Baudouin Loos du journal Le Soir : « Ali Aarrass: toujours pas d’aide consulaire belge » (26 février 2014)

dans DANS LA PRESSE par

photo : janvier 2014, une délégation du parlement belge en visite au Maroc

visite parlementaire belge au Maroc

Mis en ligne www.lesoir.be (payant) mercredi 26 février 2014, 18h41

Malgré une décision de la justice belge en référé datant du 3 février dernier, le ministère belge des Affaires étrangères continue à refuser l’assistance consulaire au Belgo-Marocain Ali Aarrass condamné à 12 ans de prison pour terrorisme en 2011 au Maroc. Petit rappel factuel des faits : Ali Aarrass, arrêté en Espagne en 2008 y est l’objet d’une enquête d’un an pour soupçons de terrorisme. Il bénéficie finalement d’un non-lieu l’année suivante mais Madrid l’extrade néanmoins en décembre 2010 vers le Maroc. Torturé pendant plusieurs jours (des faits actés dans un rapport de l’ONU dont un représentant a pu lui rendre visite en 2012), il signe des « aveux » rédigés en arabe, langue qu’il ne maîtrise pas. De 15 ans en première instance, sa condamnation est passée à 12 ans en appel.

Depuis lors, Ali Aarrass est incarcéré dans la prison de Salé 2, près de Rabat, où il subit divers mauvais traitements qui le poussent à faire une grève de la faim en juillet 2013. Les Affaires étrangères belges lui refusent l’assistance consulaire, mais le ministre Didier Reynders, devant l’ampleur médiatique que prend l’affaire, se décide à demander, « à titre humanitaire » et non consulaire, des éclaircissements sur son sort à son collègue marocain. Pendant quelques semaines, la condition carcérale du prisonnier s’améliore quelque peu.

Mais ses ennuis reprennent bien vite et Ali Aarrass (soutenu par sa sœur Farida à Bruxelles), qui insiste pour bénéficier de cette assistance consulaire belge, finit par porter son cas devant la justice belge. Siégeant en référé, le tribunal de première instance de Bruxelles lui donne raison le 3 février 2014 et assortit sa sentence du terme « exécutoire » (applicable sans délai). Les Affaires étrangères, défendues par Me Nicolas Angelet, professeur à l’ULB en droit international diplomatique et consulaire, décident sans surprise de faire appel de cette décision.

consular-protectionDe sa prison à Salé, Ali Aarrass écrit au consul général de Belgique à Casablanca le 17 février, une lettre qui énumère une série de mauvais traitements et de brimades qu’il dit subir au quotidien et qui lui demande l’aide consulaire (en termes concrets, une visite). Le consul général, Alain Van Gucht, ne réagit pas. Farida Aarrass et quelques amis lui écrivent pour demander d’intervenir et il répond ceci : « Je regrette de vous informer de ce que ce poste n’est en l’occurrence pas compétent. »

« Nous n’avons pas reçu notification de la décision de justice » Autrement dit, les Affaires étrangères n’ont pas notifié au consul général belge à « Casa » la décision de justice pourtant exécutoire qui leur a donné tort. Contactées par nos soins ce mercredi 26 février, un porte-parole des Affaires étrangères belges nous dit ceci : « Nous avons bien l’intention de suivre le droit, mais nous n’avons pas reçu notification de la décision de justice par huissier comme le prévoit la loi. Sur le fond, notre position n’a pas varié, nous nous opposons à l’obligation d’assistance consulaire pour deux raisons dans ce cas précis : 1. nous estimons que l’assistance consulaire n’est jamais un devoir de l’État belge mais que celui-ci jouit du pouvoir discrétionnaire de décider de l’octroyer ; 2. dans la pratique, pour les binationaux incarcérés dans l’autre pays dont ils sont porteurs de la nationalité, nous refusons dans tous les cas cette assistance. C’est ce que nous plaiderons encore en appel ».

L’un des trois avocats d’Ali Aarrass à Bruxelles, Me Dounia Alamat, s’étonne de ces explications : « Nous n’avions pas demandé au tribunal d’assortir sa décision d’astreintes en cas de non-exécution de sa décision car nous ne pensions pas qu’un ministère belge refuserait d’appliquer une décision de la justice belge. Évoquer l’absence de signification de la décision par un huissier me semble de bien mauvaise foi alors que la décision est exécutoire. Un huissier coûterait en outre cher à la famille ».

Mise au courant par nos soins de l’argument des Affaires étrangères, Farida Aarrass a décidé de faire parvenir le jugement du tribunal des référés par voie d’huissier. Quant à l’appel, toujours en référé, il débutera le 21 mars à Bruxelles par une audience introductive, nous confie Me Alamat.

Zoé GenotLes Affaires étrangères ont bien l’intention de se battre jusqu’au bout pour ne pas voir consacrer une nouvelle jurisprudence en la matière. Didier Reynders en avait donné la raison principale lors d’une interpellation de la députée Zoé Genot (Ecolo) le 29 janvier dernier en commission des Affaires étrangères : « Comptant des centaines de milliers de ressortissants ayant une double nationalité, la Belgique ne souhaite pas créer de précédent en cette matière. Les pays auxquels nos ambassades exigeraient un droit d’assistance consulaire envers des bipatrides pourraient en effet invoquer la réciprocité sur le territoire belge ».

« Abdelkader Belliraj, perpétuité en 2008 et Ali Aarrass, 12 ans en 2011 : pour justifier les activités policières marocaines en dehors Maroc ??? »

dans DANS LA PRESSE par

Reynders Di Rupo accord avec le Marocphoto : www.infomediaire.ma : le 18 février 2014, signature de nouveaux accords entre la Belgique et le Maroc, notamment une nouvelle convention de coopération en matière de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme

Un article de Baudouin Loos.

 « En Belgique, Rabat veut contrôler » (Le Soir du 22 février 2014)

 Comment contrôler l’immigration? Cette question s’est posée au Maroc dès les années 1960 et le roi Hassan II, à l’époque, n’a pas hésité à investir dans cette tâche. Objectif: maintenir les immigrés dans le giron de son pouvoir, les détourner de la politique et, si possible, faire taire par l’intimidation les opposants exilés.

 Ecoutons Mustapha Halla, de Charleroi, un ancien prisonnier politique: «A l’époque, le Maroc envoie, dans toutes les nations où résident des immigrés marocains, des sortes de milices privées nommées les Amicales. Celles-ci ont pour mission d’empêcher leurs congénères de participer à toute forme d’organisation syndicale ou autre organisation de la société civile ainsi que de se faire naturaliser. Ces milices sont actives à partir des années 60 jusque dans les années 90. Ceci n’a évidemment pas favorisé l’intégration, que du contraire. Cette même stratégie se poursuit actuellement par le biais des mosquées.»

 Le royaume chérifien ne lésine pas sur les moyens et on sait que des éléments de la Direction générale des études et de la documentation (DGED, soit les services de renseignement) sont également mis à contribution quand la sécurité du royaume est jugée en cause. La Belgique avait demandé en 2008 le renvoi au Maroc de trois agents du DGED en raison de leur «ingérence» et autres «activités hostiles»…

 Certaines mauvaises langues vont jusqu’à affirmer que les dossiers qui ont abouti au Maroc aux lourdes condamnations pour terrorisme de deux Belgo-Marocains, Abdelkader Belliraj (perpétuité en 2008) et Ali Aarrass (12 ans en 2011), n’avaient d’autres raisons que de justifier aux yeux des Belges les activités policières marocaines en dehors du territoire national. Ces allégations ne peuvent être prouvées, mais les deux enquêtes fondant ces procès et verdicts au Maroc ont attiré la suspicion, les deux hommes ayant notamment affirmé avoir été torturés…

 Amicales, peu amicales, mosquées sous influence, espions zélés: faut-il s’étonner, dans ces conditions, qu’une certaine peur continue à régner chez les Belges de souche marocaine? «La plupart des Marocains de Belgique, explique Radouane el-Baroudi, caméraman-réalisateur et fils d’un opposant notoire décédé en exil en Belgique en 2007, sont issus de couches immigrées peu éduquées, souvent analphabètes à l’arrivée ici. Chez eux, la peur subsiste en Belgique encore maintenant. Dans la communauté marocaine, on ne cause pas de politique. On peut parler d’omertà. La peur est dans le code génétique des Marocains de Belgique depuis Hassan II.»

 Il faut dire que les méthodes, même encore maintenant, peuvent faire réfléchir. «Moi je fais un travail d’archivage de témoignages sur vidéo, poursuit Radouane el-Baroudi. Par exemple, j’ai interrogé les frères Boureqat, victimes du terrible bagne de Tazmamart dans les années 70. Eh bien! on me conseille de me calmer. Ou on passe tout simplement aux menaces: sur YouTube en avril 2011, il y a eu diffusion de mon nom, mon adresse, mon téléphone avec ce commentaire: Ce traître veut semer la zizanie au Maroc. J’ai porté plainte et la police a pris l’affaire très au sérieux. Il y a quand même eu l’agression en 2010 en plein boulevard Lemonnier à Bruxelles d’Ahmed Marzouki, autre rescapé de Tazmamart…»

 Le comédien et metteur en scène Sam Touzani abonde dans ce sens. Il se souvient par exemple qu’en 2005, le directeur… d’origine marocaine du Mrax (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie), Raoudane Bouhlal, avait reçu une lettre officielle du consul du Maroc lui demandant de retirer du site de l’organisme une interview de l’acteur…

 Mais les moyens de contrôle se révèlent aussi plus «soft». Ainsi en est-il des efforts constants de récupération par le Palais des dizaines d’élus issus de l’immigration marocaine. «La grande majorité des élus d’origine marocaine sont courtisés par Rabat, où ils sont reçus, constate Radouane el-Baroudi. En 2011, des mosquées ont été utilisées pour le référendum sur la Constitution, ce n’est pas normal.»

 Sam Touzani confirme: «Depuis que les immigrés ont le droit de vote, le Maroc s’assure l’allégeance des élus d’origine marocaine, il n’y a que cinq d’entre eux qui refusent cette mascarade. Il y a des élus qui sont des agents marocains dans les trois grands partis traditionnels. Mais des Belges y participent aussi, comme Philippe Moureaux, qui a organisé naguère des soirées en faveur de la marocanité du Sahara occidental payées par des deniers belges!»

 L’histoire personnelle de Touzani est frappante: «En 1972, ma mère s’était rendue avec une grande sœur au consulat du Maroc à Bruxelles pour obtenir des cartes d’identité. Là, on a exigé un bakchich et ma maman, indignée, a refusé. Des gorilles ont surgi, les ont giflées devant tout le monde puis les ont traînées dans les caves pour les tabasser avant de finir par les jeter sur le trottoir. Personne n’avait levé le petit doigt pour elles. Elles ont dû aller à l’hôpital, ont porté plainte, et ensuite subi des menaces pendant des semaines de flics marocains en civil. J’avais 4 ans. J’ai été marqué à vie. C’est mon héritage.»

 BAUDOUIN LOOS

« Le Soir », des samedi 22 et dimanche 23 février 2014. »

La lettre d’Ali Aarrass au Consul belge : « SOS d’un ressortissant belge » (17 février 2014)

dans ACTIONS/Lettres/Letters/Brieven par

 

50 ans immigration en BelgiqueS.O.S. D’ UN RESSORTISSANT BELGE !

Monsieur le consul,

Moi, Ali Aarrass je vous fais savoir qu’actuellement on continue à me maltraiter, à me menacer, à me harceler et à m’empêcher de dormir.

Je suis privé de mon courrier (tout ne me parvient pas). On m’empêche d’écrire à ma famille ainsi qu’aux avocats. Les très rares fois que je les vois au parloir, on m’interdit toute forme d’échange confidentiel.

Lorsque je passe des appels téléphoniques, je n’ai droit à aucune intimité. Un ou plusieurs gardes se postent à mes cotés pour entendre la discussion et on m’oblige à m’exprimer en une seule langue.

Dans ma cellule, il y va de même pour ce qui est de l’intimité et suis soumis au quotidien à une forme d’humiliation dégradante, constante, provocatrice et psychologiquement destructrice.

Ils me rendent la vie impossible !

Etant donné que je ne bénéficie d’aucun suivi médical, ma santé se détériore de plus en plus, tant au niveau physique que mental.

Je subis tous les jours du racisme, une discrimination raciale continue, et mes droits les plus fondamentaux me sont amputés.

Monsieur le consul, ne disposant d’aucun revenu et étant donné que je n’ai pas de famille au Maroc, je ne peux recevoir d’aide alimentaire comme d’autres détenus. Je me vois donc contraint de compter sur la nourriture de la prison qui est immangeable et malsaine, mais je la mange pour survivre.

Comme si tout ce qu’ils me font vivre ne suffisait pas, ils vont jusqu’à utiliser ce moyen pour davantage me discriminer. La nourriture est le droit le plus élémentaire et pour très abjecte qu’elle soit ici, c’est devenu un luxe auquel je ne peux accéder que de manière très rationnée. Les meilleures portions étant mises de coté par les gardiens, dans le but d’en tirer un profit auprès des détenus jouissant d’un traitement de faveur.

Monsieur le consul, sachez que depuis 2008 j’ai été privé arbitrairement de ma liberté, j’ai vécu et vit toujours dans l’isolement sous un régime très stricte de haute sécurité. J’ai subi les pires atrocités en matière de torture… J’ai survécu à l’innommable et tente jour après jour de résister tant bien que mal et ça malgré toute l’injustice qui m’a été faite.

Monsieur le consul, à ce jour à ma demande de cassation auprès de la Cour de Rabat, introduite par mes avocats conseils, il n’y a toujours pas de date fixée.

Cela démontre que je ne bénéficie pas de recours effectif au Maroc et demande une intervention de votre part.médaille 20 km II

Je vous serais gré de me venir en aide en m’apportant l’aide consulaire qui m’est due, compte tenu de la situation dramatique dans laquelle je me trouve.

Monsieur le consul, en espérant que vous donnerez suite à ma requête, veuillez agréer mes très sincères salutations.

Le 17 février 2014

Ali AARRASS

« Ali, Bahar et les 50 ans », par Henri Goldman (16 février 2014)

dans DANS LA PRESSE/DOUBLE NATIONALITE/EXTRADITION par

Ils sont belges tous les deux. Mais pas que, puisque Ali Aarass est aussi marocain et que Bahar Kimyongür est aussi turc. Ils ont donc deux nationalités. Pour beaucoup, cette bigamie citoyenne est une source de problèmes. Attaché à la citoyenneté de résidence (= on a des droits là où on vit), il ne m’a jamais semblé indispensable, quand on s’intéresse à un autre pays, fut-il celui de ses origines, d’en posséder le passeport. Mais surtout, ce qui est insupportable, c’est de ne pas avoir le choix et de se retrouver « génétiquement » le sujet d’un État, soumis à son Souverain et à son statut personnel rétrograde, contre son gré et sans pouvoir y échapper. Et que cette « nationalité contrainte » soit entérinée par le droit international, ou du moins par la lecture que certains en font. Comme Didier Reynders, notre ministre des Affaires étrangères.

 

 

 

 

À la suite d’une longue saga judiciaire, Ali Aarass est aujourd’hui détenu dans la prison de Salé-Rabat, dans un pays où il n’a jamais vécu. La Belgique lui refuse obstinément l’assistance consulaire, au nom de ce principe « de droit international » que les Belgo-Marocains sont seulement marocains au Maroc (et seulement belges en Belgique) et qu’on ne peut donc rien pour eux là-bas. Que les Belgo-Marocains dont il est question soient souvent marocains contre leur gré ne trouble pas notre ministre.

Autre principe de droit international : on n’extrade pas ses nationaux. Ali Aarass a été extradé en 2010 à la suite de son arrestation en Espagne en 2008. Vers le Maroc et dans l’indifférence de la Belgique, qui ne voulait pas faire obstacle à la volonté de la police de Mohamed VI d’en faire un terroriste. Avec Bahar Kimyongür, la complaisance s’est muée en complicité puisqu’en 2006, un véritable traquenard a été organisé par l’entourage de Laurette Onkelinx, alors ministre de la Justice, pour que la police néerlandaise arrête le ressortissant belgo-turc lors d’une escapade aux Pays-Bas en vue de son extradition vers la Turquie. Mais, contrairement aux autorités espagnoles vis-à-vis d’Ali Aarass, la Justice néerlandaise ne se prêta pas à ce petit jeu. Bahar Kimyongür est aujourd’hui assigné en résidence en Italie, après avoir été intercepté en Espagne, toujours sous le coup du même mandat d’arrêt international lancé par la Turquie et que la Belgique n’arrive pas à casser. Pour autant qu’elle essaie… [1]



Dans ces deux cas, les autorités belges se sont prêtées à des manœuvres douteuses pour faire plaisir à des États qui ne sont ni l’un ni l’autre des modèles en matière de respect des droits fondamentaux. Si j’y reviens aujourd’hui, c’est parce que la Belgique célèbre en ce moment les 50 ans de la convention d’immigration belgo-marocaine, comme elle le fera dans quelques mois pour la convention belgo-turque. Après 50 ans, il est bien temps de reconnaître que les citoyens issus de ces deux grandes immigrations sont des Belges à 100% et qu’il faut donc cesser de sous-traiter systématiquement leur sort à des pays d’origine qui s’octroient le droit régalien de régenter leurs vies, comme on s’apprête encore à le faire avec une énième réforme de l’exécutif des musulmans de Belgique remis sous la coupe de l’« islam des ambassades ».

•••

 

[1] Voir sur le site du Clea.

SOURCE

« Maroc : L’ONU demande la libération immédiate d’Ali Aarrass », écrit par Alkarama Jeudi, 13 Février 2014

dans AVOCATS/COMMUNIQUES DE PRESSE/ORGANISATIONS POUR LES DROITS DE L'HOMME / FOR HUMAN RIGHTS/SANS CATEGORIES/TORTURE par

AlkaramaSaisi par Alkarama du cas d’Ali Aarrass, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des
Nations Unies a confirmé le caractère arbitraire de sa privation de liberté et a appelé les
autorités marocaines à le libérer immédiatement.
A la suite de sa visite au Maroc en décembre 2013, le groupe d’experts avait déjà déclaré dans un communiqué de presse : « c’est sur la base d’aveux obtenus sous la torture que M. Ali Aarrass […] a été condamné en novembre 2011 à 15 ans de prison ferme », déclaration confirmée dans l’avis No. 25/2013 qu’il vient de rendre public.Aarrass Avis No. 25-2013 Maroc (Ali Aarrass) seul-page-001
Ali Aarrass avait été arrêté en 2008 à Melilla, en Espagne, pour suspicion de terrorisme avant d’être blanchi à la suite d’une enquête menée par la justice espagnole. L’Espagne l’a
néanmoins extradé vers le Marocen 2010 alors même que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, saisi par ses avocats, avait demandé expressément le 26 novembre 2010 à ce pays de ne pas le faire.
Ali Aarrass a donc été livré à la police marocaine le 14 décembre 2010 sans que sa famille, et ses avocats aient été informés.
Il a été détenu au secret et torturé pendant une dizaine de jours avant d’être présenté devant le parquet de la Cour d’appel de Salé et inculpé de « participation à un réseau terroriste et trafic d’armes ».
Renvoyé à plusieurs reprises, son procès s’est finalement tenu le 24 novembre 2011. Comme à son habitude dans des procès similaires, l’accusation n’a apporté aucun élément matériel ou un quelconque élément de preuve pour justifier ses poursuites sinon les procès verbaux de police signés sous la contrainte et rédigés en arabe, langue que l’accusé ne lit pas.
Le procès d’Ali Arrassa a été particulièrement expéditif. Les magistrats ont systématiquement refusé de prendre en compte les vices de procédures et les violations graves des droits de la défense de l’accusé qui a finalement été condamné à 15 années d’emprisonnement.
Sa peine a été ramenée en appel à 12 années d’emprisonnement le 1er octobre 2012, lors d’un second procès tout aussi expéditif.
A aucun moment, les juges d’Ali Aarrass n’ont tenu compte des allégations de tortures dont il leur a fait part, ni ordonné d’expertise médicale sérieuse pour en établir la réalité.
Il purge actuellement sa peine dans la prison de Salé 2 et fait régulièrement l’objet d’intimidation et de mauvais traitements de la part de l’administration pénitentiaire.
ONULe Groupe de travail onusien confirme dans son Avis qu’Ali Aarrass « a fait l’objet de tortures et de détention au secret pendant dix jours ; qu’il n’a pas eu l’assistance d’un avocat durant toute cette période ; que sa condamnation est fondée uniquement sur des procès verbaux obtenus sur la base de contrainte » et appelle le Maroc à le libérer immédiatement et à l’indemniser.
Les experts relèvent également l’absence de réponse à la communication qu’ils ont adressée
aux autorités marocaines malgré « la gravité des allégations » et regrettent « l’absence
d’expertise relative aux actes de tortures ».
Alkarama appelle les autorités du pays à mettre en œuvre cet Avis et à se conformer aux
nombreuses autres recommandations onusiennes qui invitent le Maroc à mettre un terme à la pratique de la détention arbitraire, qui constitue un passif en matière de droits de l’homme, notamment pour les centaines de personnes de personnes condamnées à la suite de procès inéquitables dans le cadre de la lutte anti-terroriste.
#FreeAliAarrass
Pour en savoir plus sur Ali Aarrass:  http://www.freeali.be/ 

Aarrass Avis No. 25-2013 Maroc (Ali Aarrass) seul-page-002

Aarrass Avis No. 25-2013 Maroc (Ali Aarrass) seul-page-003Aarrass Avis No. 25-2013 Maroc (Ali Aarrass) seul-page-004Aarrass Avis No. 25-2013 Maroc (Ali Aarrass) seul-page-005

Belgian court victory for Ali Aarrass

dans AVOCATS/FRIENDS OF ALI AARRASS LONDON SUPPORT COMMITTEE/SANS CATEGORIES/TORTURE par

aarrassportrait

by Frances Webber 

London Friends of Ali Aarrass

Excellent news for all the Friends of Ali Aarrass: a Brussels court has ordered the Belgian Foreign Affairs Ministry to provide Ali with the consular assistance he is entitled to expect as a Belgian citizen, which has been denied him throughout his ordeal.

  The torture he suffered following his illegal extradition from Spain to Morocco was confirmed by the UN Special Rapporteur in a document addressed to the Moroccan ministry of justice, published in May 2013. More recently, the UN Working Group on Arbitrary Detention confirmed that it was on the basis of confessions obtained by torture that Ali was convicted in November 2011 and sentenced to 15 years’ imprisonment (later reduced to 12).

 From the beginning of his nightmare, Ali sought the help of the Belgian government – far more his government than that of Morocco, since he was educated in Belgium, worked there and did his military service there, while he has never lived in Morocco and has no ties there save the formal tie of citizenship. But the Foreign Affairs Ministry has always refused to provide consular assistance, confirming this position most recently on 29 January 2014 in answer to a parliamentary question. The minister said that ‘humanitarian assistance’ had been provided. This referred to the occasion in August 2013 when Ali was weeks into a potentially fatal hunger and thirst strike over his treatment in prison, and the minister wrote seeking the Moroccan government’s assurance that he was being treated in accordance with human rights norms – an intervention which led to an immediate improvement in his treatment. But even then the minister indicated that this was exceptional and that he would not intervene in Ali’s conviction.

 The refusal to provide consular protection led Ali to take the case, through his Belgian lawyers, against the ministry. In argument, the ministry again denied all responsibility for Ali, while accepting that it had been aware of the allegations of torture – the torture was not committed by Belgian officials, or on Belgian territory, so was not Belgium’s problem, its lawyers said.

 In a ground-breaking judgment, delivered on 3 February, the court ordered the ministry to intervene. It ruled that the purpose of consular assistance was the effective protection of citizens’ rights abroad, and that the right to intervene could become an obligation if the embassy was aware that the citizen was alleging a breach of fundamental rights. The court affirmed that Article 4 of the Hague Convention of 1930 (which precludes diplomatic protection of a national against a State whose nationality the person also possesses) did not apply, as Morocco had not ratified it, so international law did not prevent intervention on behalf of dual nationals in this case.

 Ali, his family and friends look forward to a speedy visit by the Belgian consul in Morocco. Meanwhile, they thank supporters for helping to make the legal case possible.

 Funds are still needed to enable the family to continue visiting Ali in Salé II prison and for the legal case in the Moroccan constitutional court against his conviction. You can do an electronic bank transfer to the Friends of Ali Aarrass, account number 65583960; sort code 089299.

Thanks, and all the best –

 

Ali Aarrass : cinq ans de combat pour une victoire historique !

dans AVOCATS/COMMUNIQUES DE PRESSE/SANS CATEGORIES par

Victory IICommuniqué de presse du CABINET D’AVOCATS JUS COGENS : Me Dounia ALAMAT (GSM: 32.470.57.59.25 ; da@juscogens.be) – Me Nicolas COHEN (GSM : 32.470.02.65.41 ; nc@juscogens.be) – Me Christophe MARCHAND (GSM: 32.486.32.22.88 ; cm@juscogens.be)

 6 février 2014

 Affaire Ali AARRASS : Le Tribunal de première instance de Bruxelles enjoint au Ministre des Affaires Etrangères d’assurer la protection consulaire à son ressortissant, torturé et détenu au Maroc

 Depuis son extradition illégale vers le Maroc[1], le 14 décembre 2010, Ali AARRASS, citoyen belge, clame qu’il a fait l’objet d’abominables tortures.

 Ces actes barbares ont été confirmés dans un courrier de décembre 2012, adressé par le Rapporteur spécial des Nations-Unies contre la torture au Ministre de la Justice marocain, et rendu public en mai 2013[2].

 Tout récemment encore, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies avait constaté que « c’est (…) sur la base d’aveux obtenus sous la torture que M. Ali Aarrass (…) a été condamné en novembre 2011 à 15 ans de prison ferme »[3].

 Depuis son incarcération au Maroc, Ali AARRASS sollicite que la Belgique lui prête secours et assistance, au travers de l’aide consulaire.

 Toutefois, le Ministre des Affaires Etrangères n’a jamais donné de suite favorable à sa demande. Ce 29 janvier 2014, interpellé par la Député Zoé GENOT, le Ministre des Affaires Etrangères a réaffirmé qu’il n’accorderait pas la protection consulaire à son ressortissant[4]. Concernant l’ « assistance humanitaire », il a expliqué qu’elle avait été exercée, sans expliquer les raisons pour lesquelles il estimait pouvoir clôturer son intervention vis-à-vis d’Ali AARRASS, toujours victime d’une peine et de traitements inhumains et dégradants.

 Suite aux refus répétés et injustifiés de lui venir en aide, Ali AARRASS a cité le Ministre des Affaires Etrangères en justice afin de le contraindre à lui apporter l’assistance consulaire.

Victory Dans un jugement historique et courageux de ce 3 février 2014, le Tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en référé, a fait droit à la demande d’Ali AARRASS. Le jugement expose :

 « La protection consulaire vise principalement à la protection des droits individuels à l’étranger. Elle doit être entendue comme un mécanisme visant à ce que les droits reconnus à un individu puissent être effectivement garantis (…)

La protection consulaire est donc de nature à contribuer au respect des droits fondamentaux, comme celui garanti à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’homme (…)

 Un agent consulaire a le droit de communiquer avec son ressortissant mais ce droit peut se transformer en obligation, en vertu de l’article 1er de la Convention européenne des Droits de l’homme, si une violation à ladite Convention est alléguée et portée à la connaissance de cet Etat (…)

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 Il n’est pas contestable que ces traitements [torture] ont des répercussions sur l’état de santé mental et physique de M. AARRASS qui nécessiterait un suivi médical, actuellement. Cette seule circonstance justifie l’intervention du tribunal des référés. L’urgence ne peut être déniée lorsqu’une situation, qui est le fait de la violation de règles fondamentales qui ont trait aux Droits de l’homme empire par l’effet du temps (…)

 L’article 4 de la Convention de la Haye du 12 avril 1930 (..) ne règle pas les droits des parties au litige puisque le Maroc n’a pas ratifié ladite Convention (…)

 Prima facie, il n’existe aucune règle de droit international qui contraint l’Etat belge à ne pas intervenir dans le cas d’un binational (…)

 Il n’est pas contesté que l’Etat belge a apporté une intervention consulaire/humanitaire à l’égard de doubles ressortissants dans l’autre Etat de leur nationalité, même si les circonstances de l’intervention de l’Etat sont différentes d’une affaire à une autre (…)

 PAR CES MOTIFS (…)

 Enjoignons à l’Etat belge d’apporter sa protection consulaire à M. Ali AARRASS »

Victoire C’est la première fois dans l’histoire judiciaire belge qu’un double national obtient d’un Tribunal l’ordre de protéger son ressortissant hors de la Belgique. Face au calvaire subi par Ali AARRASS, il était temps que soit rappelé au Ministre des Affaires Etrangères qu’au XXIème siècle, on ne transige pas avec les droits fondamentaux pour d’obscures raisons, même quand il s’agit de préserver de bonnes relations avec le Royaume Chérifien du Maroc.

 Le jugement de ce 3 février 2014 est exécutoire.

 La famille, les proches et la défense d’Ali AARRASS espèrent dès lors qu’une visite du Consul belge au Maroc sera rapidement effectuée et que la Belgique prendra enfin ses responsabilités dans cette triste affaire.

 [1] Extradition réalisée par l’Espagne en contrariété avec une injonction du Comité des droits de l’homme de l’ONU du 26 novembre 2010, compte tenu du risque de torture encouru.

 [2] Voir pièce jointe

 [3] « Déclaration lors de la conférence de presse du Groupe de travail sur la détention arbitraire à l’issue de sa visite au Maroc », 18 décembre 2013, http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=14121&LangID=F (en annexe)

 [4] Chambre des représentants, Commission des Relations extérieures, Réunion du 29 janvier 2014, CRIV 53 – COM 0913

 

 

Réponse de Didier Reynders (MR) à la question de Zoé Genot (ECOLO) sur Ali Aarrass (29 janvier 2014)

dans ACTIONS/AU PARLEMENT par

Zoé GenotAli Aarrass et binationalité : « Quand on veut manger à tous les rateliers » sermonne De Donnea (MR).

 

Le Ministre Reynders persiste à refuser l’assistance consulaire, invoquant une fois de plus la Convention de La Haye que le Maroc n’a pas signé ! « La Belgique comptant des centaines de milliers de ressortissants ayant une double nationalité ne souhaite pas créer de précédent. » Binationaux vous voilà prévenus…

05 Question de Mme Zoé Genot au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes sur « la protection diplomatique d’un citoyen belgo-marocain » (n° 17710)

05.01 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Monsieur le président, monsieur le ministre, nous avons déjà évoqué cette situation plusieurs fois. Ma question date de mai 2013 mais elle est malheureusement toujours d’actualité.

Permettez-moi de vous interroger à nouveau sur la situation de ce citoyen belgo-marocain extradé en décembre 2010 d’Espagne vers le Maroc, contre l’avis du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. Ce ressortissant belge aurait été victime de torture, n’aurait pas eu droit à un procès équitable et a été condamné à douze ans de prison ferme, sur base d’aveux qui auraient été obtenus sous la torture et rédigés dans une langue qu’il ne maîtrise pas.

Les tortures subies au Maroc ont été attestées par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans un rapport daté du 14 décembre 2012. La situation de ce jeune a empiré. Depuis la visite du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, il a été harcelé et isolé. Ses proches n’ont plus eu de nouvelles pendant certaines périodes.

De plus, la plainte pour torture déposée par ce prisonnier belge n’a fait l’objet d’aucune enquête approfondie, indépendante et impartiale. Après avoir été classée sans suite, l’enquête menée par le procureur du Roi a été mystérieusement réactivée et a duré seulement deux jours. Ceci afin, semble-t-il, de permettre au Maroc de dire au Comité contre la torture des Nations unies qu’une enquête avait bien été menée.

Toutefois, des médecins anglais et marocains, experts en matière d’évaluation des séquelles de la torture, ont affirmé que l’expertise déposée par le Maroc était totalement bâclée et non conforme aux standards internationaux les plus élémentaires. Quant à la plainte avec constitution de partie civile introduite par notre ressortissant, elle a été déclarée irrecevable parce que les auteurs de torture n’ont pas été directement nommés. Ce qui est bien évidemment impossible pour ce ressortissant belge, victime de coups par des agents de l’État marocains qui ne se sont pas identifiés préalablement.

La situation de ce citoyen belgo-marocain demeure, en outre, préoccupante car il ne reçoit pas les soins médicaux dont il a besoin, il continue à faire l’objet de menaces directes et de traitements inhumains et dégradants (intervention de personnes cagoulées dans sa cellule, mise à nu, menaces d’extraction vers un lieu inconnu, etc.). Tout cela est totalement contraire à la Convention contre la torture des Nations unies, pourtant ratifiée par le Maroc.

Dans votre réponse à ma question orale posée le 7 mars 2012 en commission, ainsi que dans votre réponse à mon courrier daté du 12 avril 2013, vous invoquez la Convention de La Haye du 12 avril 1930, signée par la Belgique, pour ne pas octroyer d’assistance consulaire à ce ressortissant belgo-marocain.

Monsieur le ministre, comme le Maroc n’est pas signataire de cette Convention, pourriez-vous indiquer en vertu de quelle norme juridique la Belgique serait liée à l’égard de l’État marocain quant à sa non-intervention consulaire à l’égard d’un de ses ressortissants, victime de traitements contraires à des règles de jus cogens, comme l’est l’interdiction absolue de la torture ?

Tout en admettant que le Maroc pourrait refuser de donner suite à une demande de la Belgique, pourriez-vous demander à notre ambassade au Maroc d’effectuer une visite à ce ressortissant en prison et de lui apporter l’assistance consulaire nécessaire ?

Turtelboom Reynders Maroc05.02 Didier Reynders, ministre : Monsieur le président, chère collègue, la réponse reste la même sur l’assistance consulaire : non. Mais, comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, nous avons pris, j’ai pris personnellement contact avec mon collègue marocain pour des démarches humanitaires en fonction des éléments qui étaient invoqués. Ces démarches ont eu lieu.

Je rappelle qu’en signant la Convention de La Haye du 12 avril 1930, la Belgique a comme beaucoup d’autres pays marqué sa volonté de ne pas accepter d’intervention consulaire étrangère sur le sol belge pour des ressortissants belges possédant une double nationalité. En effet, la coutume internationale veut que la souveraineté nationale soit respectée en cette matière.

C’est la réponse qui est fournie à chaque ambassade étrangère qui tente d’intervenir auprès de mes services pour un ressortissant belge sur le territoire belge. En général, ces tentatives d’intervention n’ont lieu que lorsque l’ambassade étrangère n’est pas au courant de l’acquisition de la nationalité belge par son ressortissant.

La Belgique, comptant des centaines de milliers de ressortissants ayant une double nationalité, ne souhaite pas créer de précédent en cette matière. Les pays auxquels nos ambassades exigeraient un droit d’assistance consulaire envers des bipatrides pourraient en effet invoquer la réciprocité sur le territoire belge.

Nous nous en tenons à cette interprétation. Cela n’empêche en rien, je le répète, des interventions dans un autre cadre humanitaire, mais non dans le cadre de la protection consulaire.

05.03 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Monsieur le président, monsieur le ministre, je ne comprends pas : comment peut-on invoquer une convention avec un pays qui ne l’a pas signée ? Dans ce cas-ci, le Maroc n’a pas signé la Convention de La Haye ; il est donc inutile de l’invoquer.

De plus, vous répétez à plusieurs reprises ne jamais intervenir quand il s’agit de binationaux. Pourtant, j’ai dans la main une lettre signée de votre main, datée du 3 mai 2013, concernant M. Éric Kikunda, belgo-congolais. Vous y écrivez : « M. Kikunda possède la nationalité belge et bénéficie à ce titre de l’assistance consulaire. Notre équipe consulaire à Kinshasa lui a rendu visite à plusieurs reprises et veille à ce que ses conditions de détention soient les plus acceptables possible. Plusieurs démarches ont également été entreprises pour veiller à ce qu’il puisse bénéficier d’un procès équitable ».

Je vous félicite donc pour votre attitude à l’égard de M. Kikunda ; c’est important que nos ressortissants, binationaux ou non, jouissent de conditions de détention convenables et de procès équitables, mais je suis très inquiète – je ne suis pas la seule – à voir les nombreux Belges d’origine marocaine qui se rendent chaque année au Maroc : ils vivent une véritable angoisse à l’idée de rencontrer un problème d’accident de roulage, de droit civil ou pénal, car la Belgique les laisserait sans aucune assistance consulaire.

C’est profondément regrettable et inquiétant, surtout qu’il s’agit d’un principe à géométrie variable pour vous.

05.04 Didier Reynders, ministre : Monsieur le président, je confirme ce que Mme Genot vient de dire. Certes, j’ai écrit une lettre parlant d’un citoyen belge, mais il n’a pas la double nationalité.

05.05 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : (…)

05.06 Didier Reynders, ministre : Non, madame ! Si vous regardez la législation congolaise, vous verrez que ce n’est pas possible.

Le président : Quand on veut manger à tous les râteliers, on se casse parfois les dents ! Avoir trente-six nationalités n’est pas nécessairement un atout dans toutes les circonstances de la vie. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas respecter les droits humains.

[Chambre des représentants – Commission des Relations extérieures – Réunion du 29 janvier 2014 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 53 – COM 0913)]

Monsieur Reynders se sert des droits de l’homme pour justifier la barbarie

dans DOUBLE NATIONALITE/LES AUDIENCES DU PROCES/SANS CATEGORIES/TORTURE par

Human rights

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 10 janvier dernier, avec une cinquantaine d’ami(e)s, je participais à l’audience du procès en référé d’Ali Aarrass et de Farida Aarrass contre l’État belge, en la personne du Ministre Reynders. On n’y demandait pas que le Ministre fasse sortir Ali Aarrass de sa prison de Salée II, où il croupit injustement depuis quelques années. La demande était simplement d’obtenir une protection consulaire pour Ali, comme elle existe pour les Belges dits de souche. Et/ou, du moins, que le ministre s’assure régulièrement et positivement du bien-être physique et psychique de son ressortissant. Par la voie de ses avocats, monsieur Reynders a réaffirmé son refus catégorique d’assurer une protection quelconque pour Ali Aarrass qui – pour rappel- dispose de la nationalité belge depuis le 12 mai 1990, a fait son service militaire en Belgique et y a payé ses impôts comme tout le monde. Dans l’argumentation du ministre, déposé au tribunal, on peut lire, je cite : « La demande de M. Aarrass est irrecevable et non-fondée/…/ Il n’existe entre l’Etat belge et Ali Aarrass aucun lien juridictionnel/…/ Ali Aarrass ne dispose d’aucun droit à la protection consulaire en vertu du droit international ou du droit européen des droits de l’homme.. M. Aarrass ne tombe pas sous la juridiction de l’état belge au sens de l’article I de la Convention européenne des droits de l’homme. L’état belge ne pourrait de surcroît être considéré comme responsable d’une violation de l’article 3 de ladite Convention dès lors que les actes de torture allégués par M. Aarrass n’ont pas été perpétrés dans la juridiction de l’état belge et que ces actes ne sont le fait ni des agents diplomatiques, ni des agents de l’État. L’état belge ne viole enfin aucune disposition de la Convention en n’octroyant pas l’assistance à M. Aarrass puisqu’aucune obligation d’intervenir ne peut être tirée des dispositions de celle-ci. » Bref, de la part de celui qui veut devenir ministre-président de la Région bruxelloise à majorité issue de l’immigration, ou même premier ministre d’un futur gouvernement fédéral il n’y eut aucun signe d’ouverture au dialogue et beaucoup de mots pour dire non sur toute la ligne. Turtelboom Reynders Maroc

Non, il n’y a pas d’égalité entre les Belges ayant la double nationalité et les autres.

La Belgique se présente comme un pays où il n’existe que deux catégories de citoyens : ceux qui disposent de la nationalité belge et ceux qui n’en disposent pas. Contrairement aux Pays-Bas où plus d’un million de personnes sont enregistrés en tant que citoyens néerlandais disposant d’une autre nationalité, – dont plus de 250000 Marocains et autant de Turcs-, la Belgique refuse même de tenir des statistiques sur le nombre de bis-nationaux sur son territoire.
L’affaire du Belgo-marocain Ali Aarrass a démontré qu’il existe bel et bien une discrimination au sein des citoyens qui ont la nationalité belge. A l’argument qu’intervenir pour un Belge de souche mais refuser cette même intervention à un Belge ayant la double nationalité, constituerait une discrimination et une inégalité entre les Belges, le ministre répond : « Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité interdit que des personnes se trouvant dans des situations essentiellement différentes soient traitées de la même manière, lorsqu’il n’existe pas de justification raisonnable pour ce traitement égal. Or, les personnes de nationalité belge se situent objectivement dans une situation différente de celles qui possèdent une double nationalité, l’une d’entre elles fût-elle la nationalité belge.. » En d’autres termes, pour Reynders la nationalité belge des bis-nationaux n’est pas une vraie nationalité. Elle n’est qu’une nationalité à côté d’une autre. Mais, monsieur le ministre, d’autres états traitent leurs citoyens, bis-nationaux ou non, de la même manière ? Le ministre répond : « Le fait que certains états octroieraient, comme le soutient M.Aarrass, la protection consulaire à ses ressortissants – ce qui n’est d’ailleurs nullement démontrés -ne change rien à la situation de l’état belge.. »

Oui, nous étions au courant qu’Ali Aarrass a été torturé

Les choses prennent une dimension beaucoup plus dramatique quand il s’agit d’un cas de torture, subie par un citoyen belge ayant la double nationalité dans l’autre pays de sa nationalité. Là, on pourrait s’attendre à ce que le ministre mette de côté ses considérations formelles. On pourrait attendre que, dans ce cas-là, la Belgique, en tant que signataire de la « Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », prendrait ses responsabilités. Les preuves de la torture d’Ali Aarrass sont sans appel. Juan Mendez, le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture l’a confirmé dans son rapport de décembre 2012. Le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire l’a confirmé dans son rapport de décembre 2013. Rien n’y fait. Là aussi, la réponse de Reynders est sans appel.
Rappelons d’abord que le Ministère des affaires étrangères a jusqu’à présent toujours prétendu ne pas être au courant de la torture au Maroc en général et pour Ali Aarrass en particulier. Il est allé jusqu’à nier son existence. A ce sujet, vous pouvez relire les déclarations d’Olivier Chastel, Ministre du Développement, chargé des Affaires européennes, au nom du ministre des Affaires étrangères du 7 juin 2011 : « il n’est pas apparu jusqu’à présent que des prisonniers belges au Maroc ou dans d’autres prisons à l’étranger auraient été torturés. » ( ). Ou les déclarations des fonctionnaires du ministère des affaires étrangères lors d’un entretien avec une délégation de la Campagne Free Ali le 5 octobre 2011. ( ). Devant le tribunal, Reynders change de cap. Il prétend que lui et les services du ministère étaient très bien informés du calvaire subi par Ali Aarrass au Maroc. Reynders : « Les conseils de M. Aarrass ont régulièrement informé l’État belge de sa situation, ce qui tend à démontrer que l’autorité était correctement informée et qu’elle s’est prononcée en connaissance de cause. » Quant à la torture, devenue irréfutable, Reynders sort un nouvel argument. Comme la torture n’a pas été commise sur notre territoire, ni par un fonctionnaire de l’État belge à l’étranger, nous nous en lavons les mains. Ce n’est pas notre problème. Reynders  : « Ce qui se passe sur le territoire étranger (marocain en l’espèce) ne peut donc engager la responsabilité de l’état belge et ce dernier n’est pas tenu de garantir le respect des droits reconnus par la convention (contre la torture) à l’égard de M. Aarrass ».   

poster-declaration-droits-hommeReynders et la fin des droits de l’homme

La pénible impression que cette audience du procès m’aura laissée, c’est qu’on ne parlait pas d’un être humain. Monsieur Reynders et ses avocats parlaient de choses techniques, d’un objet qui s’appelle Ali Aarrass, mais  pas d’une personne en détresse. Nous avons pu entendre les avocats de monsieur Reynders citer froidement un tel article de la déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, un autre de la déclaration européenne des droits de l’homme, encore un autre de la Conventions de Vienne ou de La Haye, avec comme seul objectif : justifier l’abandon d’un homme torturé, dont les droits humains les plus fondamentaux ont manifestement été violés. En sortant de ce tribunal je me suis dit que la déclaration des droits de l’homme avait été complètement vidée de son sens soixante ans après son adoption. Elle a été réduite à une formule bureaucratique, technique, administrative dont un état se sert pour justifier son attitude injustifiable. Il ne s’agit pas seulement de monsieur Reynders, dont on pourrait dire que c’est un homme d’affaires et de business, surtout spécialisé dans le sauvetage des banquiers en tant que ministre des finances pendant plus d’une décennie (de 1999 à 2011). Mais ce n’est pas le cas. Il s’agit bien d’un glissement global de la politique. Prenons les déclarations de l’ex-ministre de la justice Van Deurzen pour justifier les situations inacceptables dans la section AIBV de la prison de Bruges. Ou les arguments pour justifier l’extradition illégale de Trabelsi par Turtelboom. Ou les arguments de Maggie Deblock pour justifier sa politique impitoyable d’expulsion des réfugiés. Tout cela se fait en déclarant devant les caméras qu’on respecte scrupuleusement la déclaration et les conventions des droits de l’homme. Et pourtant on sait que c’est faux : l’effet inhumain de leurs politiques est visible et incontestable. Des réfugiés expulsés aux détenus torturés et oubliés, les situations humainement et moralement inacceptables sont là.
Dans son article sous le titre « Less than human » sur le traitement inhumain des réfugiés à Malte1 (1), Daniela Debono plaide pour un retour aux débats sur l’article premier de la déclaration universelle des droits de l’homme. Le préambule de la déclaration dit : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde… » et dans son article premier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux  en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.. ». Elle décrit les débats qui ont duré six jours où certains pays ont voulu enlever le mot « dignité », parce que la dignité serait indéfinissable, elle n’aurait pas sa place dans une déclaration qui parle des droits etc.. Elle explique que c’est précisément cette dignité humaine indéfinissable qui est à la base et au cœur de la déclaration des droits de l’homme. Pour que celle-ci ne devienne pas une énième déclaration, une énième liste de standards et de formules vides de sens dans les mains des états. La reconnaissance de la dignité humaine nous oblige de poser les question morale : la situation d’Ali Aarrass est-elle humainement acceptable ? Le cri à l’aide d’un être humain vulnérable a-t-il été entendu ?  Poser ces questions à Reynders c’est y répondre.
               
Votre soutien pour payer les frais du procès est le bienvenu : Farida Aarrass BNP Paribas Fortis, Chée de Gand à Molenbeek IBAN: BE69 0016 7484 8678  BIC: GEBABEBB

(1) Daniela Debono, ‘Less than human’:the detention of irregular immigrants in Malta, Race & Class, October-December 2013

Lettre d’Ali Aarrass sur la distribution des vêtements à la prison : « les plus pauvres ne reçoivent rien… »

dans ACTIONS/Lettres/Letters/Brieven par

vêtements Ali Aarrass Farida Luk

« Les autorités utilisent-t-ils mon action humanitaire à des fins politiques et personnels ? »  se demande Ali Aarrass dans  une  lettre  du 11 janvier 2014 sur la distribution des vêtements aux prisonniers à Salé II .

Après ma première lettre (voir http://www.freeali.be/?p=5106 ) où j’avais décrit la manière cruelle avec laquelle on m’a empêché (durant 3 mois) de faire aboutir un projet humanitaire visant à améliorer les conditions de vie des prisonniers et les sortir de leur isolement..je vous écris cette deuxième lettre pour vous mettre au courant des derniers rebondissements au cours des trois derniers jours et ainsi vous transmettre une image complète du déséquilibre flagrant de la politique de réinsertion et de réhabilitation dans les prisons en général et celle de Salé II en particulier.

Après avoir interdit l’accès aux différents sacs (de vêtements, chaussures et le nécessaire de toilette ) aux prisonniers pendant trois mois, la prison leur a enfin ouvert ses portes, mais dans des circonstances mystérieuses puisque la direction a bien permis à l’Observatoire Marocain des Prisons (OMP) d’assister à l’entrée des sacs mais pas à la distribution de leur contenu aux prisonniers.

vetements-I-2013-09-27-10.28.00-618x190Ce qui fait planer une ombre sur cette distribution qui s’est faite donc sans aucune garantie ni aucun contrôle à part une promesse de la direction de transmettre un procès verbal détaillé.

Selon une source fiable, la distribution a exclu d’office les prisonniers de nationalité marocaine alors qu’ils font partie de la tranche la plus pauvre. On a donc privilégié les autres nationalités alors que la plupart d’entre eux n’en ont pas besoin. (Des africains emprisonnés dans le cadre d’affaires de drogues dures et des européens condamnés dans des affaires de drogues et autres)

vêtements Ali Aarrass IJe tiens à préciser que les lignes précédentes n’ont aucune connotation xénophobe mais la distribution devrait avoir lieu sur base de critères objectifs et non politiques.
Ce qui est encore plus étrange est que la direction a filmé la distribution, ce qui pose de multiples questions sur le but de cet enregistrement puisque cela ne fait pas partie des procédures légales, surtout en plein débat national sur l’immigration des sub-sahariens.

Il est aussi à noter qu’on ne m’a pas informé de l’entrée des sacs et de leur distribution (alors que je suis à l’origine de cette action) mais l’information m’est parvenue de personnes extérieures.

Cette distribution injuste a provoqué l’indignation chez les prisonniers pauvres qui continuent à jouer au football pieds nus ou avec des sandales déchirées. En plus de la pauvreté et de l’éloignement de leur famille, ils viennent de subir une injustice supplémentaire en voyant cette aide tant attendue leur passer sous le nez sans qu’ils puissent rien y faire.

SAMSUNGD’une autre part, certains ensembles et quelques belles paires de chaussures n’ont pas été distribués mais dérobés par les fonctionnaires qui ont procédé à la distribution (selon une source proche de la direction).
Et dans une mesure de transparence, cette même source explique que le directeur de prison et le (président de détention) n’étaient pas présents lors de cette distribution.

Un des prisonniers qui ont bénéficié de cette action, nous a cité les noms des fonctionnaires qui ont géré cette distribution :

– Fouad Zamrani 

– Abdellah Hibbi 

– Hamid El Allali, l’infirmier dans l’enceinte de prison ;

– Bouazza El Onki, adjoint du directeur.

J’avais d’ailleurs déposé plainte contre les deux derniers auprès de Monsieur Juan Mendes rapporteur spécial de l’ONU.

Il reste plusieurs zones d’ombre autour de cette affaire, notamment pourquoi avoir exclu les détenus pauvres (tous marocains) de bénéficier de telles initiatives caritatives? Et jusqu’à quand allons nous donner l’image d’une diplomatie propre sur le dos de l’être humain ?

SAMSUNGLe meilleur moyen d’illustrer la crise de réhabilitation et l’injustice sociale répandue dans le milieu carcéral est bien l’augmentation des comportements irresponsables qui détruisent automatiquement toute ambition visant à aider ces détenus au lieu de marcher d’un pas certain vers le changement.

En attendant le changement de ce genre de comportements contraires à la logique sociale, la question de la réinsertion reste d’actualité face à une réalité régie par les intérêts personnels.

Fait le 11/01/2014
Prison Salé II

Ali AarrassAli

 

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