Quand l’état belge vous laisse tomber….
Chambre des représentants – Commission des Relations extérieures
Réunion du 29 novembre 2010 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 53 – COM 0051)
21 Question de Mme Zoé Genot au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles sur « l’extradition vers le Maroc d’un ressortissant belge détenu en Espagne » (n° 1025)
21.01 Zoé Genot (Ecolo-Groen!): Monsieur le président, un ressortissant belge est détenu depuis deux ans en Espagne et fait l’objet d’une demande d’extradition formulée par le Maroc dans le cadre de la Cellule Belirej. Cette personne, qui a la double nationalité belgo-marocaine, a fait son service militaire en Belgique et a toujours vécu en Belgique ou en Espagne. Il est à noter que, suite aux enquêtes menées en Espagne du chef d’infractions aux lois antiterroristes, aucune charge n’a été retenue contre elle.
Il est plus que probable que ce ressortissant belge, une fois extradé au Maroc, fera l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, la Commission arabe pour les droits humains avec Amnesty et Human Rights Watch pointent que, dans le cadre de dossiers de terrorisme, de nombreux faits de torture et de maltraitance sont signalés et que l’obligation de signer des déclarations qui seront ensuite utilisées dans le cadre d’une procédure pénale n’est pas rare.
La Belgique a d’ailleurs refusé toute extradition dans le cadre du dossier Belirej. Par ailleurs, la Belgique a aussi refusé d’extrader et d’éloigner vers le Maroc des ressortissants marocains en raison du risque de torture encouru pour les personnes soupçonnées d’appartenir à un groupe terroriste.
Monsieur le ministre, avez-vous évoqué ce dossier avec les autorités espagnoles?
Ne trouvez-vous pas logique que les ressortissants belges détenus à l’étranger bénéficient du même niveau de protection de leur droit à la vie et à l’intégrité physique que les Belges et les étrangers détenus en Belgique?
Avez-vous l’intention d’intervenir diplomatiquement pour que ce ressortissant belge détenu en Espagne ne soit pas extradé vers le Maroc?
Étant donné que la prohibition de la torture est une norme internationale impérative de protection des droits de l’homme, n’estimez-vous pas nécessaire d’intervenir en faveur d’un ressortissant belge, même en matière d’extradition, dès lors qu’il est admis que le principe de non-ingérence dans les affaires internes ne s’applique pas lorsqu’il est question d’une violation manifeste des droits fondamentaux et que vous disposez du pouvoir de réaliser une démarche diplomatique?
Envisagez-vous de donner des instructions pour que cette personne reçoive enfin la visite du consul et puisse lui expliquer de vive voix ses problèmes et/ou demandes d’assistance particulières?
21.02 Steven Vanackere, ministre: Monsieur le président, madame Genot, je n’ai pas évoqué le dossier d’extradition avec mon collègue espagnol car il n’est pas d’usage que la Belgique intervienne dans une procédure d’extradition entre pays tiers même lorsque cette dernière concerne un ressortissant national. De plus, j’ai entière confiance dans les garanties que le système judiciaire espagnol offre au niveau des procédures d’extradition et du respect des droits de l’homme. Il prévoit, en effet, des possibilités d’appel et ce, jusqu’au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme en cas de non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme.
Vu ce qui précède, je n’entreprendrai pas de démarche qui pourrait être interprétée par mon collègue espagnol comme une ingérence dans des affaires internes et surtout comme un manque de confiance dans le système judiciaire espagnol.
Pour ce qui concerne votre question relative à une visite du consul, l’assistance aux Belges détenus à l’étranger ne prévoit pas l’organisation de visites consulaires dans les pays de l’Union européenne. Cet élément est d’ailleurs précisé sur le site de mon département.
Enfin, vous avez dit que « la Belgique a refusé toute extradition dans le cadre du dossier Belirej ». En réalité, début 2010, le SPF Justice a autorisé l’extradition d’un ressortissant algérien dans le cadre de ce dossier.
21.03 Zoé Genot (Ecolo-Groen!): Monsieur le ministre, comme je le précisais dans ma question, il n’y a eu aucune extradition vers le Maroc. Dans le cadre des dossiers terroristes, aucune extradition n’a été faite vers le Maroc. En effet, les observateurs dénoncent la façon dont les enquêtes s’y déroulent et le danger que cela représente.
Pour notre part, nous sommes très inquiets pour ce jeune belge détenu en Espagne car il semblerait que l’extradition aura effectivement lieu.
Je suis quelque peu étonnée lorsque vous dites que vous n’entreprendrez rien. En effet, votre collègue Stefaan De Clerck, qui était interrogé par Fouad Lahssaini en mars 2010, lui répondit qu’il était clair que nous pouvions suivre le dossier au niveau de la diplomatie parce qu’il s’agit d’un Belge, mais que, pour le reste, nous ne nous mêlions pas de la justice étrangère.
S’il est normal que nous ne nous occupions pas de la justice étrangère, j’estime que lorsqu’il y a atteinte aux droits fondamentaux comme le risque de torture, la défense d’un ressortissant est fondamentale. Ce point mériterait donc au moins un échange de vues avec les instances diplomatiques espagnoles.
21.04 Steven Vanackere, ministre: Tout à fait. Cela vaut aussi pour un État membre de l’Union européenne tel que l’Espagne. Les principes que vous évoquez valent tout autant pour les collègues espagnols.
21.05 Zoé Genot (Ecolo-Groen!): C’est ce que je pensais mais je pensais aussi que l’Espagne n’allait pas extrader vu qu’elle était aussi soucieuse que nous des droits fondamentaux. Manifestement, ce n’est pas le cas. Je voudrais qu’un contact soit établi, au minimum avec la personne concernée. Je ne vois pas pourquoi, sous prétexte que nous sommes en Union européenne, il n’y aurait pas d’assistance consulaire. Quand quelqu’un est menacé de torture, la moindre des choses est une visite.