qui est insuffisante, pas de qualité ou trop chère dans les cantines; les soins médicaux inexistants ou insuffisants. Aussi faut-il, dit le rapport : « équiper les parloirs de toutes les prisons en chaises et tables en vue d’améliorer les conditions d’accueil des familles. » (page 10). L’image humiliant de familles assises par terre n’a pas échappé au Conseil.
Et puis, il y a la surpopulation carcérale dramatique qui, selon le Conseil : « contribue à la survenance des violations graves qui touchent essentiellement les prestations, la santé, l’hygiène, l’alimentation et la sécurité d’un côté et la réhabilitation des détenus d’un autre ». (page 7).
Pour le Conseil les raisons de la surpopulation sont les suivantes : « Le surpeuplement est dû en grande partie à la détention provisoire qui concerne 80% des détenus, au retard enregistré dans le jugement des affaires, à la non-application de la liberté conditionnelle et à l’absence de normes objectives dans la procédure de Grâce ». En langage normal, on peut dire qu’au Maroc la prison est utilisée pour terroriser les pauvres et tous ceux qui dérangent. On peut vous mettre en prison à tout moment et pour tout en n’importe quoi. Si vous avez de la chance, vous bénéficierez d’une peine avec sursis ou un non lieu ou serez reconnu innocents, à moins de bénéficier d’une Grâce Royale, accordée de manière aussi arbitraire que les arrestations. « Chaque année des milliers (!) de personnes incarcérées bénéficient d’un non-lieu, sont acquittées ou condamnées à des peines avec sursis » (page 11). S’ajoute à cela, la non-application de la libération conditionnelle, pourtant prévue par la loi. Ainsi, on ne compte que « deux libérations conditionnelles en 2011 ». (page 4) La libération conditionnelle « est refusée à la majorité des demandes formulées. » Pourtant, parmi ceux qui auraient pu en bénéficier en 2011, se trouvaient « 17939 détenus qui ont purgé les deux-tiers de leur peine, les personnes âgées, les 9228 condamné(e)s à moins de six mois et les personnes atteintes de maladies chroniques » (page 11)
les femmes détenues et leurs enfants.
Les femmes détenues : « .. pâtissent davantage… de traitements cruels et comportements dégradants (insultes, humiliations), aussi bien dans les postes de police qu’en prison .» (page 6). Le Conseil constate « (…) l’exiguïté de l’espace », réservé à ces femmes dans « plusieurs prisons, l’absence de crèches et de moyens de divertissement pour ces enfants … Dans les cas où les crèches existent, elles ne sont pas équipées. A l’expiration du délai, qui leur est accordé pour garder leurs enfants, et en l’absence des proches ou devant leur refus de les prendre en charge, les détenues sont contraintes de les abandonner à des tiers qui les exploitent dans certains cas dans la mendicité ou les placent dans des orphelinats ». « Les détenues incarcérées pour des affaires de moeurs sont particulièrement visées par certaines surveillantes ». (page 6)
Les mineurs.
Au Maroc on peut être mis en prison à partir de 12 ans. Le Conseil propose d’élever cet age à 15 ans. Et de commencer à prendre des mesures pour remédier à : “la non existence d’une police des mineurs et de lieux de garde à vue ad hoc, la non existence de substituts du procureur du Roi spécialisés dans la justice des mineurs, le manque de moyens humains et matériels à même de garantir qu’aucun préjudice ne soit causé aux mineurs en garde à vue ou la non information des parents dans certains cas des dispositions prises.”
100 recommandations, mais aucune sanction.
Le rapport dénonce aussi le racisme et l’isolement total dont sont victimes les détenus étrangers de la part des autres détenus et du personnel « à cause de leur couleur ». Souvent personne n’est mise au courant de leur présence en prison.
Mais après tout cela, on se demande à quoi va servir ce rapport ? Quel sera la suite ? Bien qu’il ose dénoncer des situations accablantes dans le monde carcéral, il y a raison d’être particulièrement méfiant par rapport à la suite de ce rapport du CNDH. S’agit-il d’une nouvelle manoeuvre du régime pour prouver à l’opinion publique et internationale « qu’il y a un esprit d’ouverture au Maroc», que le Maroc « travaille au changement positif », « qu’il est en train de développer une culture de respect des droits de l’homme en vue de l’élimination de la torture dans un futur proche» ? Bref, ce rapport sera -t-il l’occasion pour répéter les formules et les promesses qu’on entend depuis trop longtemps? Et qui pourraient ouvrir au Maroc la porte au Comité des droits de l’homme de l’ONU pour y occuper un siège permanent, que le Maroc veut obtenir à tout prix.
Le rapport fait état de tout…
Sauf des prisonniers politiques et de leur torture systématique, surtout quand il s’agit de « terrorisme » et de la « sécurité nationale ». Comment ne pas mentionner l’état dans lequel ces détenus, comme Ali Aarrass et tant d’autres, arrivent en prison, après leur passage par les mains de la DST et la brigade BNPJ ? Comment nier qu’il n’y a aucune reconnaissance de ces faits, pas de suite aux plaintes des torturés, pas d’examens médicaux impartiaux et objectifs.., comme le dit Juan Mendez ?
Le rapport parle du « personnel » dans les prisons, responsable pour les tortures. Une demande de démission immédiate et de punition par la justice de ses auteurs ne se retrouve pas parmi les 100 recommandations. Le rapport évite aussi soigneusement de citer ne fût-ce qu’un des responsables au plus haut niveau, qui portent pourtant la responsabilité finale pour la torture. Or, sans nettoyer à fond le sommet de l’appareil de l’état, toute idée de changement restera une illusion.
Le Conseil se limite dans sa « conclusion générale » à la nécessité « d’accélérer le processus de ratification du protocole facultatif à la Convention internationale contre la torture », «de la mise sur pied d’un mécanisme national et indépendant pour la prévention de la torture », et « de l’élaboration un plan d’action pour l’éradication de la torture ». Mais la torture n’est-elle pas déjà considérée comme un crime dans la nouvelle constitution marocaine sans que cela a changé quoi que ce soit?
Quand on fait 100 recommandations, c’est souvent pour noyer le poisson. Donnez-nous cinq recommandations et surtout cinq mesures concrètes qui visent l’essentiel, au lieu de 100 qui parlent de tout et de rien, et qui permettront de dire, en 2013, qu’on a quand même obtenu quelque chose (une crèche par ici, un matelas par là), sans toucher au coeur du problème. Réclamer la punition des responsables serait un signe clair. Exiger la libération immédiate des prisonniers politiques et de toutes les victimes de la torture, avant et pendant leur incarcération, en serait un autre.
Luk Vervaet.
1http://www.lesechos.ma/index.php?option=com_content&view=article&id=26889:rapport-cndh-la-crise-des-prisons&catid=22:documents-utiles
APPEL ! Ce dimanche 11 novembre à 15h au Botanique le documentaire « Ali Aarrass, pour l’exemple » + débat (Situation du dossier Ali Aarrass, des droits de l’Homme au Maroc, la question de la double nationalité…)
Dans le cadre du Festival du Cinéma Méditerrannéen.
Vidéo Egalité : les interventions à la Journée internationale contre l’arbitraire, l’injustice et la torture au Maroc (Bruxelles 28 octobre)
Les familles des détenus belgo-marocains au Maroc se mobilisent …
Les familles des détenus belgo-marocains au Maroc se mobilisent pour briser le silence et pour dénoncer l’abandon total de leurs proches par la Belgique.
La soeur d’Ali Aarrass, la soeur d’Abdelatif Bekhti, le papa d’Hicham Bouhali Zriouil… ont pris la parole devant l’ambassade du Maroc à l’occasion de la journée mondiale contre la torture, l’injustice et l’arbitraire au Maroc. Présent aussi, la famille Belliraj et deux familles de détenus belgo-marocains de Liège et d’Anderlecht.
Les familles préparent ue nouvelle intiative à l’occasion de la journée internationale des droits de l’homme le 10 décembre prochain.
Dimanche 28 octobre 2012 : Journée mondiale contre l’injustice, l’arbitraire et la torture au Maroc
Rachida Belliraj : « Appel à toutes les bonnes consciences au Maroc »
Nous, femmes et enfants de détenus politiques, détenus islamistes, détenus condamnés sous l’égide de la loi anti-terroriste, déclarons « plus jamais un autre Aid sans nos proches »!
Nous, femmes et enfants de détenus de l’arbitraire, de la torture et de l’injustice,
disons encore une fois « plus jamais un autre Aid sans nos proches ».
Nous, femmes et enfants des détenus politiques au Maroc, adressons toutes et tous et d’une seule voix, un appel:
-Au président du gouvernement Mr. Abdel illah Ben Kiren
-Au ministre de la justice Mr. Mustapha Erramid
-Aux présidents de tous les partis politiques conscients de notre détresse
-A tous les représentants du peuple et de la société civile
-A toutes les organisations humanitaires nationales et internationales
Encore une fois « plus jamais un autre Aid sans nos proches ».
Nos détenus ont été au vu et au su de tout le monde enlevés, séquestrés, torturés, puis livrés à une justice des plus injustes, puis condamnés arbitrairement à de lourdes peines.
Qu’attendre après tout cela, de centaines d’enfants qui grandissent loin de leurs parents, sinon la débauche et la délinquance.
Nous implorons nous, femmes et enfants des détenus politiques au Maroc, toutes les bonnes consciences, au Maroc ainsi qu’en dehors du Maroc, de soutenir notre cause, de se montrer sensible à cette souffrance qui est la notre et que nous subissons depuis des années et de nous venir en aide. Nous implorons toute personne proche du cercle de la décision politique de se pencher sur notre cas.
L’affaire des détenus politiques est une affaire de vie ou de mort pour leurs familles, et pour cela nous lançons notre appel:
« Plus jamais un autre Aid sans nos proches. »
28 octobre 2012 : Journée Mondiale contre l’arbitraire, l’injustice et la torture au Maroc
Rassemblement devant l’ambassade du Maroc
29, rue Saint Michel à 1040 Etterbeek (Bruxelles)
Dimanche 28 octobre de 14h00 à 16h00
« Le cas Belliraj ou les incohérences de la lutte anti-terroriste du Maroc » par Salah Elayoubi
photo : les enfants d’Abdelkader Belliraj
Rachida Belliraj, l’épouse d’AbdelKader Belliraj, ce Belgo-Marocain, condamné, en appel, le 17 juillet 2010, à la prison à perpétuité pour la mise en place d’un « réseau terroriste », lance un appel solennel au monde, afin d’attirer l’attention sur les conditions dramatiques de vie, dans lesquelles se débattent les familles des politiques et des islamistes condamnés à de lourdes peines de prison.
L’affaire Belliraj est au centre d’une série de controverses, qui fait penser que le chef du réseau du même nom aurait, lors des interrogatoires dans les locaux des groupes anti-terroristes, livré, sous la torture, des noms de personnes étrangères à tout acte de terrorisme.
Pour preuve, la justice hollandaise a, en effet, innocenté et libéré fin août 2012, un autre Belgo-Marocain après quatre mois de détention pour « terrorisme ». Les accusations portées par le Maroc, ayant été jugées infondées.
L’homme était accusé par Rabat, qui s’appuyait sur les procès-verbaux des services de sécurité marocains, d’avoir financé, à hauteur de deux millions d’euros, le « réseau terroriste » d’Abdelkader Belliraj.
La Belgique qui avait également interpellé l’intéressé avait, à son tour, refusé de le remettre aux autorités marocaines, devant les incohérences et les approximations apparues dans le dossier. Arrêté en avril dernier pour infraction au code de la route à Venlo, aux Pays-Bas, il avait été placé en prison sous un régime très sévère réservé aux personnes soupçonnées de terrorisme.
On se souvient également que l’Espagne avait innocenté un certain Mohamed El Bay, sur lequel pesaient les mêmes soupçons. Celui-ci n’avait, alors dû son salut qu’à sa nationalité espagnole, au contraire d’Ali Aarrass que les autorités ibériques n’avaient pas hésité à livrer au Maroc, bien qu’une longue et minutieuse enquête du juge Baltazar Garzon l’ait totalement innocenté de toute activité terroriste et malgré un avis négatif et des mesures provisoires ordonnées par le comité des droits de l’homme de l’ONU siégeant à Genève.
La Belgique, pays dont Ali Aarrass est également citoyen s’était abstenu de toute aide consulaire, ni intervention en sa faveur. Aarrass a été condamné en appel, à douze années d’emprisonnement le 1er octobre 2012, au cours d’un procès où la cause était semble-t-il entendue, tant les juges sont restés sourds aux arguments de la défense.
En octobre 2010 déjà, dans un rapport intituled »Stop Looking for Your Son : Illegal Detentions Under the Counterterrorism Law in Morocco« , Human Right Watch (HRW) avait dénoncé le traitement réservé par le Maroc aux personnes soupçonnées de terrorisme.
Dans un rapport accablant de cinquante six pages, intitulé les abus et violations commis dans la lutte anti-terroriste au Maroc, l’ONG s’appuyant sur des témoignages de personnes détenues entre 2007 et 2010, évoquait des lieux de détention secrets pendant des périodes dépassant largement les douze jours de garde à vue prévus par la loi, et des actes de torture ou de mauvais traitement.
Le Maroc, dans une réponse sans précèdent, avait souhaité réagir aux accusations de l’ONG, expliquant : « le Procureur du roi auprès de la cour d’appel de Rabat a visité le siège de la DST, fouillé dans ses locaux et établi un rapport qui indique qu’il n’y a aucun centre de détention secret et que les accusations de tortures relevées dans le rapport de HRW ne sont pas crédibles puisqu’aucune plainte n’a été déposée dans ce sens« .
La défense d’Abdelkader Belliraj qui continue d’espèrer que son client puisse, un jour, bénéficier d’un nouveau procès équitable a essuyé un rejet de son pourvoi en cassation en juin 2012.
Rachida Belliraj enfourche aujourd’hui, un nouveau cheval de bataille qui concerne les familles des détenus livrées à elles-mêmes et sans soutien financier.
Elle espère par cet appel constituer autour d’elle et des familles des détenus un collectif d’aide et de soutien.
Salah Elayoubi
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Maroc : 76 prisonniers européens entament une grève de la faim
76 Européens emprisonnés au Maroc entament aujourd’hui une grève de la faim pour protester contre les actes de torture et les procès inéquitables dont ils ont été victimes, et pour s’élever face à l’absence totale d’assistance de leurs gouvernements respectifs. L’ACAT soutient leur initiative et espère que leurs revendications seront entendues.
Ils sont Français, Belges ou encore Espagnols, plusieurs ont la double nationalité marocaine et tous ont en commun d’avoir été victimes de graves violations de leurs droits aux mains des autorités marocaines. La grande majorité d’entre eux ont été torturés à la suite de leur arrestation afin de leur extorquer des aveux qui ont ensuite été utilisés par les juges pour fonder leur condamnation.
« Confrontés à de vrais calvaires, explique Hélène Legeay, de l’ACAT France, tous s’attendaient à ce que les représentants consulaires de leur pays d’origine se mobilisent et leur viennent en aide. Or, dans le meilleur des cas, ils ont été juste écoutés. Les moins chanceux se sont même entendus conseiller de se taire, pour ne pas empirer leur situation… Rien n’a été fait pour qu’ils obtiennent justice ! Chaque gouvernement a pour obligation de protéger l’intégrité physique et morale de ses ressortissant ! Pourquoi certains de nos concitoyens n’ont-ils droit qu’à une protection consulaire au rabais ? »
L’ACAT-France a saisi le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture pour deux des grévistes, Adil Lamtalsi, producteur de cinéma et Moustafa Naïm, animateur social. Ces deux Franco-marocains, aujourd’hui détenus à la prison de Salé, ont été condamnés pour des crimes de droit commun. Deux affaires différentes mais des récits similaires : plusieurs jours de sévices au centre de détention secret de Temara, aux mains de la Direction générale de la surveillance du territoire, des aveux signés sous la contrainte, des magistrats complices et des plaintes pour torture restées lettre morte.
Face au silence coupable des autorités marocaines et à la frilosité de la France, Adil Lamtalsi et Moustafa Naïm voient dans cette grève de la faim l’ultime chance de faire entendre leur désespoir. Ils se rejoignent, avec leurs codétenus, autour des revendications suivantes :
– le droit à un procès équitable excluant notamment les aveux obtenus sous la torture ;
– un transfèrement rapide dans leur pays ;
– une protection consulaire respectueuse des engagements internationaux souscrits par les Etats européens en matière de droits de l’homme ;
– la poursuite de leurs tortionnaires.
L’ACAT-France soutient leur initiative et espèrent que les autorités marocaines et européennes se montreront à la hauteur de leurs attentes légitimes.
Contact :
Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb / Moyen-Orient à l’ACAT-France
01 40 40 74 10 / helene.legeay@acatfrance.fr
Action des chrétiens pour l’abolition de la torture
www.acatfrance.fr – 7 rue Georges Lardennois – 75019 Paris – Tél. : 01 40 40 42 43
facebook.com/acat.france twitter.com/acat_france
Dimanche 28 octobre de 14h00 à 16h00
Rassemblement devant l’ambassade du Maroc
29, rue Saint Michel à 1040 Etterbeek (Bruxelles)
Torture : « La coopération judiciaire avec le Maroc ne peut plus continuer ».
photo Maitre Christophe Marchand
« Par un arrêt rendu ce 25 septembre 2012, la cour européenne des droits de l’homme a condamné fermement la pratique systématique de la torture au Maroc.
Au delà des images charmantes que l’on a du Royaume du Maroc, pays de vacances idylliques, la réalité de la torture systématique a été dévoilée par la cour européenne des droits de l’homme.
A l’occasion d’un arrêt EL HASKI c/ BELGIQUE, la cour européenne est arrivée à une conclusion accablante contre le Maroc.
Après une analyse fouillée des informations données par des rapports d’instances de l’Organisation des Nations-Unies et d’organisations non-gouvernementale de défense de droits de l’homme (Fédération Internationale des Droits de l’Homme, Human Rights Watch et Amnesty International), la plus haute instance judiciaire européenne a considéré qu’il existe une pratique systématique de la torture au Maroc, et que le système judiciaire (juges et procureurs), en refusant de voir le problème et de juger les tortionnaires, se rendent complices des actes de barbarie commises à grande échelle au Royaume Chérifien du Maroc.
La cour considère ainsi:
“la torture est un fléau exceptionnellement grave en raison, d’une part, de sa barbarie et d’autre part de son effet corrupteur sur le processus pénal, qu’elle est pratiquée en secret, souvent par des interrogateurs expérimentés qui savent parfaitement comment ne pas laisser de traces visibles sur leur victime et que, bien trop souvent, ceux-là même qui sont chargés de garantir l’absence de torture – juges, procureurs, médecins – se font les complices de sa dissimulation. Elle a retenu que dans un système de justice pénale où les tribunaux sont indépendants du pouvoir exécutif, où les affaires sont jugées de manière impartiale et où les allégations de torture font l’objet d’investigations sérieuses, il serait concevable que l’on exige d’un accusé qu’il démontre par des preuves solides que les éléments à charge présentés contre lui ont été obtenus par la torture ; en revanche, dans un système pénal complice des pratiques même qu’il est censé empêcher, un tel niveau de preuve est totalement inapproprié” (Cour Européenne des Droits de l’Homme, EL HASKI c/ BELGIQUE, 25 septembre 2012, § 86).
Et:
“ La Cour considère pour sa part que, dès lors que ces déclarations émanaient de suspects interrogés au Maroc dans le cadre des enquêtes et procédures consécutives aux attentats de Casablanca du 16 mai 2003, les rapports susmentionnés établissaient l’existence d’un « risque réel » qu’elles aient été obtenues au moyen de traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Il en ressort en effet que des mauvais traitements aux fins d’aveux ont été largement pratiqués à l’encontre de ces suspects.“ (Cour Européenne des Droits de l’Homme, EL HASKI c/ BELGIQUE, 25 septembre 2012, § 98).
Au delà de la dénonciation sans équivoque de la pratique marocaine de torture (viols systématique en utilisant une bouteille, brûlures de cigarettes, chocs électriques, pendaison par les pieds et les mains, bastonnades…), la décision européenne a pour conséquence que la coopération judiciaire avec le Maroc ne peut plus continuer.
Le Maroc a trahi la confiance mutuelle qui régit cette coopération et tous les États européens doivent maintenant revoir leur manière de travailler avec le Maroc, particulièrement dans la lutte anti-terroriste.
Il est à noter que Juan MENDEZ, Rapporteur Spécial des Nations-Unies contre la Torture, était au Maroc la semaine passée, et que le 22 septembre 2012, à l’occasion d’une conférence de presse donnée à Rabat, il à sévèrement critiqué les autorités marocaines pour cette pratique systématique de la torture et la complicité du système judiciaire marocain, laissant impunis les auteurs de ces crimes terribles. Le Rapporteur Spécial a également encouragé le Maroc à continuer d’améliorer la situation des droits de l’homme.
Gageons que le Maroc entendra enfin ces critiques et mettra en œuvre les moyens nécessaires afin que cette pratique cesse, que les bourreaux soient punis, et que les aveux obtenus sous la torture ne soient plus utilisés comme preuve en justice, au Maroc ou dans d’autres pays. »
La Cour européenne des droits de l’homme atteste que le régime marocain recourt systématiquement à la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le texte complet : http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-113336#{%22itemid%22:[%22001-113336%22]}
Appel : Le 28 Octobre 2012 : Journée Mondiale contre l’arbitraire, l’injustice et la torture au Maroc
Nous demandons :
1 – La libération des prisonniers politiques, d’opinion et de conscience au Maroc.
2 – La condamnation des coupables d’exactions en application du principe de l’absence d’impunité.
3 – La réparation des préjudices et la réinsertion sociale des victimes.
4 – Une vaste refonte de la loi anti-terrorisme en conformité avec les droits de l’homme et toutes les garanties juridiques dans son application.
5 – Le respect par le Maroc de ses obligations internationales en matière de droits de l’homme.
Rassemblement devant l’ambassade du Maroc
29, rue Saint Michel à 1040 Etterbeek (Bruxelles)
Dimanche 28 octobre de 14h00 à 16h00