Photo : la délégation de solidarité au grand complet devant le palais de justice le 18 juin à Salé (photo KB)
Voila bien deux ans que j’ai connaissance du cas d’Ali Aarrass. La première fois que j’ai assistée à un rassemblement en soutien à Ali, c’était le deux décembre 2010. J’ai eu connaissance de son histoire via sa nièce, Sarah. Mais en regardant de plus près la photo de Ali, son visage me disait quelque chose.
Et effectivement, je me suis rendue compte que cela fesait plus de quinze ans que je connaissais Ali Aarrass. Il était mon fournisseur de matériels scolaires, j’aimais aller chez lui car il était toujours de bonne humeur et ce qui m’avait le plus marqué chez lui, c’était son sourire, sa générosité et surtout sa gentillesse.
Je me sens concernée par le cas de Ali car cela peut arriver à n’importe quel belgo-marocain. J’ai vu, via facebook, un appel lancé pour le quatorze décembre 2010, de la soeur de Ali, Farida Aarrass, pour aller à la rencontre de Steven Vanackere, ministre des affaires étrangères à l’époque, afin de dénoncer l’extradition frauduleuse qu’a subit Ali.
J’ai été écoeurée, outrée par l’attitude de Vanackere face au cas de Ali, un vrai bloc de glace, aucune expression de symphatie, ni sentiments de compassion. Ce qui m’a le plus marquée c’est quand il a dit qu’il ne ferait rien car Ali a la double nationalité et donc le Maroc a des droits sur lui! Mais Vanackere sait très bien qu’en extradant Ali, on le mène directement vers un pays où la torture est toujours d’actualité. Depuis ce fameux jour où je me suis rendue compte que nous sommes, pour le gouvernement belge, des Belges de seconde zone! Je me suis jurée de ne jamais abandonnée Ali et de me battre, avec la famille, jour après jour, jusqu’à sa libération et que
son innocence soit clamée.
Après plusieurs « procès » kafkaiens, Farida et le comité de soutien ont appris que Ali Aarras a été condamné à quinze ans de prison! Quelle horrible nouvelle, mais malgré cela, on lâche rien et on ne baissera pas les bras. Les avocats de Ali vont en appel.
La prochaine audience aura lieu le 18 juin procès.
Le départ vers le Maroc se fait le samedi 16 juin, je suis stressée à l’idée de prendre l’avion car celà fait plus de 13 ans que je n’ai pas mis les pieds au Maroc. Mais je ne vais pas laisser cette peur trop m’envahir. On arrive à Casablanca très tard dans la nuit de samedi et on décide de loger sur place. Le lendemain, on prend le train direction Rabat afin d’assister au procès d’Ali.
Dimanche, c’est le jour où on essaye un peu de décompresser avant le procès mais pour moi c’était très difficile, car j’appréhendais de revoir Ali. Je me demandais comment il était devenu après cette épreuve, est-ce que je pourrais le reconnaitre? Tant de question trottaient dans ma tête, j’avais hâte d’être le 18 juin afin de pouvoir enfin le revoir et d’avoir des réponses à mes questions.
Voilà le jour du procès, Farida, Sarah, Luk ainsi que Smain vont à la prison afin que Farida et sa fille aillent rendre visite à Ali. Vers 11h (heure locale), Kaoutar, Fayçal, Ali ainsi que moi-même, nous nous rendons dans un café juste en face de tribunal de Salé. Le stress commence à me gagner petit à petit. L’autre moitié de la délégation ainsi que Maître Cohen et Maître Dadsi nous rejoignent au café. Maître Cohen et Smain nous conseillent d’aller voir comment se déroule une audience. Fayçal et moi y allons et ma conclusion est que les audiences sont des mascarades. Il n’y a aucune justice au Maroc.
Quelques heures plus tard, la famille de Melila arrive après six heures de route et nous retrouvent au café.
Je peux enfin faire la connaissance de la famille Aarrass, surtout de la femme de Ali, Houria. Elle me dit bonjour et je me présente à elle et elle me dit avec un grand sourire « Je sais qui tu es, je suis heureuse de faire ta connaissance » et je lui rétorque moi de même.
Il est 14h, l’heure du commencement du procès de Ali, mais avant de pouvoir atteindre la salle d’audience, on se fesait contrôler par la police marocaine. Après l’inspection, je me dirige très vite vers la salle où se trouve Ali. Mon coeur battait mille à l’heure et dès que j’ai vu Ali, mon coeur a failli s’arrêter. J’avais les larmes aux yeux, Ali a vieilli, il n’est plus le même homme, l’homme que j’avais connu n’y était plus. Il nous a sourit, il était content de nous voir, on était quand même une vingtaine de personnes à être là pour lui. En le regardant, j’ai remarqué qu’il avait une sorte de psoriasis au niveau des lèvres ainsi que des ses poignets et de ses mains. Il n’a reçu aucun traitement et Farida ne pouvait pas apporter une crème. J’étais choquée qu’on le laisse dans cet état, aucun n’être humain, qui a un coeur, n’oserait faire cela.
Farida a demandé à Luk ainsi que nous, de regarder vers Ali et on se demandait ce qu’il allait nous dire. Ali avait en dessous de sa chemise un t-shirt où il y avait écrit au feutre le mot « Egalité ». Ali nous a fait passé un message via ce t-shirt, il a voulu dire qu’il soutenait « Egalité » et qu’il fallait qu’on reste derrière le parti. Luk a affiché un beau sourire, ce que j’ai remarqué c’est entre Ali et Luk avaient crée un lien, une superbe entente et une belle amitié. C’était magnifique à voir.
Mais entre temps, on a eu un invité surprise dans le tribunal: un rat! Quelle frayeur, Sarah et moi même avons grimpées sur un banc! J’ai une peur bleue des rats, en plus celui là ressemblait à un gros lapin. Après, les policiers l’ont tué et l’audience a pu commencée.
Le juge demande qu’on apporte Ali et Maître Cohen commence sa plaidoierie et pour la première fois, il a laissé les avocats de Ali plaider jusqu’à la fin. Ensuite Ali a du retourné dans le box des accusés. Je n’arrêtais pas de regardé Ali, et Ali me regardait en souriant mais j’ai décelé dans son regard qui était vide, de l’impuissance! Ali se sentait impuissant face à la situation, impuissant de ne pas pouvoir nous aider, voyez comme c’est un grand homme, il n’a pas arrêté de nous dire, ne lâche rien, ne lâche rien. Je senti en moi un sentiment que je ne puisse expliqué. Ali m’a redonné la force de ne jamais abandonner le combat, de continuer à me battre pour sa liberté ainsi que pour tous les autres combats. Ses mots raisonnent encore dans ma tête et je ne cesse de voir l’image de Ali devant moi.
Ce qui m’a le plus émue, c’était le lien que Ali et Farida avaient, cette complicité qu’on pouvait voir et sentir, je n’oublierai jamais cette complicité entre frère et soeur. Farida grignotait un petit truc durant l’audience, ensuite elle s’est retournée vers Ali en lui demandant avec des signes de la main si il avait manger. Ali lui a répondu que oui mais Farida a compris d’un simple regard que Ali a répondu positivement pour juste pour la rassurée.
Vers la fin du procès, le juge demande aux policiers d’ammener Ali devant lui afin de lui dire que la suite du procès serait le 24 septembre 2012 et ces policiers n’ont pas compris ce que le juge avait demandé. Ils ont violemment poussé Ali vers la sortie, j’étais offusquée, comment ont-ils pu le pousser comme ça? N’est-il pas un être humain avant tout? Des vrais sauvages! Ce geste qu’a subit Ali m’est resté au travers de la gorge, je revois cette scène à chaque fois que je ferme les yeux.
La famille ainsi que la délégation ont dénoncé cet acte là et le juge a crié en demandant de le ramener devant lui.
Ali est revenu et on lui a expliqué ce que ses avocats ont décidé et Ali a du retourné en cellule, on a tous dit aurevoir à Ali en scandant des mots de soutien tel que ne lâche pas, on est la pour toi, Dieu est Notre Meilleur Garant. On n’a même pas pu lui dire convenable aurevoir vu que les policiers ne se sont pas gênés de le repousser une deuxième afin que Ali ne nous salue pas.
Ce 18 juin, j’ai pu enfin revoir Ali et lui montré que je suis derrière lui, que je ne l’ai pas oublié et je n’oublierai jamais.
Le lendemain matin, on a du faire nos valises car on retournait en Belgique. J’avais le coeur noué en laissant Ali derrière nous, maintenant je comprends la tristesse de Farida et de Sarah. En arrivant à l’aéroport, on passe les check-in et on arrive à la douane. Je donne mon passeport belge et ma carte d’identité belge, tout va bien jusqu’à ce que le policier me somme de faire ma carte nationale! Je lui ai dit non merci, j’ai déjà la belge et il me dit, si tu veux passer la prochaine fois, tu as intérêt à la faire! Je lui ai dit que je fais ce que je veux et si un jour je perds la tête, je ferais la carte nationale mais aujourd’hui j’en ai pas besoin! J’étais contente de quitter ce douanier!
En espérant qu’à la prochaine délégation, nous serons plus nombreux à aller voir notre frère emprisonné et malade. Il est notre frère à tous et à toutes, c’est le moment de montrer notre solidarité envers Ali ainsi qu’à sa famille. Et n’oubliez jamais que si aujourd’hui c’est Ali qui subit une injustice, qui sait demain cela peut-être moi, vous même ou un de vos proches ou une de vos ami(e).
Je dédie ce récit à Ali, à cet homme que je considère comme un oncle, qui est mon exemple de patience. Un exemple pour tous et toutes.
Qu’Allah Azzawajaal te libère de cette injustice et qu’Il te guérisse.
Free Ali Aarrass Now!
Hanane Loukili