Photo : Abderrahman Benyahia, porte parole de la commission islamique de Melilla, et Farida Aarrass dans la manifestation de solidarité des familles de détenus devant le tribunal de Rabat le 9 avril 2012.
Il est 9h20, nous pressons le pas car l’audience à commencé à 9 h…
N’étant pas sûr d’entrer dans la bonne salle, je souhaite passer discrètement la tête, en espérant reconnaître quelqu’un de la délégation belge.
Le garde à la porte me presse pour entrer,( je n’ai pas le temps de lui expliquer que je n’étais pas certaine d’être au bon endroit,) qu’il me répond sans hésitation! « C’est pour Ali Aarrass, c’est bien ici ! «
Surprise, je me suis demandée : » Sommes-nous si reconnaissables ? Je veux dire les personnes soutenant Ali ou venant de l’étranger ? «
Dans tout les cas, c’était bien là !
Je rejoins les autres d ‘un pas pressé ( sans détourner le regard) nos amis étaient assis au premier rang, une fois installée, je tourne le visage vers la gauche et je revois la grande cage en verre des prisonniers, la cage était pleine de détenus, des prisonniers de droits communs, paraît-il !
Ali était là, perdu parmi eux, je ne l’avais pas reconnu tout de suite tellement il y avait de monde.
Je regarde bien ces hommes, pour la plupart des jeunes gens, entre 17 et 25 ans.
A leur apparence, on pouvait facilement deviner leurs conditions sociales..
On pouvait facilement deviner s’ils étaient riches ou pauvres, s’ils avaient été scolarisés ou pas, s’ils avaient une formation ou un travail..
Il y a la jeunesse dorée au Maroc, mais dans cette cage il y avait un échantillon de la jeunesse misérable des quartiers populaires ou des bidonvilles du Maroc.
Derrière moi, des mères inquiètes, elles aussi reflétaient la classe sociale dont elles faisaient partie… Je vous laisse deviner.
Anxieuses, elles nous racontaient que leur enfant n’était pas si mauvais, pas coupable de « tout » ce qu’on leur reproche, victime de mauvaises fréquentations, ou de manque de chance..
Moi, je me disais c’est la faute à la pauvreté !!!
A Rabat, à New-York ou à Bruxelles, les prisons sont remplis de victimes d’une politique sociale discriminante, injuste et profondément égoïste.
Les détenus de droits communs quittent la salle, reste Ali seul mais beau, droit et fier…
Sa posture n’a rien avoir avec les autres condamnés, il regardait ses accusateurs droit dans les yeux sans courber la tête…
L’avocat plaide, le procureur et le juge lève le ton.. On ne comprend rien !!! Le procureur demande une suspension d’audience ( 5 min)….
Que s’ est-il passé ?
L’avocat d’Ali détient un document officiel signé par le Ministre de la Justice stipulant qu’une enquête pour torture est en cours… Le procureur n’est au courant de rien… Dysfonctionnement ? Mauvaise communication entre le Ministère et ses Magistrats ? ou tout simplement orgueil et mauvaise foi ?
1h30 plus tard, les juges et le procureur sont de retour, on appelle Ali à la barre et là moment surréaliste…Tous les policiers, en civils, en uniforme, les gardes se regroupent autour des juges, d’Ali et ses avocats… On dirait que le temps s’est arrêté un instant, tous les policiers et les gardes en ont oubliés leur fonction un instant, que ce qui allait suivre relevait vraisemblablement du jamais vus !
Et c’est donc accoudés sur les bancs que policiers, gardes en civils ou en uniforme ont écouté avec attention la suite du procès….Un tableau surprenant que l’on peut probablement vivre qu’au Maroc…
Amina Amadel