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DOUBLE NATIONALITE - page 3

Photo : Ali Aarrass dans l’armée belge en 1993. Vingt ans plus tard, Reynders continue la discrimination des double-nationaux…

dans AU PARLEMENT/DOUBLE NATIONALITE par

Ali Aarrass dans l'armée belge IIAli Aarrass a fait son service militaire pour la Belgique dans les années 1993-94.

Sur la photo : Ali Aarrass, au premier rang, au centre, avec son bataillon devant le mess, à Saive (près de Liège). Un ami se souvient : « Ali a fait son service militaire et en plus, il avait fait la demande pour pouvoir rejoindre les para-commandos, mais ils l’avaient recalé pour un problème de dos. Déjà à l’époque Ali voulait servir SON pays du mieux qu’il le pouvait. »

Et pourtant, dans sa lettre sur Ali à son homologue marocain du 5 août 2013, le Ministre Reynders continue à justifier la discrimination entre Belges et Belgo-Marocains : « la Belgique, selon son habitude, ne compte pas intervenir au titre de l’assistance consulaire dans la mesure où l’intéressé (Ali Aarrass) possède la double nationalité belge et marocaine. »

Le critère pour assurer une protection d’un double national est le lien effectif d’un citoyen avec son pays. Si Reynders voulait justifier sa non-intervention pour Ali Aarrass, il devait démontrer qu’Ali Aarrass n’a pas de lien effectif et prédominant avec la Belgique. Cela lui est impossible. Ali Aarrass est belge par son sentiment d’appartenance, par son très long séjour en Belgique, du fait que sa famille proche est belge, qu’il y a fait ses études, qu’il y a exercé une activité économique, payé ses impôts, effectué son service militaire, voté et qu’il maîtrise une des langues nationales.

Ali Aarrass n’a aucun lien avec le Maroc : il n’y a jamais vécu, il ne maîtrise pas l’arabe, il n’y a jamais effectué son service militaire !

A part une volonté politique de créer délibérément deux classes de citoyens en Belgique, aucun argument ne peut être invoqué pour justifier légalement l’abandon d’Ali Aarrass et des 42 autres belgo-marocains qui se retrouvent dans les prisons marocaines.

Nous ne savons pas si Monsieur Reynders a fait son service militaire en Belgique.. et si oui, à quel poste.. ? (LV)

Ali Aarrass, une affaire emblématique

dans DOUBLE NATIONALITE/TORTURE par

Luk Abdellah AliExtrait du livre « La guerre de l’ombre, la traque de la cinquième colonne arabo-musulmane en Belgique » par Luk Vervaet, 2013.

Voir le livre ici :

Détenir la double nationalité, en l’occurrence belgo-marocaine, est devenu une arme qui peut être utilisée contre vous dans la guerre antiterroriste. Elle est devenue l’excuse diplomatique par excellence pour la Belgique pour se débarrasser en toute légalité des indésirables et des suspects terroristes. Pour ensuite les laisser se faire massacrer par le Maroc, devenu un véritable sous-traitant de la torture pour l’Occident.

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, signée le 7 décembre 2000, garantit à chaque citoyen ou résident dans les territoires européens le droit à la liberté, à la sécurité et à la liberté de mouvement. La Charte interdit d’exiler ou d’extrader toute personne vers un État où leur vie pourrait être en danger. L’extradition est également interdite au cas où elle expose la personne à la peine de mort, à la torture ou à des traitements humiliants et inhumains. Et pourtant, c’est arrivé à Ali Aarrass.

Ali Aarrass est belgo-marocain. Il n’est marocain qu’en raison du fait qu’il a dû obtenir, pour voyager, un titre d’identité. Ali Aarrass est né dans l’enclave espagnole de Melilla. Il n’a jamais vécu au Maroc et n’a aucun lien avec ce pays. Il a vécu 28 ans en Belgique, y a fait son service militaire, y a développé un commerce de proximité et des attaches profondes. Tant en Belgique qu’en Espagne, Ali Aarrass a un casier judiciaire vierge. Retourné à Melilla pour être près de son père, son bonheur sera de courte durée.

Le 1er avril 2008, il est arrêté à Melilla à la demande du Maroc dans le cadre du démantèlement d’une organisation terroriste au Maroc, le réseau dit Belliraj. Depuis le premier jour et jusqu’à aujourd’hui, Ali maintiendra qu’il est innocent. En Espagne, il est mis en prison en isolement total. Le 16 mars 2009, le juge antiterroriste Baltazar Garzon, après un examen minutieux de son dossier, prononce un non-lieu. Mais la demande d’extradition de la part du Maroc ayant été acceptée par la justice espagnole, Ali reste en prison. Le 19 novembre 2010, le Conseil des ministres espagnol approuve l’extradition d’Ali Aarrass, bien qu’il ait été totalement innocenté. Par contre, il refuse l’extradition de Mohamed El Bay, détenu dans le même dossier, mais de nationalité hispano-marocaine, qui sera mis en liberté. Le 26 novembre 2009, le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU demande à l’Espagne de ne pas extrader Ali Aarrass vu le risque de torture. Le 14 décembre 2010, contre toutes les règles diplomatiques internationales, Ali Aarrass est extradé vers le Maroc. Dès son arrivée, Ali y est détenu au secret pendant plus de dix jours, sauvagement torturé et contraint de signer des aveux, en arabe, langue qu’il ne lit pas. C’est sur la base de ces aveux obtenus sous la torture qu’il est condamné le 24 novembre 2011 à quinze ans d’emprisonnement ferme. Ali et ses avocats déposent plainte contre la torture. Après une longue bataille devant les tribunaux et des instances internationales et marocaines, un examen sur la torture sera enfin mené, mais par trois médecins désignés par le procureur général de la cour de Rabat. Ceux-ci ont conclu à l’absence « de traces pouvant être en rapport avec des actes de torture allégués ». Conclusion rejetée par l’association IRCT (International Rehabilitation Council for Torture Victims) qui déclare que cet examen ne respecte pas « les normes internationalement admises pour l’examen médical des victimes de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels qu’il sont définis par le Protocole d’Istanbul. » Le procès se poursuit et le 2 octobre 2011, Ali Aarrass est condamné en appel à douze ans de prison ferme.

Rabat Rachida Belliraj août 2013Le procès du réseau Belliraj et la complicité belge

Le procès du réseau terroriste de Belliraj, dont Ali ferait partie, a été condamné de façon unanime, qu’il s’agisse de l’ambassade américaine ou belge à Rabat, des organisations de droit de l’homme ou de la sûreté de l’État belge. C’était une mascarade, un show politique et un procès inéquitable.

Au moment même du procès, le 22 février 2008, le journaliste de La Libre, Roland Planchar, titrant Les faits belges incertains, écrit : « Les éléments fournis par le Maroc ne permettent pas à ce stade d’ouvrir ou de rouvrir des dossiers belges. Il faut attendre des renseignements bien plus explicites. Il y a du doute et de l’embarras dans l’air. Il est par exemple troublant de constater que, en quelques semaines, sans demander ni donc obtenir le moindre renseignement à la police fédérale ou à la Sûreté de l’Etat, les services marocains sont parvenus à résoudre autant de mystères d’un coup. Là où les Belges ont abouti à d’autres conclusions ou n’ont pu résoudre l’énigme pendant tant d’années. Bizarre, pensent des observateurs proches du milieu d’enquête »1.

Le 6 août 2009, Wikileaks dévoile que Robert P. Jackson, diplomate américain en poste à wikileaksRabat, a adressé à cette époque un télégramme inquiétant à Washington sur la situation des droits de l’homme au Maroc dans le cadre de la lutte antiterroriste et sur un procès en cours, celui d’Abdelkader Belliraj. Dans ce câble, l’ambassade américaine cite un des magistrats belges sur place, Daniel Bernard, haut magistrat, ancien membre du parquet fédéral, et le consul belge, Johan Jacobs, qui ont, tous les deux, dénoncé ce procès. Monsieur Jacobs a déclaré que les condamnations avaient tout simplement été « décidées à l’avance ».

Violette DaguerreViolette Daguerre de la Commission arabe des Droits Humains qui a assisté au procès, écrit dans son rapport : « La Cour n’est pas parvenue, malgré un an et demi d’audiences successives, à prouver une quelconque accusation à l’encontre de ces prisonniers, dont M. Abdelkader Belliraj. Certains des prévenus ont fait l’objet de poursuites pour le simple fait d’avoir eu des relations avec lui… Les prévenus ont insisté devant la Cour qu’ils ont été soumis à des interrogatoires musclés et que des aveux ont été obtenus sous la torture au centre secret de la police politique de Temara »2.

Même la sûreté de l’État belge parle d’un procès non basé sur des faits : « Bien qu’elle ait eu vent de liens entre certains de ces individus, la sûreté de l’État n’a cependant jamais été en possession d’éléments attestant leur implication commune dans une quelconque activité liée au terrorisme ou permettant d’établir un lien entre l’un d’eux et les six meurtres “belges” reprochés à ce réseau. Les éléments avancés par le Maroc n’ont donc pas permis de démontrer de manière indiscutable l’existence d’un réseau et l’implication de celui-ci dans six meurtres en Belgique »3.

Les Belges arrêtés au Maroc avec une trentaine d’autres inculpés seront lourdement condamnés. Abelkader Belliraj à perpétuité. Abdellatif Bekhti à 30 ans. Moustapha At Touhami à 8 ans. la fille d'Abdellatif Bekhti 26 juin

Le procès est tellement grotesque que le Maroc va être obligé de reculer d’un pas en accordant la grâce royale à six détenus, considérés comme l’aile politique du réseau terroriste Belliraj et condamnés à 25 ans de prison.

La Belgique a activement collaboré à ce procès monstre en fournissant des dossiers et des documents à la justice marocaine permettant ainsi l’inculpation et la condamnation des accusés. Fait déjà dénoncé par le sénateur CD&V et professeur en droit Hugo Vandenberghe, lors de la session plénière du Sénat le 4 mars 2010 : « Si l’État belge transfère des dossiers à des États dont il n’a pas la garantie qu’un procès peut s’y dérouler de manière équitable et impartiale, il est complice de violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette disposition trouve son origine dans l’affaire Söring et donc dans le débat relatif à l’extradition vers des États appliquant encore la peine capitale. La jurisprudence a encore évolué depuis lors ».

La Belgique a non seulement transféré des dossiers mais aussi des personnes. Le 29 novembre 2010, le ministre Van Ackere se vante dans la Chambre que la Belgique, par l’intermédiaire du ministre de la justice De Clerck a extradé « un ressortissant algérien vers le Maroc dans le cadre du procès Belliraj début 2010 ». Il s’agit de Bin Rabeh Benjettou, qui sera sauvagement torturé et condamné à dix ans de prison.

 

L’appel à l’aide d’Ali Aarrass que la Belgique n’a pas voulu entendre

Outre sa collaboration à ce procès au Maroc, la Belgique a systématiquement abandonné tous les détenus belgo-marocains par l’intermédiaire de tous les ministres successifs de la Justice ou des Affaires étrangères, Van Ackere, De Clerck, Reynders, Turtelboom et de leurs gouvernements PS, CDH, MR, CD&V, Sp.a et VLD. Cette attitude de la Belgique a eu des conséquences dramatiques pour les détenus. Son inaction délibérée a été interprétée comme un feu vert par les autorités et les tortionnaires marocains que leurs pratiques étaient cautionnées au niveau international. Il devenait clair pour eux que la Belgique était prête à sacrifier ses citoyens sur l’autel des alliances politiques et économiques.

cours d'appel SaléLe procès d’Ali Aarrass au Maroc a comporté une vingtaine d’audiences. Rapport a été fait après chaque audience pour essayer d’alerter les autorités belges et l’opinion publique sur le calvaire de ce citoyen. Le bureau d’avocats à Bruxelles Jusgogens, qui assure la défense d’Ali Aarrass, rédigeait également un communiqué pour la presse. Un article de mai 2012 tire la sonnette d’alarme sur la situation dramatique, sous le titre Ali Aarrass et le cauchemar carcéral 4.

Sa sœur Farida publie à son tour un témoignage très préoccupant sur ce qu’il a vécu en isolement dans les prisons espagnoles ; elle transmet au ministère les paroles de son frère : « J’ai toujours des sursauts si quelqu’un apparaît derrière moi, je fais trop souvent des cauchemars qui me font mal et les moments d’angoisse s’intensifient de temps à autre. C’est horrible ! Insupportable ! Cela ne devrait pas exister. Tu ne peux communiquer avec personne, tu ne peux t’adresser à personne, tu n’as jamais quelqu’un avec qui échanger le moindre mot. C’est le silence complet. Les minutes se transforment en heures très longues, les journées semblent être des éternités. On ne peut pas vivre dans la solitude, sans pouvoir discuter avec quelqu’un. La voix perd sa force, tes cordes vocalesperdent l’habitude d’émettre des sons. Tu es à la recherche du moindre son externe et pourtant rien ne s’entend comme bruit…Oui même quand tu essaies de prononcer quelques mots, syllabes, tu n’y arrives plus, car comme tu ne parles jamais, tu as beau essayer de parler, ta voix s’estompe. Je me parlais à moi-même ! Je m’adressais des discours, je me racontais des histoires et me posais même des questions, auxquelles je répondais afin de casser la solitude qui au bout d’un moment devient on ne peut plus dure à supporter ! Je me touchais les membres, pour réaliser que j’étais bien là, que j’étais bien vivant, que j’étais bien un humain malgré ces conditions de détention inhumaines et surtout gratuites ! J’ai pendant drapeau espagnollongtemps senti l’envie de me regarder, puisque je n’avais ni miroir ni rien pour m’observer. A un moment, bien après mon extradition au Maroc et après la torture sauvage qu’on m’a infligée, j’ai remarqué, que dans la cellule sombre dans laquelle j’étais, il y avait à un moment déterminé de la journée, un petit rayon de soleil qui traversait la pièce et ne reflétait que sur une dalle qui paraissait brillante mais très sale sur l’un des murs de ce cachot. Je m’empressais donc de nettoyer cette dalle afin de m’en servir comme miroir au moment précis où le soleil venait se poser dessus. Je me suis finalement légèrement aperçu, ce qui me fit le plus grand bien. Même si l’image n’était pas très claire. Me regarder m’a fait prendre conscience que j’étais bien là, que j’existais »5.

Latuff Ali AarrassSur la torture au Maroc, il suffit de relire la plainte d’Ali Aarrass, déposée par ses avocats le 2 mai 2011 et adressée au secrétaire général du Conseil National des droits de l’homme.

En voici un extrait  : «  À l’arrêt de la voiture qui l’a transporté de l’aéroport , et dès qu’il a mis pied par terre , il (Ali Aarrass) fut surpris de subir injures et calomnies, des coups portés sur plusieurs endroits de son corps par plusieurs individus, déshabillé et introduit dans une chambre noire où il fut soumis à différentes formes de tortures dont les traces sont toujours visibles en plusieurs endroits de son corps, particulièrement aux mains et aux pieds. Ainsi le plaignant a été soumis à plusieurs sessions de torture comportant des coups de bâtons et des gifles donnés par plusieurs personnes, des opérations d’électrocution, l’étranglement en plongeant la tête dans un seau d’eau jusqu’à évanouissement. Après reprise de son souffle et de sa connaissance, il était réassujetti aux mêmes actes ainsi qu’à d’autres formes de tortures comme la privation du sommeil, de nourriture et d’eau, la menace de viol et le viol lui-même à l’aide de bouteilles en verre causant sa blessure dont les traces ensanglantées étaient encore visibles, lorsqu’il fut présenté devant le juge  qui, de son coté, a refusé de les visionner. Le plaignant a été soumis aussi à des injections, au bras, administrées par une personne, en robe blanche, vraisemblablement par un médecin car l’injection a été administrée professionnellement dans la veine appropriée, reconnue rapidement et sans hésitation à quatre reprises, à la suite desquelles, le plaignant était, à chaque fois, la proie de crises de démence et d’inconscience »6.

La Belgique était donc bel et bien informée du sort subi par Ali, de la pratique de la torture ainsi que de toutes ses conséquences.

 

Le refus d’une assistance consulaire belge aussi bien en Espagne qu’au Maroc.

VanackerePendant deux ans et demi, le consul belge en Espagne refuse de rendre visite à Ali Aarrass. Ce qui avait été justifié le 29 novembre 2010 à la Chambre par le ministre Vanackere en réponse à une interpellation de la députée Zoe Genot : « Pour ce qui concerne votre question relative à une visite du consul, l’assistance aux Belges détenus à l’étranger ne prévoit pas l’organisation de visites consulaires dans les pays de l’Union européenne. » À la surprise générale, le consul belge en Espagne s’était finalement décidé à aller rendre visite à Ali et à demander une visite consulaire à la prison pour le 16 décembre 2010. Soit deux jours après qu’Ali Aarrass avait été extradé ! Le consul avait donc été informé par la prison que sa visite ne pourrait avoir lieu, puisqu’Ali Aarrass était déjà extradé. L’Espagne a-t-elle empêché consciemment la visite du consul à son ressortissant en l’extradant deux jours auparavant, ou la Belgique était-elle déjà au courant de la date et a feint de faire les efforts diplomatiques nécessaires pour sauver la face ? Le consul belge n’a en tout cas pas pris la peine de contacter les avocats d’Ali ou sa famille sur son extradition. C’est par la presse qu’elle a été portée à la connaissance des proches.

 

Aucune aide ou assistance pour les familles en Belgique

À maintes reprises, la Belgique a fait savoir à la famille Aarrass qu’elle « n’évoquerait pas le dossier d’Ali Aarrass ni avec l’Espagne, ni avec le Maroc ». Dans sa réponse à Zoé Genot, le ministre des Affaires étrangères Van Ackere se défend de ne pas avoir pris contact avec l’Espagne pour s’opposer à une éventuelle extradition d’un Belge : « Je n’ai pas évoqué le dossier d’extradition avec mon collègue espagnol car il n’est pas d’usage que la Belgique intervienne dans une procédure d’extradition entre pays tiers même lorsque cette dernière concerne un ressortissant national. De plus, j’ai entière confiance dans les garanties que le système judiciaire espagnol offre au niveau des procédures d’extradition et du respect des droits de l’homme. Il prévoit, en effet, des possibilités d’appel et ce, jusqu’au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme en cas de non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Vu ce qui précède, je n’entreprendrai pas de démarche qui pourrait être interprétée par mon collègue espagnol comme une ingérence dans des affaires internes et surtout comme un manque de confiance dans le système judiciaire espagnol ».

De ClerckComme les extraditions tombent sous le ministère de la Justice, le 1er décembre, le comité de soutien s’adresse au ministre de la Justice De Clerck. On est quinze jours avant l’extradition d’Ali Aarrass. Sa réponse d’une phrase arrive le 20 janvier 2011, soit 50 jours plus tard. Elle est d’un rare cynisme : « Par la présente, j’accuse bonne réception de votre courrier du 1er décembre 2010 lequel a retenu toute mon attention. D’après les informations qui m’ont été transmises, j’ai le regret de vous communiquer que l’extradition de Monsieur Ali Aarrass de l’Espagne vers le Maroc a déjà eu lieu ». Point barre.

Une fois Ali au Maroc, la sœur d’Ali Aarrass, sans nouvelles, adresse un courrier au ministre des Affaires étrangères lui demandant de s’informer auprès des autorités marocaines sur la situation de son frère afin de savoir où il se trouve. Dans sa réponse, la Belgique sort un nouvel argument ; après son extradition, Ali Aarrass n’est plus belge. «  Je vous confirme que la position en matière d’aide consulaire aux bipatrides est de ne pas intervenir auprès des autorités locales du pays de leur autre nationalité. Comme Ali Aarrass est considéré comme de nationalité marocaine par les autorités marocaines, nos services ne les contacteront donc pas pour votre frère »7. En réponse à une nouvelle question de Zoé Genot à la commission des Relations extérieures – Réunion du 7 mars 2012 -, le nouveau ministre des Affaires Reyndersétrangères, Didier Reynders, répond : « Nous n’intervenons jamais pour un binational sur le territoire d’un pays dont il possède la nationalité. La Belgique applique ce principe qui a été confirmé entre autres par la Convention de La Haye du 12 avril 1930 concernant certaines questions relatives au conflit de loi sur la nationalité, stipulant qu’un État ne peut exercer sa protection diplomatique au profit d’un de ses nationaux à l’égard d’un État dont celui-ci est également le ressortissant national. Et la Belgique a signé cette convention. Ce principe est appliqué sans discrimination pour tous les détenus de double nationalité. Le même principe est bien entendu appliqué sur le territoire belge ».

Un an plus tard, le 20 février 2013, même réponse – mot pour mot – du ministère des Affaires étrangères : « Je ne peux que vous confirmer que le Service Public Affaires Etrangères n’intervient pas pour un binational sur le territoire d’un pays dont il possède la nationalité. Ce principe est appliqué sans discrimination pour tous les détenus de double nationalité. Je n’estime donc pas opportun d’organiser une rencontre concernant ce dossier ».

 

La Belgique va jusqu’à nier officiellement l’existence de la torture au Maroc.

torture-marocLe 7 juin 2011, en réponse à une interpellation du sénateur Bert Anciaux à la commission des Relations extérieures et de la Défense, Olivier Chastel, ministre du Développement, chargé des Affaires européennes, répond au nom du ministre des Affaires étrangères : « Je lis la réponse du ministre. Comme indiqué précédemment, à partir des dossiers sur lesquels mes collaborateurs travaillent il n’est pas apparu jusqu’à présent que des prisonniers belges au Maroc ou dans d’autres prisons à l’étranger auraient été torturés. En ce qui concerne le rapport d’Amnesty International, je tiens à souligner que la Cour européenne des droits de l’homme n’empêche pas toujours les extraditions vers le Maroc, même si un risque de torture est invoqué. Pour toute question concernant les extraditions à partir de la Belgique ou d’autres pays de l’UE, je vous réfère à mon collègue du ministère de la Justice. Les extraditions tombent sous sa compétence ».

Quelques mois plus tard, le 5 octobre 2011, lors de leur entretien avec la délégation venue transmettre l’appel de soixante personnalités belges qui réclament une intervention humanitaire de la Belgique en faveur d’Ali Aarrass, des fonctionnaires de notre ministère des Affaires étrangères vont jusqu’à nier ce que même le CNDH marocain, le Conseil National des Droits de l’Homme, mis sur pied par le Roi Mohamed VI et composé par lui, reconnaît : on torture dans les prisons au Maroc. cndh conférence presse Rabat

Voici leurs propos, enregistrés par des membres de la délégation : « Le ministère des Affaires étrangères n’a jamais reçu de plaintes d’aucune sorte sur de prétendus actes de torture perpétrés dans les prisons marocaines. Vous entendez : jamais ». « Pour les bipatrides, le ministère n’intervient jamaisUne personne mandatée par le Consulat pour assister au procès ? Vous n’y pensez pas. Ce serait interprété comme une pression sur le tribunal ».

Turtelboom Reynders MarocEn réalité, ces blocs de marbre refusent toute aide et toute assistance pour un détenu belgo-marocain au Maroc mais recourent par contre à une collaboration très étroite entre les polices, une correspondance diplomatique intense et un suivi permanent de toutes les affaires qui concernent le terrorisme, entre le Maroc et la Belgique, surtout quand il s’agit de personnes ayant la double nationalité…

 

3Rapport 2008 de la sûreté de l’état belge

Satement of Ali Aarrass on hungerstrike 12 July 2013

dans ACTIONS/DOUBLE NATIONALITE/FRIENDS OF ALI AARRASS LONDON SUPPORT COMMITTEE/LA PRISON AU MAROC/Lettres/Letters/Brieven par

20 km médaille Annissa Amina

(translation by Frances Webber)

It all started on 8 July 2013, when I received my post. One of the envelopes contained photos and a Brussels 20km medal, which a ribbon of my colours, the Belgian flag colours. A few hours later, the director ordered confiscation of the envelope and its contents.

 This happened when I signed the register, as usual when I receive cards. Isn’t it an abuse, a provocation? I’m still waiting for the return of my envelope, the medal with the colours of my flag, for which I performed my military service in 1993-4. This is evidence of racism, vengeance on the part of the director and his confidant Bouazza

 10 July 2013, these two came into my cell, while I was in the courtyard, at 11.30. The other prisoners saw them going in without asking for me to be there.

 To provoke me, they pulled down postcards which I had stuck on a wall of the cell. They trampled on them, and they took away my personal cards. When I returned to my cell, they searched it, leaving everything upside down. I believe they took pleasure in doing it, with hatred, racism and evil in their hearts, in order to humiliate me – particularly Bouazza. As for the director, Abdellah Darif, he showed no humanity or intelligence when with his assistant Bouazza.

 I asked to see him. He received me. I asked for an explanation. He said he was the director and I was just a prisoner. I just wanted to remind him that my rights had been violated by this sort of conduct. He warned me, threatened me that he would make my life impossible, and that Bouazza was the man in whom he placed all his confidence.

 I returned to my cell and asked an officer if I could make a phone call. He said he had orders from the director not to allow me to make calls, or to go out to the courtyard, or to shower, or to receive personal mail. Now, I’m locked up in this prison with no rights to anything. I am locked in.

 All because I told the director that he had no right to come into my cell, with Bouazza, in my absence. He was furious when I named and recalled his assistant, he threw me out of his office. He knows very well that he made a mistake in taking notice of Bouazza. The two together violated my rights.

 Now, I ask myself if I have the same rights as any other prisoner. There are those who give all their money to get what they want in prison – and the two divide the booty between them.

 Today, I decided to go on indefinite hunger strike until they give me back my rights, my personal possessions and the medal with the colours of my flag.

 libération d'Ali Aarrass‘Anger and hatred make men blind. The first for an hour, the second, for life!’

 Ali Aarrass

Una carta de Ali Aarrass : Todo empezo el dia 8 de julio 2013

dans ACTIONS/DOUBLE NATIONALITE/LA PLATAFORMA POR ALI AARRASS/LA PRISON AU MAROC/Lettres/Letters/Brieven par

médaille 20 kmTodo empezo el dia 8/07/2013, cuando recibi mi correo personal. Uno de los sobres contenia fotos, y un medallon de los 20 km de Bruselas, con la cintura de colores de nuestra bandera belga. Unas horas mas tarde, el director dio la orden para recupera el dicho sobre con todo el contenido.

Eso paso cuando yo firmé en el registro como lo hago siempre cuando recibo cartas. Esto no es un abuso o provocaciones ? Aun estoy esperando que me devuelvan el sobre con el medallon, con los colores de mi bandera, por la que juré haciendo mi servicio militar en 1993-94. Esto es prueva de racismo, venganza de la parte del director y su confidente Bouazza.

Dia 10 de julio 2013, estos dos entraron en mi celda, mientras yo estaba en el patio a las 11h30. Los otros presos los vieron entrar sin solicitar que yo este presente con ellos.

Para provocarme, arrancaron cartas postales pegadas en la pared en una parte de mi celda. Las pisotearon y se llevaron mis cartas personales. Cuando yo regresé a mi celda, la cachearon, todo estaba boca abajo. Creo que cogieron el placer de hacerlo con mucha maldad, odio, racismo, para humillarme, sobre todo el Bouazza. Y cuanto al director que se llama Abdellah Darif, no mostro ninguna humanidad ni inteligencia en compania de su adjunte Bouazza.

En aquel momento solicité verlo, me recibio, yo exigi esplicaciones y el replica diciendome que el es el director y que yo no soy que un preso. Yo solo queria recordarle que han violado mis derechos actuando de tal modo !

Me dijo, amenazandome, que me hara la vida imposible, y que Bouazza es el hombre en el que tiene toda confianza, su confidente.

Regresé en mi celda y solicité a el funcionario par llamar por telefono. Este me dijo que tenia orden por el director, de no darme aceso a la llamada, ni tampoco el patio, ni la ducha, ni correos personales. Hoy estoy encerrado en el corridor despues de mi ingreso en esta carcel, con derecho a nada ! Estoy encerrado !

Todo esto porque le dige al director que no tenia derecho de entrar en mi celda, con el Bouazza, en mi ausencia. Se puso furioso cuando nombré y recordé su confidente, me hecho de su despacho con maldad ! El sabe muy bien que hizo el error de hacerle caso a el Bouazza. Los dos participaron à violaron mis derechos.

Hoy me pregunto, si tengo los mismos derechos que todos los prisioneros ? Los hay que dan lo que tienen en el fondo de sus bolsillos, para conseguir lo que quieren. Y ese botin se le reparten entre ellos dos !

Hoy tengo pensado de entrar en huelga de ambre sin parar hasta que me devuelvan mis derechos y mis objetos personales et bien entendu le médaillon avec les couleurs de mon drapeau !

 « La colère et la haine rendent aveugle ! La première pour une heure, la seconde à vie ! »

 Ali Aarrass

 Free Ali Aarrass now 20 km

Une lettre d’Ali Aarrass : Tout a commencé le 8 juillet 2013…

dans ACTIONS/DOUBLE NATIONALITE/LA PRISON AU MAROC/Lettres/Letters/Brieven par

médaille 20 km IITout a commencé le 8 juillet 2013, alors que je recevais une partie de mon courrier personnel. Parmi les quelques courriers il y avait une enveloppe qui contenait des photos, et un médaillon des 20 kms de Bruxelles, médaille dont le collier portait les couleurs de notre drapeau belge. Quelques heures plus tard, le directeur donne l’ordre qu’on me reprenne la dite enveloppe avec tout son contenu.

Cela s’est passé alors que j’avais déjà signé dans le registre, accusé de réception, comme je le fais chaque fois que je reçois du courrier.

 S’agit-il d’abus de pouvoir ou provocation ?

 Je suis toujours dans l’attente qu’on me restitue l’enveloppe avec le médaillon aux couleurs du drapeau belge. Le drapeau par lequel j’ai juré en faisant mon service militaire dans les années 1993-94.

 Cela est la preuve d’un racisme, d’une vengeance de la part du directeur et de son confident et adjoint, Bouazza.

10 juillet 2013, ces derniers sont entrés dans ma cellule, tandis que j’étais dans la cour à 11:30 heure. Les autres prisonniers les ont vus rentrer alors qu’ils n’avaient pas sollicité ma présence.

Pour me provoquer, ils ont arraché des lettres et cartes postales collées sur le mur, dans une partie de ma cellule. Ils les ont piétinées et ont emporté mes lettres et cartes personnelles. Quand je suis revenu à ma cellule, ils avaient tout fouillée. Tout avait été remué, abimé … Tout était sens sous dessus. Ils ont pris un malin plaisir à le faire avec beaucoup de méchanceté, haine, un racisme, du mépris, pour me toucher, surtout l’adjoint Bouazza. Et quant au directeur qui s’appelle Abdellah Darif, il n’a montré ni humanité ni intelligence en compagnie de son adjoint.

J’ai demandé à le voir, il m’a reçu dans son bureau où j’ai exigé des explications et il a répliqué en me disant qu’il est le directeur et que je ne suis qu’un prisonnier. Qu’il décidait de tout et qu’il faisait tout ce qu’il voulait dans sa prison !

J’ai seulement voulu lui rappeler qu’ils ont bafoué mes droits en se comportant de la sorte !

Il m’a dit, en me menaçant, qu’il me fera la vie impossible, et que Bouazza est l’homme en qui il place toute sa confiance, son confident.

Je suis revenu dans ma cellule et ai demandé au fonctionnaire le droit depasser un coup de fil. Ce dernier m’a dit qu’il a reçu l’ordre du directeur de ne pas me donner accès au téléphone, ni à la cour, ni à la douche, ni à mon courrier !

Aujourd’hui je suis enfermé dans cette prison, avec le droit à « plus rien! »

Et tout cela parce que j’ai dit au directeur qu’il n’avait pas le droit d’entrer dans ma cellule, avec Bouazza, en mon absence. Il est devenu furieux quand j’ai nommé son confident. Il m’a chassé de son bureau avec méchanceté! Pourtant il sait très bien qu’il a fait l’erreur de se laisser influencer par son adjoint Bouazza. Les deux ont violé mes droits.

Aujourd’hui j’en suis à me demander si j’ai les mêmes droits que tous les prisonniers ?

Il y en a qui payent avec tout ce qu’ils ont pour avoir en retour ce qu’ils veulent, et ce butin le directeur et son adjoint se le partagent !

 J’ai donc décidé en ce jour d’entamer une grève de la faim, une grève que je n’arrêterai pas tant qu’on ne respecte pas mes droits !

Qu’on me restitue mes droits ainsi que la médaille au collier des couleurs du drapeau belge qui est le mien !

 « La colère et la haine rendent aveugle ! La première pour une heure, la seconde à vie ! »

 Ali Aarrass

 

Merci de diffuser cette lettre !

Merci d’écrire une lettre ou une carte postale à ALI AARRASS, prison de Salé II, ville de Salé, Maroc.

GRÂCE : une lettre d’Ali Aarrass

dans ARTS/DOUBLE NATIONALITE/LA PRISON AU MAROC/Lettres/Letters/Brieven/TORTURE par

Farida Aarrass at Belgian embassy LondonGRÂCE !

 

La libération des détenus serait une décision plein de sagesse, dont les plus heureux seraient les épouses et les enfants. Heureux de voir leur père enfin rentrer à la maison, ce serait une bonne nouvelle. Espérons la libération des détenus politiques.

 

Un Etat digne et vraiment démocratique ne devrait avoir aucun détenu d’opinion derrière les barreaux. Il faudrait qu’ils libèrent ceux qui sont encore en prison afin d’engager les réformes en toute sérénité.

 

Pour ce qui me concerne, je refuse la grâce vu que celle-ci n’intervient qu’après l’accomplissement d’un crime, hors je n’en ai commis aucun !

 

La libération de ces détenus montrerait, que le plat de résistance de la réforme promise par le roi, est justement la réforme de la justice.

 

Au Maroc, il y a des gens en prison qui ne devraient pas y être, et d’autres en liberté qui devraient être en prison.

Je ne me suis jamais intéressé à la politique, mais il m’arrive de lire des choses qui me font sauter au plafond !

 

Aujourd’hui les faits ont prouvé que les vrais obscurantistes sont quelques responsables des services secrets et sécurité de l’Etat, qui commettent des crimes odieux indicibles. S’il y a des réels extrémistes qui constituent un danger pour la sécurité et la transition démocratique, ce sont justement ces sécuritaires hors la loi. Ceux qui commettent ces crimes barbares et dégradants, pour la dignité de l’homme et contraire à toute éthique, méritent d’être trainés en justice !

 

En ce qui concerne la presse et sa fonction, en tant que quatrième pouvoir, et celle des associations civiles, c’est de défendre la dignité humaine, les libertés et la vérité. Par conséquent, la société civile et la presse devraient défendre sans condition les victimes de ce terrible bagne et réclamer ensemble justice, contre ceux qui m’ont enlevé, torturé et injustement condamné.

Le meilleur moyen d’éviter de tomber dans le déni de la transition démocratique est bien sur de rompre avec les comportements inquisiteurs et les méthodes barbares.

 

« Mon emprisonnement, est le prix que je paie pour que la Belgique devienne un état de droit »

 

Ali Aarrass

 

Didier Reynders (MR) refuse de recevoir les familles en détresse

dans AU PARLEMENT/DOUBLE NATIONALITE par

Luk Vervaet

On parle dorénavant de quelques centaines de (jeunes) Belges qui seraient partis rejoindre les rangs de la rébellion en Syrie1. Jusqu’à la preuve du contraire, je suis assez sceptique sur ce chiffre. Il me semble exagéré et plutôt une incitation à stopper (et arrêter) les recruteurs et les Sharia4Belgium. Mais quelque soit le chiffre, le contraste avec le nombre insignifiant de familles, qui ont pris contact avec les autorités pour trouver de l’aide pour leur enfant, saute aux yeux.

N’est-ce pas alarmant que des familles en détresse n’osent pas s’adresser aux autorités de leur propre pays ? Qu’elles n’attendent plus rien de ceux qui sont supposés de les aider ?

C’est toute l’expérience vécue d’une communauté arabo-musulmane pendant cette dernière décennie de lutte contre le terrorisme, qui est à la base de cette situation.

En voici quelques éléments.

En dehors des barrières matérielles et psychologiques qui séparent déjà le peuple de ses gouvernants, les familles savent qu’elles risquent d’être classées parmi ces familles qui portent le stigmate de « suspect » ou de « terroriste ». Et d’être par la suite propulsées à la une des journaux. Ou, pour le moins, qu’elles seront jugées comme familles incapables d’avoir su empêcher leur fils de partir chez les terroristes. Tout le monde a compris que c’est à nouveau la criminalisation de ses jeunes – et de leurs familles et de toute une communauté musulmane- qui est à l’ordre du jour dans le dossier des jeunes volontaires pour la Syrie. Et que leur retour en Belgique suscite peut-être plus l’inquiétude de nos autorités que leur départ.

Pour les familles la situation se complique davantage quand elles possèdent la double nationalité.

Là, on a l’expérience que la réponse des autorités sera invariablement que, « malgré notre bonne volonté, nous ne pouvons pas intervenir ». Demande à la famille Atar, dont le fils Oussama a été un volontaire pour aider les populations irakiennes sous l’occupation américaine. Arrêté par les Américains en 2004, il a été pendant près de dix ans incarcéré dans les prisons de la torture en Irak. La famille a dû se débrouiller tout seul. Elle n’a pu compter sur aucune aide et a dû organiser une manifestation devant le palais de justice à Bruxelles pour faire bouger notre gouvernement. Pendant tout ce temps pas un seul mot de protestation n’est sorti de la Belgique auprès des autorités irakiennes ou américaines pour exiger la libération et le retour de notre con-citoyen de l’horreur en Irak.

En Belgique, l’aide de notre pays a surtout consisté à enfermer d’autres jeunes volontaires pour l’Irak dans nos prisons. Demandez aux familles Soughir et à toutes les autres, qui avaient leurs fils inculpés, à leur retour en Belgique, dans le procès des soi-disant Kamikazes pour l’Irak en 2007, pour ensuite être enfermés pendant des années.

Les familles sentent que la double nationalité pend comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de leurs enfants. La Belgique n’a-telle pas permis l’extradition de Hicham Bouhali Zriouil, un jeune Bruxellois, volontaire pour l’Afghanistan, capturé à son retour en Syrie, en octobre 2011 vers le Maroc au lieu de vers la Belgique, son pays natal ?

Quant à obtenir de l’aide, essayez juste d’obtenir un peu d’aide de notre Ministère des Affaires étrangères, comme l’a fait récemment Farida Aarrass. En tant que Campagne pour Ali Aarrass, nous demandons en effet depuis cinq ans d’être reçu par le Ministère des Affaires étrangères pour obtenir une assistance belge pour ce Belgo-Marocain en détention au Maroc. La réponse est invariablement « non ». Un refus auquel sont confronté toutes les familles des détenus belgo-marocains au Maroc. A toutes ces familles, notre ministère n’arrête pas de répéter qu’elles ne sont pas égales aux familles « belgo-belges ». La Belgique, leur disent-ils, ne s’occupera pas de vous, ne vous apportera aucune aide, assistance ou protection quand vous vous trouvez dans le pays de votre deuxième nationalité. Ce qu’ils oublient de préciser, et ce que l’affaire Ali Aarrass a démontré, c’est qu’elle ne s’occupera pas de vous dès que vous avez quitté le territoire belge. C’est-à-dire même quand vous avez un problème avec la justice en Espagne, la Belgique ne vous assistera pas2.

 

La dernière lettre de Reynders (MR), que nous publions ici, en réponse à la demande de Zoé Genot (ECOLO) au ministre de bien vouloir recevoir la famille d’Ali Aarrass, est édifiante. Elle témoigne non seulement d’un mépris profond et d’une froideur de marbre pour la souffrance d’une famille, mais, en plus, le ministre ment à deux fois.

D’abord, parce qu’à la conférence sur l’Europe, qu’il a donné le 23 janvier dernier à Bruxelles, il a donné sa carte de visite aux familles, leur disant qu’il suffisait d’envoyer un mail à la bonne adresse de son département pour obtenir un rendez-vous. Le ministre « oublie » donc de mentionner sa promesse faite aux familles, en présence de témoins.

Ensuite, pour justifier, en 2013, son refus d’intervenir au Maroc ou même de recevoir des familles belgo-marocaines, le ministre a trouvé une loi qui date d’avant la deuxième guerre mondiale. Il y a apparemment des choses qui résistent au temps qui passe, telle que la discrimination ou l’intimidation avec les lois que nous, simple peuple d’en bas, ne connaissons pas. Or, disent les avocats d’Ali Aarrass, cette loi ne peut être invoquée dans les relations entre la Belgique et le Maroc, parce qu’elle n’a jamais été signée par le Maroc. Elle ne peut donc être d’application.

 

Bientôt on fêtera les cinquante ans de l’immigration marocaine en Belgique.

A tous les politiciens belges et marocains qui seront présents à ces festivités, nous annonçons déjà la présence des familles des détenus belgo-marocains au Maroc. Ces familles dont les pères et les mères ont travaillé pendant toute leur vie dans les mines belges, dans la sidérurgie belge, dans le bâtiment ou dans le nettoyage dans ce pays vous poseront la question : pour quand un traitement égal pour nos enfants ? Pour quand la fin de la complicité belge dans la torture des détenus politiques au Maroc ?

 

 

 

 

 

1Le Soir, 17 avril 2013, page 8, Témoignage Bahar Kimyongur: « jusqu’à 300 jeunes »

2La Belgique a fait savoir à maintes reprises qu’elle « n’évoquerait pas le dossier d’Ali Aarrass ni avec l’Espagne, ni avec le Maroc ». Dans sa réponse à Zoe Genot, le 29 novembre 2010, le ministre des affaires étrangères Van Ackere se défendait de ne pas avoir pris contact avec l’Espagne pour s’opposer à une événtuelle extradition d’un Belge : « je n’ai pas évoqué le dossier d’extradition avec mon collègue espagnol car il n’est pas d’usage que la Belgique intervienne dans une procédure d’extradition entre pays tiers même lorsque cette dernière concerne un ressortissant national. De plus, j’ai entière confiance dans les garanties que le système judiciaire espagnol offre au niveau des procédures d’extradition et du respect des droits de l’homme. Il prévoit, en effet, des possibilités d’appel et ce, jusqu’au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme en cas de non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Vu ce qui précède, je n’entreprendrai pas de démarche qui pourrait être interprétée par mon collègue espagnol comme une ingérence dans des affaires internes et surtout comme un manque de confiance dans le système judiciaire espagnol »

« Non, on ne vous recevra pas » : la nouvelle réponse scandaleuse du ministère des Affaires Etrangères à une demande de Farida Aarrass !

dans ACTIONS/DOUBLE NATIONALITE par

Suite à la proposition du ministre Didier Reynders, faite en public lors de sa conférence à Bruxelles du 23 janvier 2013, de contacter ses services pour se fixer un rendez-vous pour discuter de l’affaire Ali Aarrass, Farida leur a écrit et voici leur réponse.

Même pas une rencontre !!!

C’est pire que Van Ackere, qui nous a reçu, ne fût-ce qu’une seule fois !

En tant que Belge ayant la double nationalité, vous vous sentez encore en sécurité ? Vous vous sentez protégé par votre pays, quand, après que vous avez été extradé illégalement, torturé et maltraité au Maroc comme Ali Aarrass, vos proches ne peuvent même pas obtenir un entretien à leur ministère des affaires étrangères ?

Signez la pétition pour la libération d’Ali Aarrass ! -> http://www.freeali.be/?page_id=378

Joignez-nous à l’évènement du 1 avril : « 5 heures pour Ali Aarrass » au Vaertkapoen (Molenbeek) à l’occasion du cinquième anniversaire de la détention d’Ali Aarrass.

La lettre de Farida Aarrass.

Subject: Affaire Ali Aarrass, Date: Tue, 19 Feb 2013 17:09:29 +0000

« Monsieur le Chef de Cabinet Adjoint, Willem Van de Voorde,

Par la présente, je me permets de donner suite à la proposition de monsieur le ministre des Affaires Etrangères, Didier Reynders.

En effet, lors d’une conférence donnée par lui au Mouvement Européen, nous les familles des détenus belgo-marocains au Maroc, avions sollicitée la possibilité d’être reçus, en vue de nous entretenir au sujet de nos proches qui se trouvent être en détention arbitraire.

Je vous demande donc, de bien vouloir nous offrir l’opportunité d’en discuter dans votre cabinet, le plus vite possible, sachant que la situation de nos proches se veut de plus en plus inquiétante.

J’aimerais y venir accompagnée de l’un ou plusieurs avocats du cabinet Juscogens, conseils de mon frère Ali Aarrass, mais aussi de la personne à la tête du Comité de Soutien FreeAli, monsieur Luk Vervaet.

En espérant que ma requête soit prise en considération, je vous d’agréer, monsieur Willem, mes très sincères salutations ».

Farida Aarrass (soeur d’Ali Aarrass) GSM : 0486/703215

La réponse du Chef de cabinet adjoint Willem Van de Voorde

Subject: RE: Affaire Ali Aarrass, Date: Tue, 19 Feb 2013 19:56:21 +0100

From: Willem.VandeVoorde@diplobel.fed.be To: fa789456@hotmail.com

« Chère Madame,

Je me rappelle en effet votre présence lors de cette conférence; je vais me renseigner auprès de mes collègues plus compétents pour les matières consulaires comment nous pourrions vous aider éventuellement. Dès que j’ai des éléments de réponse, je reviens vers vous,

bien à vous, »

Willem VAN de VOORDE

Adjunct-Kabinetschef, Chef de Cabinet adjoint, T + 32 2 501 41 07, F + 32 2 511 63 85, Kabinet van Didier REYNDERS, Vice-Eerste Minister en Minister van Buitenlandse Zaken, Karmelietenstraat 15, B – 1000 Brussel, Cabinet Didier REYNDERS, Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères, Rue des Petits Carmes 15, B – 1000 Bruxelles

 La réponse finale du conseiller Jozef Bockaert

 Expéditeur: « Bockaert Jozef – C1 » <Jozef.Bockaert@diplobel.fed.be>

Date: 20 February 2013 12:24:40 CET, Destinataire: <fa789456@hotmail.com>, Cc: « Van Lil Mia – C1 » <Mia.VanLil@diplobel.fed.be>

Objet: Affaire Ali Aarrass

 « Madame,

 Je me réfère votre message du 19 février dernier que M. Van de Voorde, Chef de Cabinet Adjoint, m’a transmis pour réponse.

 Je ne peux que vous confirmer que le Service Public Affaires Etrangères n’intervient pas pour un binational sur le territoire d’un pays dont il possède la nationalité.

Ce principe est appliqué sans discrimination pour tous les détenus de double nationalité.

Je n’estime donc pas opportun d’organiser une rencontre concernant ce dossier.

Je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de ma considération distinguée ».

 Jozef Bockaert

Conseiller

 

Didier Reynders, le Maroc et l’affaire Florence Cassez

dans ACTIONS/DOUBLE NATIONALITE par

Le mercredi 23 janvier, Farida, Dounia, Malika, Mohamed et moi avons participé à une conférence du ministre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR), organisée par le Mouvement Européen-Belgique. Thème de la conférence : “Belgique – UE, 60 ans d’union“.

Comme le ministre allait parler des « 60 ans de paix en Europe » et du « prix Nobel pour la Paix», accordé à l’Europe en 2012, nous nous sommes dit que c’était une bonne occasion, pour notre Comité des familles des détenus européens au Maroc, d´interpeller le ministre sur les relations avec le Maroc. Et en particulier sur son attitude par rapport aux prisonniers belgo-marocains dans les prisons marocaines.

Je vous épargne les détails du déroulement de cette conférence mais nous avons quand même réussi à poser une question : « Monsieur le ministre, ces derniers mois vous avez fait plusieurs déclarations, insistant sur la nécessité d’améliorer et de renforcer nos relations avec le Maroc. Comment pouvez-vous justifier votre position quand, en 2012, il y a eu au moins cinq rapports d’organisations internationales, dont le rapport du Rapporteur sur la torture de l’ONU Juan Mendez et celui du CNDH, qui dénoncent la torture systématique et généralisée, pratiquée au sein du système judiciaire et carcéral du Maroc ? Et, dans ce même cadre, comment pouvez-vous justifier votre abandon des détenus belgo-marocains au Maroc ? ».

Était-ce à cause de la présence dans la salle des familles des détenus ? En tout cas, le ministre n’a pas sorti l’argument habituel de la double nationalité  pour justifier l´inertie du gouvernement belge à l´égard des détenus belgo-marocains.

Il a répondu deux choses. « D’abord », a-t-il dit, « il faut traiter les affaires des détenus cas par cas. Il y a des personnes que je n’aimerais pas voir sortir de prison, ni au Maroc ni ici. Et deuxièmement, à chaque rencontre avec les autorités marocaines, nous mettons le dossier des droits de l’homme sur la table. Comme on le fait avec les autorités turques et d’autres pays. Ce serait facile de rompre avec tous ces pays. Dans ce cas, je pourrais me retirer tranquillement à la campagne ». Nous n’avons pas eu l’occasion de lui répondre.

Mais voici qu’un autre événement s’est produit le même jour, qui permet d’évaluer la réponse de notre ministre à sa juste valeur. C’est une affaire qui concerne la France. Mais, toutes proportions gardées, elle concerne également la Belgique : dans les dossiers internationaux, la Belgique ne fait pas exception à la politique européenne. Et elle agit et se comporte exactement de la même manière que ses grands voisins.

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La France fait libérer la Française Florence Cassez.

Le mercredi 23 janvier 2013, la Française Florence Cassez a été libérée par la Cour suprême mexicaine. Cette Cour a reconnu « la violation des droits de Florence Cassez » et a ordonné sa libération immédiate. Avec son ami, Florence Cassez avait été arrêtée en 2005 et inculpée pour « quatre enlèvements, séquestration, association de malfaiteurs, possession d’armes à feu et de munitions à l’usage exclusif des forces armées ». Condamnée à une peine de 96 années de prison, la Cour d’appel confirmait cette condamnation, tout en réduisant la peine à 60 ans. Puis, la Cour de cassation rejetait le pourvoi de la Française. Contre une presse mexicaine qui prétend le contraire, Florence a toujours clamé son innocence : « Au Mexique, la police fabrique des coupables, avec de fausses preuves ». Et sur les aveux de son compagnon, elle disait : « .. un certificat médical prouve qu’il a été torturé, juste avant ses aveux ».

Florence Cassez (38 ans) est restée en prison pendant sept ans. Sept ans de bataille juridique sans relâche. Sept ans de campagne de solidarité en France, Belgique, Canada, Suisse, Irlande, Allemagne[1] dont elle dit aujourd’hui : « Quand j’étais seule dans ma prison, les médias français ne m’ont pas laissé tomber. Si personne n’avait plus parlé de moi, si j’étais tombée dans l’oubli, ça aurait été la pire des choses. Moralement, d’abord ; et puis, je ne sais pas ce qu’il serait advenu de moi ». Sept ans de pression de la France par 500 parlementaires et par les présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, qui ont mis tous les moyens pour obtenir sa libération.

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En 2009 déjà, Sarkozy intervient auprès du président mexicain Calderon pour demander le transfert de Florence Cassez vers la France. Celui-ci refuse. A partir de là, l’affaire Cassez deviendra une affaire d’Etat et provoquera une vraie crise diplomatique entre la France et le Mexique.

En février 2011, Sarkozy décide de dédier la manifestation « L’ Année du Mexique en France » à Florence Cassez. Cette manifestation, préparée pendant deux ans, avait comme objectif de « favoriser la coopération dans les secteurs économique, culturel, touristique, éducatif, scientifique et technologique, de la santé, et du développement durable » entre les deux pays. Suite a la décision de Sarkozy, le gouvernement mexicain décide de se retirer de l’Année du Mexique en France ! Au total, plus de 350 événements prévus au cours de cette année, pour un budget de l’ordre de 50 millions d’euros, tombent à l’eau.

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Les cris de désespoir des détenus européens au Maroc ont-ils moins de valeur que ceux de Florence Cassez ?

Nous nous félicitons de la libération de Florence Cassez, qui nous apprend plusieurs choses.

Elle nous montre d’abord que, s’il y a violation des droits d’un détenu européen, au Mexique comme au Maroc, il est tout à fait possible de faire transférer ou même de libérer ce détenu, à condition que l’État, dont le détenu est citoyen, mette la pression. Dès que la volonté politique existe, fini les discours que les familles des détenus européens au Maroc ont dû entendre si souvent de la part de nos ministres successifs sur « le respect de la séparation des pouvoirs », sur « la non-ingérence dans les affaires d’un autre pays », sur « l’impossibilité de notre gouvernement de faire quoi que ce soit, malgré notre bonne volonté », sur « la nécessité de laisser faire son travail à la justice ». Il est clair que ce n’est pas, comme le prétend le ministre Reynders, en mettant « les dossiers de droits de l’homme sur la table » qu’on va résoudre une affaire, mais en mettant la pression, s’il le faut jusqu’à la crise diplomatique.

Ensuite, le cas de Florence Cassez nous montre que ce n’est pas le rôle de nos États de porter un jugement « au cas par cas », comme le prétend le ministre Reynders. Même si le détenu est accusé et condamné pour des faits gravissimes, comme dans le cas de Florence, le rôle de nos États n’est pas de se mettre à la place de la justice et de dire si une affaire est digne de s’en occuper ou pas, ou si un détenu a le droit de sortir ou non.

Nos États ont le devoir de veiller sur le respect des droits fondamentaux de n’importe quel détenu, quel que soient le cas ou les faits reprochés. Tant dans la lutte contre le fléau des enlèvements et de la drogue au Mexique, que, plus encore, dans la lutte antiterroriste au Maroc, les indices et les preuves, cités dans les rapports internationaux, sur les violations des droits fondamentaux des détenus sont systématiques. A cette situation systémique, nous demandons une réponse systémique, c’est-à-dire une intervention valant pour tous. Juger au cas par cas ne peut conduire qu’à l’arbitraire, ce qui est contraire aux principes d’un État de droit et contraire à la Convention internationale contre la torture que la Belgique et les autres pays européens ont signé.

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Enfin, et c’est là que le bât blesse, comment comprendre l’attitude différente des pays européens quand il s’agit du Maroc et du Mexique ? Il y a là une preuve irréfutable d’une politique de deux poids, deux mesures de la part de nos gouvernements européens. Comment expliquer que la France (et la Belgique) restent muets quant aux appels à l’aide des détenus franco-marocains (et belgo-marocains) dans les prisons marocaines ? Prenons trois cris d’alarme récents de la part des détenus européens venant des prisons au Maroc.

En octobre 2012, des dizaines de détenus européens publient un « Appel aux vivants » :  « La plupart de nous n’ont pas eu le droit à un procès équitable et ont fait l’objet de maltraitances physiques. Certains d’entre nous ont été torturés dans le centre de torture à Temera près de Rabat. Ou l’on nous a soutiré des aveux sous la torture physique souvent pour des affaires politiques, d’opinion, de règlement de compte ou autres. Nos différentes demandes et sollicitations auprès des pays de l’Union européenne sont restées jusque là sans réponse. »[2]

Un mois plus tard, en novembre 2012, le site Slate Afrique publie des témoignages accablants sur l’enfer de la prison de Tanger et l’abandon des détenus franco-marocains en particulier.[3]

En janvier 2013, le Français El Mostafa Naïm (numéro d’écrou 561, Prison de Salé 2) écrit dans une lettre au président français Hollande : « Après avoir été enlevé en Espagne (port d’Algeciras) par des agents marocains en civils, je suis  incarcéré au Maroc depuis 26 mois, alors qu’officiellement, je ne me trouve même pas dans le pays. J’ai même eu droit à une phrase, plus qu’éloquente sur l’immobilisme, voire la gêne manifeste qui entoure mon dossier : ” On ne peut pas intervenir de crainte de créer un conflit diplomatique.[4] »

L’ Europe (Prix Nobel de la Paix en 2012 !) accepte l’inacceptable du Maroc, allié stratégique…

L’Europe considère le Maroc comme son rempart contre l’immigration clandestine et le terrorisme. C’est la raison principale de son silence quant aux droits des détenus.

Récemment on pouvait lire : « ..le Maroc est à la fois le principal allié de la France et l’Espagne face à ce qu’elle considère comme les principales menaces à sa sécurité, mais aussi le pays par lequel le mal arrive…Pour la France et l’Espagne, le Maroc est à la fois un allié fiable par la volonté de son gouvernement et de son roi, par sa stabilité institutionnelle, mais le royaume est aussi le pays par qui le mal arrive, en particulier concernant l’immigration clandestine et le terrorisme. [5]». On parle de la mise sur pied d’un « G4 sécuritaire » entre le Maroc, la France, le Portugal et l’Espagne. Lors du sommet entre ces quatre pays, la semaine dernière, le ministre marocain de l’Intérieur a réaffirmé « le soutien sans réserve du Maroc à l’intervention militaire française au Mali pour défendre la souveraineté de ce pays africain ». Quelques mois avant, la France avait déjà proposé au Maroc un effacement partiel de ses dettes militaires, en échange d’un soutien logistique des Forces Armées Royales (FAR) à la force d’intervention militaire africaine au Nord-Mali.

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Au niveau judiciaire également, le Maroc est un partenaire avec lequel les pays européens collaborent sans problème et sans gêne. Quoi que dise le ministre Reynders aux familles des détenus sur « les dossiers du droit de l’homme mis sur la table », la réalité est qu’on assiste à une collaboration entre la Belgique et le Maroc comme jamais auparavant. La nouvelle ministre de la justice Turtelboom (VLD) dans le gouvernement Di Ruppo (PS) déclarait dans la Commission de la justice de la Chambre, le 2 mai 2012 :   « Après la France, la Belgique est le premier partenaire du Maroc en matière de collaboration judiciaire… J’ai abordé, avec mon homologue marocain, des matières comme le transfèrement des détenus marocains condamnés, la collaboration en matière de d’affaires pénales et civiles, l’échange d’informations liées à la problématique de l’identification et aux rapts internationaux d’enfants. »

… et partenaire économique privilégié

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Au niveau économique aussi, ce sont les intérêts, et non pas les valeurs européennes, qui déterminent la politique à suivre vis-à-vis du Maroc ou du Mexique. Quelle est la différence entre le Mexique et le Maroc ? Pour le Mexique : « Force est de constater que la France est loin d’être un partenaire stratégique de la deuxième économie latino-américaine. La France n’est que le quarantième fournisseur du Mexique, qui lui-même n’arrive qu’au soixantième rang des clients de l’Hexagone… De fait, l’économie mexicaine reste très dépendante du grand voisin américain, qui absorbe 80% de ses exportations. Côté investissements, la France, là encore, n’est qu’un acteur secondaire puisqu’elle pèse à peine 0,2% des sommes investies dans ce pays. » [6]

C’est tout le contraire pour les relations de la France avec le Maroc : « La France est le premier partenaire commercial du Maroc en 2011. Les échanges commerciaux franco-marocains se sont élevés à 7,4 milliards d’euros en 2011. En 2011, la France est restée le premier fournisseur du Maroc, avec 13,9% de part de marché. … La France est également le premier client du Maroc dont elle a absorbe 20,3% des exportations en 2011.. »[7]. Sur les relations économiques entre la Belgique et le Maroc, le ministre Van Ackere disait en 2010 : « En 2009, la Belgique a exporté pour 520 millions d’euros au Maroc, ce qui en fait le douzième fournisseur du Maroc. La Belgique a importé pour 321 millions d’euros du Maroc, ce qui en fait le septième client du Maroc. Les entreprises belges sont actives au Maroc, notamment dans le secteur de l’extraction minière, du textile et de la construction métallique, ainsi que dans le secteur des services. Dans le secteur de la construction et du tourisme aussi, plusieurs entreprises occupent une présence marquée au Maroc. Et par le biais d’un consortium espagnol, belge et marocain, des Belges sont impliqués dans l’aménagement du tram de Casablanca. Dans notre pays, le Maroc investit dans les secteurs bancaire et chimique. »

C’est bien d’une politique européenne qu’il s’agit, le Maroc ayant obtenu le statut « avancé » dans ses relations avec l’Europe en 2008 et depuis les affaires ne cessent de s’améliorer. Comme l’a encore souligné le président de la Commission parlementaire Maroc-UE, Panzeri, lorsqu’il était en visite au Maroc[8] pour discuter de nouveaux accords pour un « partenariat stratégique entre le Maroc et l’UE » : « Le Maroc est le partenaire privilégié de l’Union européenne, particulièrement dans le domaine économique».  Six mois plus tard, Hugues Mingarelli, responsable au Service européen d’action extérieure pour les relations avec l’Afrique du Nord reprend la même idée : « Le Maroc est pour l’Union européenne un partenaire de première importance et nous devons tout faire pour nous assurer que cette relation se développe dans le sens des intérêts du Maroc .»[9]

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Florence ou Ali, la discrimination à peine voilée

Enfin, on peut parler de discrimination à peine voilée envers les communautés d’origine arabe, et de confession musulmane en particulier, et les citoyens de cette origine, qui ont pourtant subi les mêmes horreurs, ou pires, que Florence Cassez dans les prisons marocaines. Au niveau européen, ces communautés sont plus considérées comme un ennemi intérieur potentiel, que comme des citoyens à part entière. Partout en Europe, les associations « immigration/criminalité » et « Islam/terrorisme » ont pour effet que les appels à l’aide ne sont pas entendus. Et l’Europe se sert de l’argument de la double nationalité pour justifier son inaction, voire sa complicité.

La libération de Florence Cassez ne peut que nous encourager.

C’est grâce à un travail judiciaire, un comité de soutien et une volonté politique que Florence Cassez est libre aujourd’hui. De ces trois piliers, nous en avons déjà construit deux. A nous de briser l’indifférence. A nous de faire du sort des détenus européens au Maroc un enjeu politique, dont tous les partis et tous les candidats devront tenir compte aux élections de 2014.

Par Luk Vervaet

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