15 septembre 2011 – COMMUNIQUE DE PRESSE
CABINET D’AVOCATS JUS COGENS – Me Christophe MARCHAND (GSM: 32.486.32.22.88 ; cm@juscogens.be) et Me Dounia ALAMAT (GSM:32.472.40.58.02 ; da@juscogens.be)
Affaire Ali AARRASS : Enfin le procès a commencé ! Tous les vices de forme ont été couverts par le tribunal : après la torture, c’est le procès injuste qui semble s’installer à la cour d’appel de rabat
Ce matin à la cour d’appel de Rabat, les trois avocats marocains d’Ali AARRASS ont plaidé pendant trois heures à propos des graves vices de forme qui entachent les poursuites marocaines, dernier volet de cette interminable saga judiciaire infernale.
Photo : Maitres Lurquin, Alamat et Marchand à l’audience du 15 septembre 2011 à Salé
Rétroactes
On rappellera qu’Ali AARRASS, de nationalité belge, avait fait l’objet en Espagne de plus de deux ans d’enquête par le juge anti-terroriste GARZON qui avait conclu en 2008 à l’absence de toute charge de faits de trafic d’armes dans le cadre d’actions terroristes. Cette enquête avait été initiée grâce à des informations données aux autorités espagnoles par la police marocaine alléguant une prétendue implication d’Ali AARRASS dans l’affaire du soi-disant « Réseau BELLIRAJ ». Par la suite, le Maroc avait émis un mandat d’arrêt extraditionnel, en 2008, toujours pour des prétendus faits de terrorisme.
Passant outre de manière extravagante les Mesures Provisoires ordonnées par le Comité des Droits de l’Homme des Nations-Unies, le gouvernement Zapatero s’attira l’infamie en livrant Ali AARRASS à ses bourreaux, le 14 décembre 2010.
Livré aux services secrets pendant huit jours, il fut sauvagement torturé. Selon le classique schéma de l’horreur, en vigueur au Maroc dans la lutte anti-terroriste, il fut remis huit jours plus tard à la police judiciaire, le 22 décembre 2010, pour ensuite être présenté, muni de ses aveux, au juge d’instruction CHENTOUF, complice habituel et nécessaire des sbires brutaux de la DST.
Des investigations marocaines en peau de chagrin
Ali AARASS est accusé d’avoir transporté des armes à trois reprises entre la Belgique, l’Espagne et le Maroc, dans le cadre d’une association terroriste. Les accusations reposent uniquement sur des déclarations de personnes qui auraient également fait l’objet de torture…, et qui ne figurent même pas au dossier de la procédure ! La police a ardemment et sans succès cherché des preuves matérielles de ces activités criminelles. Ali AARASS a ainsi été emmené bâillonné et cagoulé dans la ville de Nador, où il devait montrer apeuré, d’un geste du pied, où l’excavatrice devait creuser ! En vain. Aucune arme ne fut jamais retrouvée.
Une quinzaine de vices de procédure
Photo : Maitres Dadsi et Jallal, deux des avocats marocains d’Ali Aarrass.
Maître Lahcen DADSI, du Barreau de Casablanca, Maître Zakaria LOUSKI, du barreau de Mekhnès et Maître Mohamed JALLAL, du Barreau de Rabat, ont égrené de manière méthodique et sérieuse les illégalités de la procédure. Ils ont demandé que le tribunal stoppe les poursuites, pour de multiples raisons.
Ils ont tenté de faire comprendre au tribunal qu’il n’est que le jouet d’un arrangement diplomatique odieux entre l’Espagne et le Maroc, quelques exemples :
-
Quel sort le tribunal va-t-il réserver à certains procès-verbaux de la police qui sont manifestement des faux, les dates ayant été grossièrement manipulées afin de tenter, sans succès, de dissimuler la détention arbitraire et cruelle par les services de renseignement marocain dès son arrivée sur le sol marocain : le premier procès-verbal, datant du 15 décembre 2010 mentionne des évènements du 18 et du 20 décembre ! ?
-
comment expliquer que placé en détention et finalement relaxé en Espagne, Ali AARRASS soit à nouveau poursuivi au Maroc pour les mêmes faits ?
-
pourquoi aucune investigation de médecine scientifique n’a été diligentée concernant les allégations de torture, malgré la plainte formelle déposée auprès de cinq instances marocaines qui laissent les rappels sans suite ?
-
et comment concilier les pseudo-aveux d’Ali AARASS en langue arabe dans les procès-verbaux de la police alors que le tribunal a reconnu qu’il ne connait pas cette langue et lui a attribué un interprète ?
Last but not least, la défense a sollicité que des confrontations soient organisées avec les soi-disant accusateurs…
Le procureur général a tenté de répondre à ces arguments, le plus souvent en oubliant habilement les plus percutants ou en tentant de savantes explications peu convaincantes. Il a tout de même concédé qu’il serait intéressant de réaliser les confrontations demandées.
Quelques instants après le tribunal s’est retiré pour délibérer. A la stupéfaction générale, il a rejeté en quelques minutes et sans aucune explication tous les arguments et demandes qui avaient nécessité plus de quatre heures de débats, pour ensuite ajourner l’affaire au 6 octobre 2011.
Le printemps arabe ne semble pas encore avoir frappé aux portes des palais du Royaume Chérifien et la réforme du droit en vue de plus de justice et d’équité une chimère apeurée.