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LE 7 JUIN A 19H! GRANDE SOIREE POUR LA CAUSE D’ALI AARRASS A L’ESPACE MAGH BRUXELLES!

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Notez cette date dans vos agendas! Le 7 juin aura lieu la diffusion du documentaire :Ali Aarrass, pour l’exemple de Mohamed Ouachen.

Ce film documentaire, réalisé par Mohamed Ouachen, raconte l’histoire d’Ali Aarrass, ce citoyen belge est détenu depuis plusieurs années dans une prison marocaine. Malgré un non-lieu prononcé par la justice espagnole, Ali Aarrass a, malgré tout, été extradé au Maroc alors qu’il n’y a jamais vécu !

Divers artistes seront présents pour soutenir Ali Aarrass!

Soyons nombreux, nous avons plus que besoin de vous!

 

ESPACE MAGH / JEUDI 7 JUIN 19H / BRUXELLES


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Compte rendu de l’audience en appel du lundi 21 mai 2012. (SUITE)

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Après une longue attente de 3 heures, Ali est enfin amené dans le box des accusés!

La délégation belge formée de Luk Vervaet, maître Nicolas Cohen, ma mère, Smain Smahane et moi même. Un ami venu de Normandie, qui depuis pas mal de temps suit l’affaire de près. La famille et les amis venus de Melilla et Nos avocats marocains maître Dadsi et maître Jallal.
Comme d’habitude dans les rangées tout devant, juste derrière celles réservées aux avocats.

Ali arrive et nos regards sont tous dirigés vers lui, je l’observe très attentivement pour m’assurer qu’il va bien. Il a, Dieu merci, je le remarque très vite, récupéré! 🙂

Il s’assied tout près du mur en vitre du box de façon à pouvoir nous voir et qu’on puisse échanger nos signes habituels. Pour nous prouver qu’il va mieux, un sourire aux lèvres et un regard destiné a chacun accompagné de salutations!

A un moment donné, sa femme lui fait signe que leur petite fille a bien grandi, j’ai fait signe qu’elle a aussi bien grossi, nous rions tous, d’un rire silencieux pour éviter de nous faire remarquer. Ali dont les sourires s’effacent aussitôt tant la tristesse de ne pas la voir le gagne.

Luk intervient à son tour pour lui faire signe que lui par contre devient de plus en plus petit, mais Ali lui fait signe en levant la main très haut, pour lui faire comprendre qu’il est bien grand pour lui! Ali aime énormément Luk Vervaet!

Ali est appelé à la barre, se tient debout devant les 5 juges, aux cotés de son interprète et de maître Cohen, maître Dadsi et maître Jallal.

Pendant une demi heure nous assistons à un échange entre le Procureur et le juge d’un coté et les avocats de l’autre. Des documents passaient des mains du procureur au juge dans une ambiance très spéciale.
C’est maître Cohen qui a ouvert le débat en citant : Cela fait un an et demi que nous avons demandé une enquête sur la torture. A la dernière audience, le procureur général avait dit qu’il n’y avait aucune enquête en cours. Par le dossier déposé aujourd’hui au tribunal par le procureur général de Rabat, nous avons la preuve du contraire.
La défense n’avait jamais vu ce dossier, ni les pièces déposées aujourd’hui, c’est pourquoi la défense a demandé le temps nécessaire pour examiner minutieusement ce dossier.

Sur ce, le procureur général se met debout et va communiquer le contenu de ce dossier, à haute voix à toute la cour en citant chaque mot lentement, on pouvait même compter les syllabes! Il commence à citer ce qu’Ali avait déclaré depuis le début, tout comme si c’était ce qu’il en déduisait de cette affaire, au point que nous croyions qu’il le défendait! Il a même ajouté que cette cour allait traiter cette affaire comme exigé, dans une totale équitabilité!
Mais tout est devenu plus clair quand il est arrivé à sa conclusion en disant que Ali a été examiné par trois médecins légistes et par la police qui ont tous constaté, qu’il n’y a pas eu de torture! Qu’il n’y a pas de séquelles d’une quelconque maltraitance! Qu’il n’y a pas de traces visibles sur la photo prise lorsqu’il avait été reçu en prison juste après la garde à vue de 12 jours après son extradition qui date du 14 décembre 2010! Et tout cela se trouve dans un rapport fait par ces légistes datant de décembre 2011!

Le juge dit tout haut en langue arabe : « Commençons par entendre nos arabes,! » en faisant allusion aux avocats marocains. Je trouve ça honteux l’attitude de ce juge qui s’est montré plus d’une fois fort dérangé par la présence de maître Cohen et envers qui il semble ne pas avoir de respect!

Maître Dadsi, Jallal et Cohen ont insisté sur le fait qu’il leur faudra du temps pour examiner toutes ces nouvelles pièces. Ils ont aussi avancé immédiatement quelques questions :
– Est ce que pendant ces auditions par ces médecins légistes et par la police, Ali a eu droit à un interprète?
– Le procureur prétendait qu’Ali avait refusé de se déshabiller car soi disant il n’avait plus aucune trace visible. Les avocats ont donc à ce propos demandé immédiatement à Ali si c’était vrai, ce qu’Ali a démenti!
– Est ce que le tout premier PV fait par la BNPJ figurait dans ce dossier et dans la négative qu’il le leur faudra absolument!
– Qu’en est il des photos que la direction de la prison avait fait, lorsque Ali avait été réceptionné dans l’état critique suite aux tortures. (Les prisons prennent le soin de se protéger, afin qu’ils ne soient pas poursuivis pour maltraitance sur les détenus, à la date à la quelle on les ramène en prison, afin de prouver qu’il était déjà dans cet état là)

Après délibération, l’audience fut reportée au lundi 18 juin 2012!

Luk Vervaet et Farida Arrass.

 

 

Le 22 mai 2012,

après la visite à Ali dans la prison de Salé le 21 mai 2012.

 

Comment Ali a-t-il réussi à mettre un terme à l’humiliation dont il était victime dans sa propre cellule par des codétenus qui n’avaient aucune once de respect envers lui.

Ali raconte après que je lui pose la question :

Comment ça se passe la vie dans ta cellule avec les 4 codétenus qu’on t’a imposés et dont tu disais qu’ils étaient insupportables ?

Ali : « Le comportement de deux d’entre eux ça allait encore, mais les deux autres ont vraiment tout fait pour me dégouter ! »

« Ils sont dérangés lorsque je fais la prière d’Al fajr (l’aube) parce qu’on est obligé de la prier à haute voix ! »

Je lui dis : Prie en haussant bien fort la voix, comme ça tu te vengeras de ce qu’ils te font subir !

Ali me regarde en souriant et me répond :

« Non ma chère sœur, ce n’est pas du tout comme ça qu’il faut se comporter. Il faut savoir prendre son mal en patience.  Tu sais au départ ils étaient très insultants envers moi, se moquaient de tout ce que je faisais y compris mes prières. Me dérangeaient lorsque j’essayais de faire une sieste, par de cris, des rires, des bruits,…. Mais je n’ai jamais riposté par la violence.

Si eux me dérangeaient moi je les ai tout de même respectés en ne les dérangeant pas. Même lorsqu’ils dormaient et que je me levais prier à l’aube ils se plaignaient et j’ai baissé la voix un maximum pour éviter de les déranger.  Les deux autres codétenus m’ont aussi dit qu’ils allaient faire du bruit et leur mener la vie dure pour se venger, mais je leur ai demandé de ne pas le faire qu’il fallait qu’on leur donne l’exemple et que le bien doit toujours surgir de quelque part afin qu’il se propage.  Alors que les deux perturbateurs faisaient une sieste et que les deux autres codétenus voulaient les molester, je me suis fâché sur eux pour qu’ils cessent. Quelques jours après tout a commencé à changer. Les espagnols m’ont dit qu’ils allaient demander au directeur qu’on les change de cellule pour qu’il puisse prier à son aise avec un ton de regret. »

Ali aime tellement partager tout ce qu’il a que les autres apprennent très vite à faire pareil.

Ali m’a aussi dit, qu’il s’est cousu deux draps ensemble pour en faire un rideau pour créer un espace bien à lui, son espace d’intimité.   Les autres codétenus ne franchissent jamais cet espace tellement ils respectent Ali. Il me dit en ricanant : « Je sais bien coudre tu sais ! Mais voilà, le gars qui m’a ramené le fil et l’aiguille vient maintenant me demander tout le temps de lui rafistoler ses vêtements. »

Ali nous racontait comment il entretient son linge, il dit en riant : Je fais exactement comme ma mère faisait. Je mets de l’eau, de la poudre et un peu de javel ! Alors ma mère sursaute en lui disant mais non ! Il ne faut pas mettre de la javel !  Ali continue, mais si mais si, ça facilite ahahahhahah il rit un peu puis il ajoute : Je laisse tremper un peu puis j’attaque en frottant les zones stratégiques et il pointe ses doigts vers ses aisselles et nous en rions tous !

Je lui demande s’il a besoin de poudre à lessiver, il répond toujours de très bonne humeur : « Mais non ma chère sœur, ici nous pouvons nous procurer du Tide et même du OMO (il prononce ça d’une manière qui nous fait éclater tous de rire !)

Il cuisine, fait sa lessive, nettoie son coin, étudie le Coran, prie, entretien une bonne relation avec ceux qui veulent bien s’entendre, mais voilà….

« El Nené ! C’est le gars qui a du fric à craquer et qui tente d’acheter tout le monde en prison. » Ali dit qu’il s’en prend souvent à lui et qu’avec ce genre d’énergumène il n’y a vraiment pas moyen de s’entendre puisqu’il est habitué à acheter (corrompre) tout le monde !

Ali dit : « Il n’a pas bon parce que j’ai refusé de me laisser acheter, que je sois un homme de principes le dérange trop et de ce fait, il poursuit ses agressions envers moi ou me menace de différentes manières. »

Ali jure, que pour lui ce n’est pas du tout difficile de lui envoyer une droite, mais qu’il ne peut le faire de crainte que sa situation empire.

Je poursuivrai incha Allah, vous raconterai tout ce dont je me rappellerai.
En attendant, continuez à penser à tous les prisonniers arbitraires svp! Priez pour eux!

Farida Aarrass

 

Le 22 mai 2012.

Salam, Paix à tous!
Nous venons de rentrer il y a plus d’une heure, elhamdolillah, toujours aussi déterminés à poursuivre cette lutte.
Chaque audience est couverte de surprises aussi alarmantes les unes que les autres. Ce lundi 21 mai par exemple, lorsque le procureur s’est levé et a pris la parole au sujet du contenu du dossier d’Ali, des exigences formulées par la défense, entremêlées de phases où on pensait qu’il était en train de venir au secours de mon frère, nous étions dans un état psychologique inquiétant! Je me demandais ce qu’il faisait, car je peux vous jurer qu’il parlait du devoir qu’il se faisait de faire respecter l’impartialité de ce procès, de rendre justice à ce détenu qui à l’issu des douze jours de garde à vue n’a rien avoué, n’a rien formulé, n’a rien reconnu!
Mais ce qui est certain, c’est que le procureur ainsi que les autres zigotos qu’on s’amuse à appeler des juges et compagnie…. ont raté leurs vraies vocations! La COMEDIE!

Ils se sont amusés encore une fois à nous la jouer!
Cela ne fait qu’un premier procès de 9 audiences et là nous en sommes qu’à là 4ème en appel si je ne m’abuse!

Ils doivent certainement se dire que nous allons nous fatiguer, qu’on finira par abandonner!
Ce qu’ils ne savent pas, c’est que si eux n’ont aucune considération pour les êtres et bien nous oui! Nous n’allons certainement pas baisser les bras devant autant d’hypocrisie.

Je reprendrai dès que possible les récits et anecdotes qu’Ali m’a raconté ou que nous avons vécu incha Allah.

Au passage je tiens quand même à remercier nos amies françaises Gwen et Céline, je suis rentrée et ai trouvé leur courrier sur la table.
Que Dieu veille sur vous et sur tous les autres également.

Votre contribution est la bienvenue car nous allons de nouveau reformer une délégation qui repartira le 18 juin pour assister à la prochaine audience.

A très bientôt les ami(e)s!

Farida ♥

 

Le 22 mai

« Mes sentiments après avoir rendu visite à Ali.


C’est incroyable à quel point l’état physique et moral de mon frère Ali peut influencer le mien!
Hier nous lui avons rendu visite à 4 : ma mère, Horia son épouse, Hamza mon jeune frère et moi.
Ali souriait en nous regardant l’approcher en salle de visite. Les étreintes, les embrassades plus rien ne semble être suffisant pour rassasier le manque, le vide que son absence produit dans nos vies!
Nous sommes assis autour de lui, moi comme d’habitude je lui tiens la main tout le long, ses mains sont toujours aussi froides d’ailleurs.
Ma mère lui pose une série de questions : « Rassure moi mon fils, on ne te fais pas de mal ici? »
« Est ce que tu manges bien? »
« Est ce que tu peux voir un médecin ici pour ton allergie? »
Sur un ton aigri ma mère poser toutes ces questions et rajoute même : « Souffres tu de cholestérol? »
Sur ce j’éclate de rire et Ali aussi, bizarrement nous avions pensé à la même chose. On se regarde et on rit encore et les autres suivent. (Le cholestérol dans une prison, où on ne mange que très léger ou même très rarement bien…) 🙂
L’ambiance tourne vers la gaité et l’humour du coup. Ali pose ses questions habituelles, me demande après tous ceux qu’il connait à commencer par notre père, la famille et tous les autres qui pour lui sont aussi devenus des membres de la famille.
Il me demande de bien répondre à chaque personne qui soutient ou qui poserait des questions le concernant.

Ali semble malgré ce qu’il venait de vivre à l’audience, totalement apaisé.
Même les problèmes qu’il vivait en cellule suite au partage de celle ci avec des espagnols de souche, des narco trafiquants, il les a réglés.
Je lui demande, comment il a fait?
« Ici en prison nous sommes malgré nous confrontés à des situations difficiles. Le fait qu’on nous mette ensemble dans une cellule alors que nous sommes si différents. Culture ou religion différentes… nous oblige à faire des efforts, des concessions. Le but principal pour nous étant qu’on améliore la qualité de vie en prison. »
Je lui dis, comment ça? Tu m’avais pourtant dit qu’ils étaient mal polis, qu’ils t’humiliaient, etc…
« Oui, mais j’ai su comment régler ça. Je suis resté poli envers eux malgré tout ce qu’ils me faisaient et j’ai fini par me faire respecter. »
(Je vous raconterai des détails lorsque je serai sur mon portable incha Allah)
Sur ce il poursuit en nous disant qu’il est très content que nous soyons toujours là car ce n’est vraiment pas le cas de tas d’autres détenus.
Rajoute comme chaque fois : « Dis bien à Luk de ne pas lâcher! Il doit continuer cette lutte c’est important pour moi de le revoir à chaque audience »
« Ah oui! N’oublie pas ceux qui m’ont écrit, même si je ne reçois plus leur courrier! puis il ajoute avec un énorme sourire qui fait tant plaisir à voir : « Vous n’imaginez pas à quel point ça fait du bien de se savoir soutenu par des belges de souche! Par Dieu, ça me rend fou de joie! »

Ali a rajouté quelque chose dans laquelle je me suis retrouvée : « C’est quand même étrange la vie, nous vivons des péripéties, des choses inattendues. Qui aurait pensé qu’un jour j’allais me retrouver dans cette situation? Que par le biais de cette si désagréable expérience allait découler une union si forte entre personnes si différentes?

Je suis heureux, je suis patient!
Cela fait trois mois que je ne sors plus à la cour, mais je me suis appliqué à l’apprentissage de la lecture du Coran. J’en ai reçu un qui est écrit en arabe, traduit en français et même en phonétique. Je m’occupe à des choses dans la cellule, ma lessive, ma cuisine, je peux même coudre… d’ailleurs j’ai cousu deux draps ensemble et en ai fait un rideau pour avoir un peu d’intimité dans le coin qui est le mien dans la cellule.
J’ai proposé à Ali de profiter du temps qu’il est en prison pour s’instruire, car il n’a même pas terminé ses études primaires. Il me répond qu’il est partant pour améliorer son écrit français car il le mélange fort avec l’espagnol et qu’il a une très mauvaise orthographe.

Ce sont pour moi tous des signes qui me prouvent qu’Ali va mieux moralement qu’il se crée les moyens de résistance qu’il lui faut pour tenir le coup!

A un moment donné, il regarde son épouse Horia qui est à sa droite et lui dit : « Tu dois surement beaucoup souffrir Horia » Elle lui répond très spontanément : « Parce que toi tu ne souffres pas? Nous partageons tout! » J’en avais les larmes aux yeux 🙁

Quel couple courageux! Lui et elle ayant tant souffert et pourtant si unis! Horia est une femme exemplaire, sa sagesse est une leçon pour beaucoup. J’en suis fière.

Je poursuivrai cette entrevue, désolée, mais nous devons nous préparer à quitter l’hôtel. »

Farida Arrass

 

23 mai,

Une autre partie du récit qui me revient :

Vous savez peut être ou peut être pas, que lorsqu’on ramène des affaires, que ce soient des denrées alimentaires, vêtement, autre…. à la prison, tout est minutieusement fouillé et que même certaines choses ne passent pas. (J’y reviendrai…)

Pour rester dans la bonne humeur, je disais à Ali : « Je ne t’ai pas fait de gâteaux, mais je les ai achetés. Je t’en ai ramené un peu de chaque sorte afin que tu te régales » Je souris!

J’ajoute : « Tu te rappelles Ali quand je faisais moi même les pâtisseries à l’occasion des fêtes? Je prenais le temps de les décorer et d’en faire de différentes sortes…puis tu arrivais et tu en mettais deux trois gâteaux à la fois en bouche! Puis je te criais dessus! : « Mais prend le temps de les admirer et de les déguster purée ça m’a pris tellement de temps pour les faire!

Ali a éclaté de rire et me dit tu t’en souviens?! Puis tout à coup il redevient sérieux et nous dit (et c’est là que je sens que ça va nous toucher) : « Tu sais après avoir été mis si longtemps en isolation, coupé de tout contact humain, isolation sensorielle et temporelle! J’avais perdu toutes mes bonnes manières. A tel point que lorsque enfin je me suis retrouvé avec un codétenu en cellule, ce dernier me faisait tout le temps des remarques du genre : Mange avec la bouche fermé tu fais trop de bruit! Ou encore d’autres remarques qu’il ne citera pas tant cela le gênait. »
Ali avait le regard triste et nous disait que l’isolation est une torture horrible que l’être humain ne peut pas supporter ça! Qu’il a accepté toutes les remarques en s’excusant et en retrouvant les bonnes manières à adopter! Il nous dit, je suis resté si longtemps tout seul que même les bruits que je faisais en mangeant me rassuraient de mon existence, mais voilà que j’en étais venu à oublier que c’était malpoli. »

🙁

STOP à ces méthodes inhumaines de détention! Battons nous pour que cela cesse!

Farida Aarrass

Compte rendu de l’audience en appel du lundi 21 mai 2012.

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Après une longue attente de 3 heures, Ali est enfin amené dans le box des accusés!
La délégation belge formée de Luk Vervaet, maître Nicolas Cohen, ma mère, Smain Smahane et moi même. Un ami venu de Normandie, qui depuis pas mal de temps suit l’affaire de près. La famille et les amis venus de Melilla et Nos avocats marocains maître Dadsiet maître Jallal.
Comme d’habitude dans les rangées tout devant, juste derrière celles réservées aux avocats.

Ali arrive et nos regards sont tous dirigés vers lui, je l’observe très attentivement pour m’assurer qu’il va bien. Il a, Dieu merci, je le remarque très vite, récupéré! 🙂

Il s’assied tout près du mur en vitre du box de façon à pouvoir nous voir et qu’on puisse échanger nos signes habituels. Pour nous prouver qu’il va mieux, un sourire aux lèvres et un regard destiné a chacun accompagné de salutations!

A un moment donné, sa femme lui fait signe que leur petite fille a bien grandi, j’ai fait signe qu’elle a aussi bien grossi, nous rions tous, d’un rire silencieux pour éviter de nous faire remarquer. Ali dont les sourires s’effacent aussitôt tant la tristesse de ne pas la voir le gagne.

Luk intervient à son tour pour lui faire signe que lui par contre devient de plus en plus petit, mais Ali lui fait signe en levant la main très haut, pour lui faire comprendre qu’il est bien grand pour lui! Ali aime énormément Luk Vervaet!

Ali est appellé à la barre, se tient debout devant les 5 juges, aux cotés de son interprète et de maître Cohen, maître Dadsi et maître Jallal.

Pendant une demi heure nous assistons à un échange entre le Procureur et le juge d’un coté et les avocats de l’autre. Des documents passaient des mains du procureur au juge dans une ambiance très spéciale.
C’est maître Cohen qui a louvert le débat en citant : Cela fait un an et demi que nous avons demandé une enquête sur la torture. A la dernière audience, le procureur général avait dit qu’il n’y avait aucune enquête en cours. Par le dossier déposé aujourd’hui au tribunal par le procureur général de Rabat, nous avons la preuve du contraire.
La défense n’avait jamais vu ce dossier, ni les pièces déposées aujourd’hui, c’est pourquoi la défense a demandé le temps nécessaire pour examiner minutieusement ce dossier.

Sur ce, le procureur général se met debout et va communiquer le contenu de ce dossier, à haute voix à toute la cour en citant chaque mot lentement, on pouvait même compter les syllabes! Il commence à citer ce qu’Ali avait déclaré depuis le début, tout comme si c’était ce qu’il en déduisait de cette affaire, au point que nous croyions qu’il le défendait! Il a même ajouté que cette cour allait traiter cette affaire comme exigé, dans une totale équitabilité!
Mais tout est devenu plus clair quand il est arrivé à sa conclusion en disant que Ali a été examiné par trois médecins légistes et par la police qui ont tous constaté, qu’il n’y a pas eu de torture! Qu’il n’y a pas de séquelles d’une quelconque maltraitance! Qu’il n’y a pas de traces visibles sur la photo prise lorsqu’il avait été reçu en prison juste après la garde à vue de 12 jours après son extradition qui date du 14 décembre 2010! Et tout cela se trouve dans un rapport fait par ces légistes datant de décembre 2011!

Le juge dit tout haut en langue arabe : « Commençons par entendre nos arabes,! » en faisant allusion aux avocats marocains. Je trouve ça honteux l’attitude de ce juge qui s’est montré plus d’une fois fort dérangé par la présence de maître Cohen et envers qui il semble ne pas avoir de respect!

Maître Dadsi, Jallal et Cohen ont insisté sur le fait qu’il leur faudra du temps pour examiner toutes ces nouvelles pièces. Ils ont aussi avancé immédiatment quelques questions :
– Est ce que pendant ces auditions par ces médecins légistes et par la police, Ali a eu droit à un interprète?
– Le procureur prétendait qu’Ali avait refusé de se deshabiller car soi disant il n’avait plus aucune trace visible. Les avocats ont donc à ce propos demandé immédiatement à Ali si cétait vrai, ce qu’Ali a démenti!
– Est ce que le tout premier PV fait par la BNPJ figurait dans ce dossier et dans la négative qu’il le leur faudra absolument!
– Qu’en est il des photos que la direction de la prison avait fait, lorsque Ali avait été réceptionné dans l’état critique suite aux tortures. (Les prisons prennent le soin de se protéger, afin qu’ils ne soient pas pousuivis pour maltraitance sur les détenus, à la date à la quelle on les ramène en prison, afin de prouver qu’il était déjà dans cet état là)

Après délibération, l’audience fut reportée au lundi 18 juin 2012!

Luk Vervaet et Farida Aarrass.

J’étais au procès d’Ali Aarrass le 7 mai dernier…. témoignage de Beauyo

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Voilà bien un an que j’ai connaissance du cas d’Ali Aarrass. J’ai assisté, pour la première fois, à l’un des rassemblements pour sa cause devant l’ambassade du Maroc, fin juillet 2011. J’y croise quelques membres de sa famille, et une trentaine d’autres militants. Je me présente à l’un de ces derniers, à qui je demande un résumé de la situation. Il me raconte par la même occasion sa participation à la mission Bienvenue en Palestine, quelques jours plus tôt. On ne me connaît pas encore.

Quelques mois plus tard, j’ai l’honneur de me voir confier la responsabilité de l’impression du livre « Ali Aarrass, pour l’exemple » de Nicolas Ingargiola et Abdellah Boudami.

A la sortie de ce livre, tombe l’annonce d’une sentence inattendue : quinze ans de prison ferme. Les avocats vont en appel.

Quelques semaines plus tard, un membre de ma famille me propose une affaire commerciale au Maroc. Cinq ou six ans que je n’ai pas mis les pieds dans mon pays d’origine, c’est le moment!

Le temps de clôturer quelques dossiers, préparer mon voyage et je suis prêt à partir pour l’audience du 9 avril. Je suis prêt, sauf mon passeport que je n’ai pas eu le temps d’aller demander. Trop tard. La délégation partira sans moi.

 

La prochaine audience est prévue pour le 7 mai. Il est prévu que ma petite maman fasse partie du voyage.

J’arrive le jeudi 3 mai à l’administration communale pour un passeport belge. Trop tard, il est bientôt 19h, les commandes sont parties à 15h. Le passeport ne peut arriver que lundi, dans la journée. Je mets la pression (comme j’ai vu mon père faire quand j’étais jeune) : « On m’a dit au téléphone que je pouvais avoir mon passeport demain matin, qu’il fallait juste passer aujourd’hui entre 8h et 19h. Je dois être au Maroc lundi à la première heure. Trouvez-moi une solution. »

Après quelques coups de fil : « Monsieur, on n’a jamais fait ça, mais nous allons voir avec le Ministère dès demain matin 7h00 s’il est possible de l’avoir encore plus vite qu’en express. Mais cela risque de coûter plus cher, bien plus cher. Et je ne vous garantis rien, ne venez pas tout casser ici demain matin. »

« Ne vous inquiétez pas. Mais, je compte sur vous. »

Le lendemain matin, 7h30 : « Monsieur, nous avons une solution, ils acceptent de vous le livrer au commissariat de police de Zaventem samedi matin, 5h00. Cela vous va? »

 

« Hahaha! Excellent travail! J’arrive régler la différence immédiatement! » (seize petits euros pour cette mesure exceptionnelle! Je critiquerai moins souvent l’administration belge.)

Je demande à ma maman si elle est toujours prête à partir : « Non fiston, vas-y, tu as tes affaires, je n’ai pas envie de te retarder. Et puis, ton timing est toujours trop serré. »

Dimanche, à l’aéroport, coup de fil à Farida : « Alors, prête pour le voyage? De quel côté êtes-vous? Parce que… j’arriiiiiive! » Parmi la délégation, seul Luk est au courant, depuis quelques jours déjà.

Ismail, Sarah, Farida et Luk sont là.


Arrivés à Casablanca, nous rencontrons Frances Webber avec qui nous prenons le train pour Rabat. Nous descendons dans un petit hôtel, Kaoutar et Souhail nous attendent.

Lundi neuf mai, jour J, petit-déjeuner à 7h, et départ à 8h pour le Tribunal de première instance de Salé. Nous prenons le tram (système flambant neuf), sans titre de transport.

Nous demandons au contrôleur si nous sommes dans la bonne direction. Et lui nous demande nos titres de transport. Nous expliquons que les guichets semblaient fermés. Pas grave, l’amende s’élève à 50 Dh par personne (5 euros), nous sommes quatre. Il nous fait une gentillesse : « Vous n’allez payer que deux amendes, cela vous revient à 100 Dh au lieu de 200 Dh. Voici vos reçus. »

Quelques minutes plus tard nous sommes aux abords du tribunal. La famille espagnole n’est pas encore là. Nous décidons de faire une pause en face.

Tout le monde semble connaître la délégation Ali Aarrass, du petit cireur de chaussures aux policiers, en passant par les agents de sécurité. Un coup d’oeil à l’historique et tout s’explique : plus d’une dizaine d’audiences.

9H10, nous rejoignons la salle où aura lieu le procès. A gauche, dans un volume vitré, des bancs accueillent les accusés. Je suis frappé par leur jeunesse. A droite, les familles venues assister au procès de leurs enfants ou proches. La délégation pour Ali a trouvé place sur le premier banc, le tout premier, resté vide, comme s’il nous attendait. En face se trouvent les magistrats. Un seul sera actif tout au long du procès, le juge : il convoque les accusés, appelle les avocats, questionne les premiers, commande au greffier quelques notes etc.

Je joue les traducteurs pour Frances. Des affaires de vol, et autres délits mineurs…

Le juge m’a semblé sympathique : il s’adresse aux accusés dans le dialecte marocain, tandis que les avocats s’expriment en arabe. Tantôt il plaisante, tantôt il est rouge de colère. Ses collègues ont l’air de s’ennuyer.

Ali n’est pas encore là. Je jette un oeil aux documents sur le pupitre du juge : une série de dossiers, tous fins, sauf trois énormes. Est-ce ce que je pense?

Après quelques affaires de jeunes délinquants, le juge demande s’il y a des femmes, qu’on passe leurs affaires en premier. Il y en a deux.

L’heure tourne, et un nouvel épisode qui ne manque pas de faire sourire les avocats européens : un enfant de moins de huit ans est appelé à témoigner.

Quelques affaires plus loin (Hassan et la famille de Melilla nous ont rejoint entre-temps), le juge jette un oeil aux gros dossiers et demande s’il n’y aurait pas des affaires de terrorisme à juger.

 

On fait monter les accusés concernés par ces dernières affaires.

C’est au tour d’Ali de pénétrer dans la salle. Le temps s’arrête. Incompréhension générale. Ali titube, le visage blême, il fixe le sol. Il souffre. Son regard est vide, son visage est pâle, une apparence grisonnante. Un masque pend à son oreille. Une bouteille à une main, un mouchoir à l’autre. Même pas un regard vers la salle. Il regagne un banc avec beaucoup de mal. Il s’assied. De travers.

Je ne comprends pas, je cherche des explications chez mes voisins. Tout le monde est agité, désarroi complet. J’entends Luk dire : « Mais qu’est-ce qu’il a? Je ne l’ai jamais vu dans un état pareil! » Farida cherche à capter le regard de son frère pour en savoir plus. Il fait un signe des mains que je traduis par « J’ai été forcé, projeté jusqu’ici. »

Luk ne tient plus, il se lève et fait des va-et-vient à côté du bloc de verre. Il veut savoir ce qui arrive à Ali. Un policier s’approche pour lui demander de regagner sa place. Je ne reconnais plus Luk, il est énervé.

Farida essaie de se retenir, elle est en pleurs. Une ambiance d’injustice règne désormais dans la salle. La tension monte. Une envie de foncer sur les forces de l’ordre, et frapper tout ce qui bouge. Je perds patience, je sors quelques instants me calmer.

Lorsque j’entre à nouveau, Ali est devant les juges, affalé sur une chaise qu’on a mise à sa disposition. Ces derniers remarquent que son état est alarmant et proposent de repousser l’audience à une date ultérieure. Les avocats demandent quand même à plaider, mais Ali n’est pas apte. Nouveau report de l’audience au lundi 21 mai.

Pour la cour, c’est aussi simple que cela. Pour la famille, ce sont des frais qui se multiplient. Pour la Belgique, c’est un belge, mais d’origine marocaine, hélas pour lui.

Ali escorté par la police quitte la salle tant bien que mal, la cour se retire aussi. Ce mouvement est accompagné par des cris de colère et d’encouragement : « Libérez Ali Aarrass! » « Ali Aarrass est innocent! » « Ali bariii-oun! » Et d’autres cris en espagnol. Les policiers chargés de faire nous faire sortir du tribunal font preuve de tact, ils nous regardent de loin, ne nous brusquent pas. Un parfum d’innocence plane sur la famille. Farida pleure mais essaie de reprendre ses esprits.

A la sortie, on en sait un peu plus : Ali souffre d’allergies, d’autant plus qu’il a entamé une grève de la faim pour dénoncer ses conditions carcérales. Il devait être à son cinquième jour sans nourriture.

Farida, la soeur d’Ali explose à nouveau en sanglots dans les bras de sa belle-soeur, Houria. Une scène qui fait mal, très mal.

Je m’approche d’Hamza, petit frère d’Ali, qui n’arrive pas à maîtriser son émotion, aux côtés de sa maman. La belle-mère d’Ali, très proche de lui, me cite l’une des réflexions qu’il avait dites lors d’une visite : « C’est Dieu qui m’a fait entrer en prison, c’est Dieu qui m’en sortira. » Cela confirme les dires à son propos, Ali est un grand homme, Dieu l’aime, et on ne peut l’oublier.

 

Nous accompagnons Farida et sa fille à la prison, elles vont visiter Ali.


Le soir, Farida m’en parle encore, de sa visite à la prison, et de la vie d’Ali en général. Mes yeux se chargent de larmes, prêts à exploser. Je baisse la tête vers mon ordinateur, je dois me contenir, nous sommes là pour les soutenir lui et sa famille. Elle m’explique leurs relations frère-soeur, on dirait des jumeaux, la relation d’Ali avec leur petite soeur Malika, ainsi qu’avec Hamza et le reste de la famille. Je comprends mieux pourquoi les uns n’hésitent pas à prendre l’avion, les autres à traverser le Maroc en voiture, huit heures de route à l’aller, autant au retour.

Le lendemain, une partie de la délégation retourne en Belgique. Luk et moi restons encore quelques jours. Nous aurons notamment un entretien avec Khadija Ryadi, présidente de l’AMDH, association marocaine des droits humains (interview réalisée par Luk : http://www.freeali.be/2012/05/13/interview-de-khadija-ryadi-amdh-a-loccasion-de-la-douzieme-audience-du-proces-ali-aarrass).

Il est temps pour moi de rejoindre ma famille dans le nord et reprendre mes affaires. Je décide de prendre le train, en première classe. Cela s’avère être un excellent choix. Un couple de managers français voyage dans ma cabine. Ils sont intéressés par ma lecture, et une conversation s’engage : secteur et poste de travail, raison(s) du voyage etc. J’arrive très vite à parler d’Ali et de son procès et, surprise, le mari : « Ah oui, ne serait-ce pas ce belgo-marocain arrêté en Espagne dans l’affaire Belliraj? Oui, bien sûr, j’en ai entendu parler! »

Je termine de les mettre au courant de toute l’affaire. Seul regret, je n’ai pas le livre d’Ali sous la main. Qu’à cela ne tienne! Nous échangeons nos coordonnées pour une future correspondance, et j’en profiterai pour les mettre au courant des suites de l’affaire d’Ali, cet homme que nous avons laissé, malade, à la prison de Salé.

Jeudi 10 mai, je rejoins à nouveau Rabat pour la pièce « La vie, c’est comme un arbre. » Invité par celui-ci, je ne pouvais pas rater l’événement. A la fin du spectacle, j’ai le bonheur de revoir mon cher ami et compagnon de voyage, Luk, ainsi que maître Dadsi, et son épouse. Je retourne le soir même à Tanger.

 

Le matin de mon départ pour la Belgique, ma grand-mère me demande :

– Tu ne vas pas chez le barbier?
– Le barbier? Non, pourquoi?
– Tu vas aller partir comme ça?

– Comment ça comme ça?
– Bah, ta barbe, tu devrais la couper, tu n’as pas peur d’avoir des problèmes à la douane? Avec toutes ces histoires de terrorisme?
– Haaaaahahahaha! Non, t’inquiète pas grand-mère.

 

Lorsque mon grand-père arrive à l’étage, j’entends ma grand-mère à nouveau :

– Tu ne lui ordonnerais pas d’aller se faire raser la barbe? Il pourrait avoir des ennuis à la douane.
– Qu’est-ce que tu racontes? Laisse cet enfant tranquille. Et puis, c’est moi qui l’accompagne à l’aéroport, il n’a rien à craindre!


Sachez que j’ai dû faire preuve de synthèse lors de la rédaction de ces lignes. En quelques jours, j’ai vécu énormément, et quantités d’anecdotes restent à partager. Plus que jamais je suis convaincu que les justes doivent mener le combat aux côtés des opprimés. Jamais dans le camp du Pouvoir. J’invite chacun des lecteurs et sympathisants à se joindre à nous. Que ce soit par le biais d’une participation physique, d’une contribution financière, en portant cette histoire à la connaissance de vos proches, ou encore par le coeur, l’invocation d’Allah étant parmi les actions les plus importantes.


Ce 7 mai, j’ai donc fait quelque 3000 km pour visiter un prisonnier opprimé, un prisonnier malade. Et quiconque visite un malade a visité Dieu, comme l’attestent des ahadiths authentiques.

 

Je dédie ce récit à Ali Aarrass, ce grand frère que j’aurais aimé avoir, ainsi qu’à sa famille à qui il manque tellement.

Un ami, un frère, qui préfère rester anonyme.

Ali Aarrass et le cauchemar carcéral

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Ce lundi 7 mai 2012, vers midi, une onde de choc passe sur l’audience du tribunal d’appel de Salé. Ali Aarrass entre dans la salle. Tous les regards se tournent vers lui. Il est pieds nus dans ses pantoufles. Il tient à peine debout. Il ne nous regarde pas, il ne nous salue pas, comme il le fait d’habitude, gentiment. Il tient une bouteille d’eau à la main. De l’autre, il tient un mouchoir devant sa bouche. Un masque vert avec un élastique pend autour de son cou. Il s’installe très vite à la première place libre sur un des bancs, dans le box en verre transparent pour les accusés, qui les sépare du public. Il semble pâle, il n’est pas rasé, son regard fixe le lointain. Après quelques minutes, il met ses lunettes pour regarder qui est dans le public et faire un geste de reconnaissance à ses proches et à ses amis.

 

L’audience du 7 mai n’aura pas lieu.

Même les juges, qui l’appellent à la barre, constatent que cela ne va pas. Ali se présente avec difficulté devant les juges, où en principe il doit rester debout. Le traducteur et l’avocat lui trouvent une chaise sur laquelle il s’assied, lui, tenant toujours son mouchoir et sa bouteille d’eau. Les juges lui demandent par deux fois s’il est capable d’assurer sa défense. Par deux fois, il répond : « Non, je n’en ai pas la force, pas même pour parler ». Le président s’adresse alors au procureur responsable pour les détenus : « Il nous faut un certificat médical du détenu s’il est malade.Maintenant qu’on n’en pas, pouvez-vous faire un constat vous-même pendant cette audience et me dire ce que vous constatez de vos propres yeux ? ». Le procureur refuse : « Ce n’est pas mon travail, c’est le travail d’un médecin expert ». Sur ce, les juges décident de reporter l’audience pour raisons médicales au 21 mai. Quand Ali quitte l’audience, entouré par ses gardes, quelqu’un parmi nous crie : « Libérez Ali Aarrass ! ». Ce cri est repris, spontanément, par tout le monde, tellement la vue d’Ali nous a marqués. Des slogans en arabe, en espagnol et en français, clamant l’innocence d’Ali font trembler la salle. Aucun militaire ou policier n’ose intervenir. Ils savent que ce qu’on a vu pendant cette douzième audience est la goutte qui fait déborder le vase.

 

L’après-midi, nous accompagnons Farida Aarrass et sa fille jusqu’à la prison de Salé II, où elles rendent visite à Ali. A leur retour, elles nous expliquent l’état de santé d’Ali. Il souffre d’asthme et d’allergies, d’une fatigue et d’un affaiblissement extrêmes. Depuis le mercredi, lui qui a déjà fait trois grèves de la faim en Espagne, est à nouveau en grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention. Seul moyen, dit-il, d’être entendu. « Ne vous en faites pas pour moi, a-t-il dit à sa famille, non seulement je suis patient mais en plus je suis innocent. La justice finira par vaincre« .

 

S’il y a bien des explications médicales pour l’état dans lequel nous avons vu Ali, ce n’est pourtant pas sa maladie, sa fatigue ou son extrême faiblesse qui doivent nous préoccuper. Avec des soins adéquats, son état de santé se remettrait assez vite. Ce qui doit nous préoccuper, ce sont les conditions carcérales extrêmes qui provoquent les maladies. L’état dans lequel se trouve Ali est avant tout l’aboutissement d’une détention de plus de quatre ans dans des conditions extrêmes. Celles-ci doivent nécessairement abimer et même détruire un être humain au niveau physique et psychologique. Ce que nous avons vu, c’est un homme à bout, fatigué et las de la prison, qui nous lance un cri d’alarme sur ce qu’est la prison. A ce sujet, je veux signaler quatre points concernant Ali.

 

Les effets néfastes de la prison sur un détenu purgeant une longue peine.

 

Depuis des décennies, les études scientifiques des spécialistes des prisons formulent le même jugement sur les conséquences néfastes, physiques et psychiques, pour tout détenu se trouvant en détention de longue durée. Ce n’est pas que ces détenus deviennent fous. Il s’agit des effets sur l’être humain suite à son adaptation au milieu carcéral malsain. Cette adaptation crée un état « anormal », comparé à celui qui existe à l’extérieur des murs1. Des effets traumatiques apparaissent chez les personnes qui purgent « une longe peine ». Ce que signifie « une longue peine » varie selon les spécialistes et selon la perception du détenu lui-même. Le Conseil de l’Europe la fixe à cinq ans. Mais beaucoup de criminologues s’accordent pour dire que toute sentence égale ou supérieure à un an est à considérer comme une longue peine.

 

La privation de liberté d’un an ou plus agresse peu à peu, insidieusement, le système nerveux. D’où viennent ces effets ? Ils découlent des contraintes, des restrictions et des privations au sein du milieu carcéral. Ceux-ci se situent au niveau de l’espace de circulation, de manque de contacts avec des personnes et des objets, d’échanges verbaux, sexuels, d’association avec d’autres. Il y a la routine, l’obligation de demander une permission pour chaque chose qu’on fait, la perte de l’intimité. Bref, il s’agit des privations sexuelles, sociales, sensorielles, intellectuelles, cognitives et physiques. Les effets néfastes sur les détenus sont les suivants : troubles émotifs, pensées obsessionnelles, modification de la notion du temps, modification de la perception de soi, de sa personnalité en général, de ses capacités intellectuelles. Puis il y a l’ennui et l’anxiété. Un sentiment d’insécurité qui s’installe face au monde extérieur. L’institutionnalisation. Des syndromes psychopathologiques.

 

La détention en Espagne : l’état d’exception pour les suspects terroristes

 

La conception et les lois qui doivent protéger la sécurité nationale de l’Espagne datent de l’époque de la dictature de Franco et ils n’ont pas changé depuis.

En plus, et contrairement à d’autres pays européens, l’État espagnol a déjà introduit la première loi antiterroriste moderne dans sa législation en 1978. « Celle-ci définissait le terrorisme de manière très large et procurait un cadre juridique pour les opérations de la police et des paramilitaires dans le Pays Basque. C’était une approche qui ramenait l’Espagne aux temps de la stratégie de la sécurité nationale de l’époque franquiste. Des vagues d’arrestations politiques ont suivi, et le nombre de détenus basques dans les prisons devenait comparable à l’époque franquiste. 2»

 

Depuis, des nouvelles lois, qui créent un état d’exception pour tout ce qui est prétendument lié au terrorisme (incluant toute organisation politique, toute intention, toute manifestation pacifique et légale) se sont ajoutées3. Le traitement des suspects et des condamnés terroristes part du principe que les droits garantis dans la constitution ne valent pas ou seulement en partie pour cette catégorie exceptionnelle. Ce traitement n’a pas d’égal dans les autres pays européens.

 

Sur ce qu’il a vécu en isolement dans les prisons espagnoles, Ali a confié à sa sœur : « J’ai toujours des sursauts si quelqu’un apparaît derrière moi, je fais trop souvent des cauchemars qui me font mal et les moments d’angoisse s’intensifient de temps à autre. C’est horrible ! Insupportable ! Cela ne devrait pas exister. Tu ne peux communiquer avec personne, tu ne peux t’adresser à personne, tu n’as jamais quelqu’un avec qui échanger le moindre mot. C’est le silence complet. Les minutes se transforment en heures très longues, les journées semblent être des éternités. On ne peut pas vivre dans la solitude, sans pouvoir discuter avec quelqu’un. La voix perd sa force, tes cordes vocales perdent l’habitude d’émettre des sons…Tu es à la recherche du moindre son externe et pourtant rien ne s’entend comme bruit…Oui même quand tu essaies de prononcer quelques mots, syllabes, tu n’y arrives plus, car comme tu ne parles jamais, tu as beau essayer de parler, ta voix s’estompe. Je me parlais à moi-même ! Je m’adressais des discours, je me racontais des histoires et me posais même des questions, auxquelles je répondais afin de casser la solitude qui au bout d’un moment devient on ne peut plus dure à supporter ! Je me touchais les membres, pour réaliser que j’étais bien là, que j’étais bien vivant, que j’étais bien un humain malgré ces conditions de détention inhumaines et surtout gratuites ! J’ai pendant longtemps senti l’envie de me regarder, puisque je n’avais ni miroir ni rien pour m’observer. A un moment, bien après mon extradition au Maroc et après la torture sauvage qu’on m’a infligée, j’ai remarqué, que dans la cellule sombre dans laquelle j’étais, il y avait à un moment déterminé de la journée, un petit rayon de soleil qui traversait la pièce et ne reflétait que sur une dalle qui paraissait brillante mais très sale sur l’un des murs de ce cachot. Je m’empressais donc de nettoyer cette dalle afin de m’en servir comme miroir au moment précis où le soleil venait se poser dessus. Je me suis finalement légèrement aperçu, ce qui me fit le plus grand bien. Même si l’image n’était pas très claire. Me regarder m’a fait prendre conscience que j’étais bien là, que j’existais. »

 

La torture au Maroc

 

Il suffit de relire la plainte d’Ali Aarrass, déposée par ses avocats le 2 mai 2011 et adressée au secrétaire général du Conseil National des droits de l’homme. En voici un extrait4 : « À l’arrêt de la voiture qui l’a transporté de l’aéroport , et dès qu’il a mis pied par terre , il (Ali Aarrass) fut surpris de subir injures et calomnies , des coups portés sur plusieurs endroits de son corps par plusieurs individus, déshabillé et introduit dans une chambre noire où il fut soumis à différentes formes de tortures dont les traces sont toujours visibles en plusieurs endroits de son corps, particulièrement aux mains et aux pieds. Ainsi le plaignant a été soumis à plusieurs sessions de torture comportant des coups de bâtons et des gifles donnés par plusieurs personnes, des opérations d’électrocution, l’étranglement en plongeant la tête dans un seau d’eau jusqu’à évanouissement. Après reprise de son souffle et de sa connaissance, il était réassujetti aux mêmes actes ainsi qu’à d’autres formes de tortures comme la privation du sommeil, de nourriture et d’eau, la menace de viol et le viol lui-même à l’aide de bouteilles en verre causant sa blessure dont les traces ensanglantées étaient encore visibles ,lorsqu’il fut présenté devant le juge  qui, de son coté, a refusé de les visionner.
Le plaignant a été soumis aussi à des injections, au bras, administrées par une personne, en robe blanche, vraisemblablement par un médecin car l’injection a été administrée professionnellement dans la veine appropriée, reconnue rapidement et sans hésitation à quatre reprises, à la suite desquelles, le plaignant était, à chaque fois, la proie de crises de démence et d’inconscience.»

 

La surpopulation dans les prisons marocaines.

 

Ali se trouve dans une situation où la lutte pour l’espace est permanente. Cette situation déclenche inévitablement des incidents violents entre détenus. Déjà en 2008, après quelques évasions, même Abdelouahed Radi, le ministre de la Justice de l’époque déclarait : « Les pénitenciers, arrivés à saturation, offrent des conditions de vie qui ne répondent pas aux besoins d’une vie digne»5. Et Moulay Hafid Benhachem, le délégué général de l’administration pénitentiaire : « Aujourd’hui, la capacité d’hébergement ne suffit qu’à la moitié de la population incarcérée. Aujourd’hui, près de 60.000 détenus disposent chacun de moins de 1,5 mètre ». Vous lisez bien : la moitié ! 1,5 mètre (alors que les normes internationales exigent 9 mètres carrés!). La situation ne s’est pas améliorée depuis. Comme le disait Khadija Ryadi, la présidente de l’AMDH, dans une interview en mai 2012 : « La réponse à tous les problèmes du monde carcéral est devenue une question d’immobilier, de construction de nouvelles prisons. Quand on soulève un problème, on vous répond avec les nouvelles règles et normes qui seront mises en application et par des maquettes de nouvelles prisons à construire. Entretemps, la situation au sein des prisons s’aggrave. Également pour les militants politiques et les dossiers à caractère politique, dont fait partie l’affaire Ali Aarrass. Des actes de violence, de vengeance et de torture des détenus sont de retour. Les ONG, qui visitaient les prisons, ne peuvent plus y mettre un pied. 6»

 

Je n’ajouterai que deux remarques.

D’abord, cette situation carcérale infernale n’a pas posé le moindre problème de conscience au gouvernement et au parlement belges pour voter un accord à la quasi-unanimité en vue d’expulser les détenus marocains en Belgique vers le Maroc. Cette situation carcérale ne change en rien non plus la politique de principe belge de ne pas s’occuper des détenus belgo-marocains au Maroc. J’ai visité le Consul à Rabat, gentil mais impassible, retranché derrière les règles diplomatiques lui interdisant d’intervenir pour Ali Aarrass et les 70 à 80 autres Belgo-Marocains dans les prisons marocaines. Même en cas de demande humanitaire urgente de s’informer sur la santé d’Ali Aarrass. Les avocats belges ne peuvent pas plaider pour leurs clients belgo-marocains. On peut dire que les Belgo-Marocains sont vraiment traités comme des citoyens de seconde zone, ne disposant ni au Maroc ni en Belgique des mêmes droits qu’un Belge ou un Marocain.

 

Ensuite, le problème de la surpopulation carcérale au Maroc n’est pas dû au manque de bâtiments. Il est d’abord le produit de l’injustice sociale et l’inégalité criantes dans ce pays. Ce sont ensuite les condamnations à la chaîne par la justice marocaine qu’on a vu à l’œuvre pendant les journées passées au tribunal de Salé. Celle-ci ne manifeste aucun intérêt pour le détenu qui se trouve devant lui, ni pour sa famille, sa situation sociale, ses problèmes dans la vie. Elle condamne, selon les standards à 5, 10 ou 15 ans de prisons, des dizaines d’accusés par jour.

 

Le mouvement pour libérer Ali Aarrass se devra dénoncer sans cesse le monde carcéral dans lequel Ali a dû et doit continuer à vivre. Jusqu’à sa libération.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Notes

1Les effets de l’incarcération, Revue « Face à la justice », Vol V, nos 1-2-3-4, janvier à avril 1982. (étude canadiénne).Toutes les données viennent de cette étude.

2Reclaim people’s security, From national security to global security : counter-terrorism in Asia and Europe, July 2003

3Voir : « La excepcion en Euskal Herria », Catalogo de medidas excepcionales disenadas por el Estado espanol, Marzo 2009

4 Vous pouvez lire le texte entier sur :http://www.freeali.be/2011/05/16/la-plainte-dali-aarrass-pour-torture-et-mauvais-traitements-deposee-le-2-mai-2011-aux-autorites-marocaines/

5 6 Juin 2008 La Gazette du Maroc

6http://www.freeali.be/2012/05/13/interview-de-khadija-ryadi-amdh-a-loccasion-de-la-douzieme-audience-du-proces-ali-aarrass/

Où en est-on dans le procès d’Ali Aarrass ?

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Vendredi 18 mai à 18.30 h

à la Librairie 100 Papiers

Avenue Louis Bertrandlaan 23

1030 SCHAaeRBEEK

 

info@100papiers.be

 

Farida Aarrass vous présente le livre « Ali Aarrass, pour l’exemple » de Nicolas Ingargiola et Abdellah Boudami.

Le procès en appel d’Ali Aarrass se poursuit le lundi 21 mai.

Mais que s’est-il passé le 7 mai dernier ?

Des membres de la délégation belge à la douzième audience du procès d’Ali Aarrass partagent leurs impressions avec vous.

 

Venez nombreux.

Un appel à l’aide et une toile

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A l’occasion du lancement du film « Ali Aarrass, pour l’exemple » de Mohamed Ouachen le 7 juin prochain, je lance un appel à tous les artistes à se bouger. J’apporte une toile de 80/60cm à M. Ouachen. Elle sera mise aux enchères, avec un prix de départ de 70€. Aucune prétention artistique, ça a été fait assez rapidement et d’après certains avis « ce n’est pas moche ».

Et que ca puisse rapporter au moins 150 à 200€ min à Farida Aarrass.

 Salut à tous

Nicolas Ingargiola

 

 

 

 

Interview de Khadija Ryadi (AMDH) à l’occasion de la douzième audience du procès Ali Aarrass

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Rabat 9 mai 2012

Luk Vervaet (LV) : Le procès d’Ali Aarrass a de nouveau été reporté au 21 mai. Ali était dans un état pitoyable – il souffre d’une allergie extrême ; il a été victime d’une agression en prison et ne sort plus de sa cellule depuis quelques mois. Il était extrêmement faible parce qu’il a fait une grève de la faim d’une semaine contre ses conditions de détention.

 

Khadija Ryadi (KR) : C’est d’autant plus grave quand on sait qu’il n’y a pas de preuves contre lui et que son dossier est vide. Son extradition à partir de l’Espagne était illégale. Si, en plus, sa santé et ses conditions de détention en prison se détériorent, on peut vraiment dire que ses droits sont bafoués.

 

LV : Sa situation de détention est-elle particulière ?

 

KR : Il règne une situation moyenâgeuse au sein des prisons. L’arme de la grève de la faim est souvent utilisée comme ultime défense par les détenus. Il faut savoir que le nouveau délégué général de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion est un monsieur qui figurait dans la liste, publiée en 2000, des personnes à propos desquelles nous disposons des indications fortes sur leur responsabilité dans la torture de détenus. Il a été l’ancien patron de la Sûreté Nationale. Il a été nommé à son nouveau poste après les évasions spectaculaires des prisons. Sa nomination était clairement un choix pour le tout sécuritaire. En plus, depuis sa nomination, l’administration pénitentiaire ne dépend plus du ministère de la Justice. Elle dépend directement du chef du gouvernement. Mais, dans les faits, l’administration ne dépend que de lui-même et ne rend de comptes à personne.

 

LV : Quelles sont les conséquences de ces changements au sommet ?

 

KR : La réponse à tous les problèmes du monde carcéral est devenue une question d’immobilier, de construction de nouvelles prisons. Quand on soulève un problème, on vous répond avec les nouvelles règles et normes qui seront mises en application et par des maquettes de nouvelles prisons à construire. Entretemps, la situation au sein des prisons s’aggrave. Également pour les militants politiques et les dossiers à caractère politique, dont fait partie l’affaire Ali Aarrass. Des actes de violence, de vengeance et de torture des détenus sont de retour. Les ONG qui visitaient les prisons ne peuvent plus y mettre un pied. Il y a quelques jours une instance suprême pour la réforme de la justice vient d’être créée, composée d’une quarantaine de personnes. Quelques personnes des ONG comme l’observatoire marocain des prisons en font partie. On verra ce que cela va donner.

 

LV : À combien estimez-vous le nombre de détenus politiques au Maroc ?

 

KR : Il n’y a pas de chiffres exacts. Mais il s’agit d’un grand nombre de dossiers qu’on peut estimer à quelques centaines. Il y a d’un côté les détenus politiques pour prétendue association ou délit terroriste, qui n’ont pas eu droit à un procès équitable. Puis, il y a les membres de l’UNEM, les Sahraouis, les participants au Mouvement du 20 février, les syndicalistes dans les luttes sociales. Dans ces derniers cas, il s’agit souvent de courtes peines. Il est difficile de tenir des statistiques, parce qu’au moment de leur publication, ils sont parfois déjà sortis de prison. Mais on sort quand même chaque année un rapport avec la liste de tous ceux et celles, qui ont été en prison pendant cette année-là.

 

LV : Comment voyez-vous l’état du mouvement démocratique au Maroc. En marchant vers ici nous avons rencontré une manifestation de quelques centaines d’universitaires chômeurs qui demandent que le gouvernement tienne ses promesses sur l’engagement des chômeurs diplômés.

 

KR : ils sont là chaque semaine depuis plus d’un an. Les manifestations continuent. Chaque mois, il y a des marches dans les grandes villes. Il faut savoir que dans les zones rurales, les démonstrations continuent aussi, comme à Ifni1. Là il y a souvent plus de violence et de répression que dans les grandes villes où on tolère plus facilement une manifestation quand il y a beaucoup de monde.

En même temps, on peut dire qu’après les élections, il s’est installé une phase d’attente. On veut donner toutes les chances au nouveau gouvernement d’entamer le changement. En tant qu’AMDH, nous n’avions pas pris position s’il fallait oui ou non boycotter le scrutin d’il y a quelques mois. C’est l’affaire des partis politiques. Mais on a élaboré une critique sérieuse de la nouvelle constitution. Vous pouvez la retrouver dans nos publications2. De toute façon, s’il n’y a pas de changement pour les grands problèmes que rencontre le peuple marocain au niveau des salaires, du chômage, de la vie chère, etc., le mouvement va reprendre toute son ampleur.

 

LV : Vous avez pris la décision de mettre sur pied des vraies sections de l’AMDH en Europe. Pourquoi cette démarche ?

 

KR : D’abord, il faut souligner que l’AMDH est ouverte à tous les citoyens, marocains ou pas. Les sections dans des pays comme la Belgique, doivent faire un travail avec les Belges et les non-Belges. S’adresser aussi bien aux autorités belges que marocaines concernant tous les problèmes que rencontrent les personnes d’origine immigrée. Ensuite, il faut établir des relations et des collaborations avec les ONG d’Europe. Ceci est important quand on sait qu’au siècle passé les démocrates européens ont joué un rôle très important dans la lutte contre la dictature au Maroc.

 

LV : Justement, ne peut-on pas dire que, contrairement au passé, on est en retard, aujourd’hui en Europe, sur les mouvements démocratiques dans le monde arabe ?

 

KR : Nous avons constaté une très mauvaise connaissance de ce qu’on appelle le printemps arabe dans les pays européens. Nous ne pouvons qu’être déçus quand on entend des démocrates européens parler et soutenir la thèse de « l’exception marocaine ». Ce qu’on cherche, c’est un soutien européen à la lutte menée ici. Et qu’en même temps, ils luttent contre leurs gouvernements occidentaux qui continuent à avoir des relations privilégiées avec le Maroc. Le printemps arabe a mis au clair comment ces régimes occidentaux ont profité financièrement des despotes comme Ben Ali ou Moubarak, mais aussi comment ils ont utilisé ces régimes pour se protéger contre le terrorisme et l’immigration. Un des éléments pourquoi le soutien dans les pays européens est moindre est que dans les années soixante ou soixante-dix, l’immigration était dominée par les militants, tandis que maintenant on est plutôt face à une masse non politisée.

 

LV : Quel regard portez-vous sur l’Europe à partir d’ici ?

 

KR : La crise économique européenne nous inquiète. Il y a l’effet d’appauvrissement pour les citoyens européens. Il y a aussi l’effet indirect pour toutes ces familles marocaines, qui ont moins de revenus parce qu’il y a moins d’argent transféré par l’immigration à cause de la crise. Les ONG européennes ont moins de moyens financiers pour nous venir en aide. Et puis, en parallèle avec cette crise, il y a bien évidemment la crise politique où on voit que l’extrême droite européenne progresse partout.

 

 

 

 

 

1http://www.lesoir-echos.com/retour-au-calme-a-sidi-ifni/presse-maroc/48572/

2http://www.yabiladi.com/articles/details/7041/marocaines-critiquent-nouvelle-constitution-volet.html

شقيقة متهم في قضية بلعيرج تصف التعذيب الذي تعرض له شقيقها في معتقل تمارة السري (+ فيديو)

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كشفت فريدة عراس، شقيقة المعتقل علي عراس على خلفية قضية بلعيرج ما تعرض له شقيقها من تعذيب في معتقل تمارة السري، بعد أن سلمته السلطات الاسبانية لنظيرتها المغربية. وتحكي فريدة أنواع التعذيب الفظيع الذي تعرض غليه شقيقها بما في ذلك اغتصابه من خلال استعمال « القرعة ». وتعريته في الهواء الطلق وتعريضه لـ « الفلقة ». وأضافت فريدة ان شقيقها تعرض لتعنيف شديد وتعذيب أثناء الاستنطاق واضطر للتوقيع على محاضر بالغة العربية التي لا يفهمها. ومثل علي عراس أمام قاضي التحقيق يوم 18 يناير2011 بمعية دفاعه، ونفى كل التهم المنسوبة إليه، و ندد بالتعذيب الذي مورس عليه أتناء التحقيق، وطالب ببراءته.

وكانت غرفة الجنايات الابتدائية المكلفة بقضايا الإرهاب بملحقة محكمة الاستئناف بسلا قد أصدرت حكما بالسجن 15 سنة نافذة بعد إدانته من أجل أعمال إرهابية، وكذا لعلاقته بخلية بليرج المحكوم بالسجن المؤبد في قضايا لها علاقة بالإرهاب. وتوبع عراس وهو مواطن مغربي يحمل الجنسية البلجيكية، من أجل تهم « تكوين عصابة إجرامية لإعداد وارتكاب أعمال إرهابية في إطار مشروع جماعي يهدف إلى المس الخطير بالنظام العام ».

وكان عراس قد اعتقل بمدينة مليلية المحتلة في أبريل 2010 بناء على أمر دولي باعتقاله صدر في مارس من نفس السنة، وتم تسليمه للسلطات المغربية في دجنبر 2010. وسبق لمنظمة العفو الدولية أن أدانت قرار السلطات الإسبانية بإعادة عراس قسراً إلى المغرب، حيث يواجه، حسب المنظمة، خطر التعذيب والاعتقال بمعزل عن العالم الخارجي والمحاكمة الجائرة. وسلَّمت إسبانيا علي عرّاس إلى المغرب يوم 26

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