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Prison de Salé II : des soldats partout, fouilles corporelles, contrôles des cellules, tabassage de détenus et menaces verbales

dans DANS LA PRESSE/LA PRISON AU MAROC par

Un jeune prisonnier politique a fêté à sa manière le deuxième anniversaire de la naissance du Mouvement du 20 février en envoyant depuis la prison civile de Salé 2 un message-vidéo dans lequel il a clamé haut les idéaux de son mouvement.

Loin de faire dans le « naâmisme » (Naâm Sidi !, Naâm Lalla !), ce jeune détenu confirme les principes du M20F et dit parler au nom de tous ses camarades détenus avec lui dans ce pénitencier.

Au passage, il critique les déclarations du ministre de la justice et des libertés (sic), Mustapha Ramid, qui avait assuré il y a quelques mois qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques au Maroc, avant de se rétracter piteusement devant la levée de boucliers que ses paroles ont provoquée.

Ce jeune homme a terminé son message par un « Vive le peuple marocain » au lieu de l’obligé « « Vive le roi ! ».

Selon des sources contactées par Demain, depuis la parution de cette vidéo, le régime a réagi en investissant de force Salé 2, avec un renfort de 20 matons qui ont mis sens dessus dessous les quartiers de la prison. Fouilles corporelles, contrôles des cellules, tabassage de détenus et menaces verbales contre les récalcitrants, tel est le climat dans cette taule.

On a appris également que Abdelkader Belliraj, présenté par les autorités marocaines comme le chef d’un réseau islamiste portant son nom, une accusation que les autorités belges jugent farfelue, a été mis à l’isolement total.

Va-t-on essayer d’impliquer Belliraj avec le Mouvement du 20 février ?

Source : l’article sur demainonline et la vidéo du militant du Mouvement du 20 février

« Non, on ne vous recevra pas » : la nouvelle réponse scandaleuse du ministère des Affaires Etrangères à une demande de Farida Aarrass !

dans ACTIONS/DOUBLE NATIONALITE par

Suite à la proposition du ministre Didier Reynders, faite en public lors de sa conférence à Bruxelles du 23 janvier 2013, de contacter ses services pour se fixer un rendez-vous pour discuter de l’affaire Ali Aarrass, Farida leur a écrit et voici leur réponse.

Même pas une rencontre !!!

C’est pire que Van Ackere, qui nous a reçu, ne fût-ce qu’une seule fois !

En tant que Belge ayant la double nationalité, vous vous sentez encore en sécurité ? Vous vous sentez protégé par votre pays, quand, après que vous avez été extradé illégalement, torturé et maltraité au Maroc comme Ali Aarrass, vos proches ne peuvent même pas obtenir un entretien à leur ministère des affaires étrangères ?

Signez la pétition pour la libération d’Ali Aarrass ! -> http://www.freeali.be/?page_id=378

Joignez-nous à l’évènement du 1 avril : « 5 heures pour Ali Aarrass » au Vaertkapoen (Molenbeek) à l’occasion du cinquième anniversaire de la détention d’Ali Aarrass.

La lettre de Farida Aarrass.

Subject: Affaire Ali Aarrass, Date: Tue, 19 Feb 2013 17:09:29 +0000

« Monsieur le Chef de Cabinet Adjoint, Willem Van de Voorde,

Par la présente, je me permets de donner suite à la proposition de monsieur le ministre des Affaires Etrangères, Didier Reynders.

En effet, lors d’une conférence donnée par lui au Mouvement Européen, nous les familles des détenus belgo-marocains au Maroc, avions sollicitée la possibilité d’être reçus, en vue de nous entretenir au sujet de nos proches qui se trouvent être en détention arbitraire.

Je vous demande donc, de bien vouloir nous offrir l’opportunité d’en discuter dans votre cabinet, le plus vite possible, sachant que la situation de nos proches se veut de plus en plus inquiétante.

J’aimerais y venir accompagnée de l’un ou plusieurs avocats du cabinet Juscogens, conseils de mon frère Ali Aarrass, mais aussi de la personne à la tête du Comité de Soutien FreeAli, monsieur Luk Vervaet.

En espérant que ma requête soit prise en considération, je vous d’agréer, monsieur Willem, mes très sincères salutations ».

Farida Aarrass (soeur d’Ali Aarrass) GSM : 0486/703215

La réponse du Chef de cabinet adjoint Willem Van de Voorde

Subject: RE: Affaire Ali Aarrass, Date: Tue, 19 Feb 2013 19:56:21 +0100

From: Willem.VandeVoorde@diplobel.fed.be To: fa789456@hotmail.com

« Chère Madame,

Je me rappelle en effet votre présence lors de cette conférence; je vais me renseigner auprès de mes collègues plus compétents pour les matières consulaires comment nous pourrions vous aider éventuellement. Dès que j’ai des éléments de réponse, je reviens vers vous,

bien à vous, »

Willem VAN de VOORDE

Adjunct-Kabinetschef, Chef de Cabinet adjoint, T + 32 2 501 41 07, F + 32 2 511 63 85, Kabinet van Didier REYNDERS, Vice-Eerste Minister en Minister van Buitenlandse Zaken, Karmelietenstraat 15, B – 1000 Brussel, Cabinet Didier REYNDERS, Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères, Rue des Petits Carmes 15, B – 1000 Bruxelles

 La réponse finale du conseiller Jozef Bockaert

 Expéditeur: « Bockaert Jozef – C1 » <Jozef.Bockaert@diplobel.fed.be>

Date: 20 February 2013 12:24:40 CET, Destinataire: <fa789456@hotmail.com>, Cc: « Van Lil Mia – C1 » <Mia.VanLil@diplobel.fed.be>

Objet: Affaire Ali Aarrass

 « Madame,

 Je me réfère votre message du 19 février dernier que M. Van de Voorde, Chef de Cabinet Adjoint, m’a transmis pour réponse.

 Je ne peux que vous confirmer que le Service Public Affaires Etrangères n’intervient pas pour un binational sur le territoire d’un pays dont il possède la nationalité.

Ce principe est appliqué sans discrimination pour tous les détenus de double nationalité.

Je n’estime donc pas opportun d’organiser une rencontre concernant ce dossier.

Je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de ma considération distinguée ».

 Jozef Bockaert

Conseiller

 

Torture au Maroc : le rapport Mendez bientôt rendu public

dans DANS LA PRESSE/ORGANISATIONS POUR LES DROITS DE L'HOMME / FOR HUMAN RIGHTS par

Le rapport final du Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Juan Mendez, sera dévoilé dans quelques jours à Genève lors de la 22e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

L’argentin Juan Mendez, Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, présentera son rapport final sur la torture au Maroc dans quelques jours, à l’occasion de la 22e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève.

Ce rapport, le premier du genre, fait suite à sa visite au Maroc en septembre dernier. Juan Mendez avait passé une dizaine de jours dans le royaume pour rencontrer les autorités marocaines, des représentants de la justice, de la société civile, des groupes de défense des droits de l’homme, des agences de l’ONU, ainsi que des victimes de violences et leurs familles.

Juan Mendez avait fait part de ses premières observations fin septembre lors d’une conférence de presse donnée à Rabat. Il affirmait alors que « le Maroc développe une culture de respect des droits de l’homme qui est un bon point de départ en vue de l’élimination de la torture dans un futur proche. Mais le pays est loin de pouvoir affirmer qu’il a éliminé la torture ».

Il expliquait notamment : « Chaque fois qu’il est question de sécurité nationale, il y a une tendance à utiliser la torture dans les interrogatoires. Il est difficile de dire si c’est très répandu ou si c’est systématique, mais cela arrive assez souvent pour que le gouvernement marocain ne puisse l’ignorer ».

Torture, impunité, prisons secrètes : ce que dit l’ONU

Pour rédiger son rapport final, Juan Mendez a pu s’appuyer sur les travaux du Comité de l’ONU sur la torture, qui a présenté son rapport périodique Maroc en juin 2012. Ce document fait en effet un point complet sur les sujets de préoccupation du Comité, la collaboration de l’Etat marocain et les recommandations de l’ONU.

Voici ci-dessous les grands axes de ce rapport Maroc, qui n’a fait l’objet d’aucune publicité dans le royaume depuis sa publication.

Aspects positifs

Le Comité de l’ONU sur la torture se félicite du « dialogue constructif » entre ses experts et l’Etat marocain. Il note également « avec satisfaction » la ratification par le Maroc d’un certain nombre de conventions internationales, de la mise en place du CNDH, du vote de la nouvelle constitution et du lancement de la réforme de la justice.

Définition et criminalisation de la torture

Selon le Comité, le Maroc « devrait s’assurer que les projets de loi actuellement devant le Parlement étendent le champ de la définition de la torture, conformément à l’article premier de la Convention contre la torture. L’État partie, conformément à ses obligations internationales, devrait veiller à ce que quiconque se rend coupable ou complice d’actes de torture, tente de commettre de tels actes ou participe à leur commission fasse l’objet d’une enquête, et soit poursuivi et sanctionné sans pouvoir bénéficier d’un délai de prescription.

Utilisation de la torture dans les affaires de sécurité

Le Comité se dit « préoccupé par les nombreuses allégations d’actes de torture et de mauvais traitements commis par les officiers de police, les agents pénitentiaires et plus particulièrement les agents de la Direction de surveillance du territoire (DST) – désormais reconnus comme officiers de police judiciaire – lorsque les personnes, en particulier celles suspectées d’appartenir à des réseaux terroristes ou d’être des partisans de l’indépendance du Sahara occidental, sont privées de l’exercice des garanties juridiques fondamentales comme l’accès à un avocat ou durant les interrogatoires dans le but de soutirer des aveux aux personnes soupçonnées de terrorisme ».

Impunité des responsables de torture

Le Comité « est particulièrement préoccupé par le fait de n’avoir reçu à ce jour aucune information faisant état de la condamnation d’une personne pour actes de torture au titre de l’article 231.1 du Code pénal. Le Comité note avec préoccupation que les officiers de police sont dans le meilleur des cas poursuivis pour violences ou coups et blessures, et non pour le crime de torture, et que selon les données fournies par l’État partie, les sanctions administratives et disciplinaires prises à l’endroit des officiers concernés ne semblent pas proportionnées à la gravité des actes commis. Le Comité note avec préoccupation que les allégations de torture, pourtant nombreuses et fréquentes, font rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites et qu’un climat d’impunité semble s’être instauré en raison de l’absence de véritables mesures disciplinaires et de poursuites pénales significatives contre les agents de l’État accusés des actes visés dans la Convention, y compris les auteurs des violations graves et massives des droits de l’homme commises entre 1956 et 1999 ».

« Transfèrements secrets » de la CIA

Le Comité « prend note des déclarations de l’État partie selon lesquelles il n’était pas impliqué dans les opérations de «transfèrements secrets» menées dans le contexte de la lutte internationale contre le terrorisme. Néanmoins, le Comité reste préoccupé par les allégations selon lesquelles le Maroc aurait servi de point de départ, de transit et de destination de «transfèrements secrets» opérés en dehors de tout cadre légal, notamment dans les cas de MM. Mohamed Binyam, Ramzi bin al-Shib et Mohamed Gatit. Il note que les informations lacunaires fournies par l’État partie sur les enquêtes qu’il a menées à ce sujet ne sont pas à même de dissiper ces allégations. Le Comité est gravement préoccupé par les allégations selon lesquelles tous ces «transfèrements secrets» se seraient accompagnés de détention au secret et/ou dans des lieux secrets, d’actes de torture et de mauvais traitements, notamment lors des interrogatoires des suspects, ainsi que de refoulements vers des pays dans lesquels les personnes auraient été également soumises à la torture ».

Les prisons secrètes du Maroc

Le Comité « prend note des déclarations faites par l’État partie durant le dialogue selon lesquelles il n’existait aucun centre de détention secret au siège de la DST à Témara, comme l’attestaient les résultats des trois visites effectuées par le Procureur général du Roi en 2004, mais aussi par les représentants de la Commission nationale des droits de l’homme et par plusieurs parlementaires en 2011. Toutefois, le Comité regrette le manque d’informations relatives à l’organisation et à la méthodologie de ces visites, qui au vu de la situation et des allégations nombreuses et persistantes de l’existence d’un tel centre de détention secret ne permettent pas de lever le doute sur ce point. Cette question reste donc un objet de préoccupation pour le Comité. Ce dernier est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des lieux de détention secrets existeraient également au sein même de certains établissements de détention officiels. D’après les allégations reçues par le Comité, ces centres de détention secrets ne feraient l’objet d’aucune surveillance ni inspection de la part d’organes indépendants. Pour finir, le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles une nouvelle prison secrète aurait été construite dans les environs d’Ain Aouda, près de la capitale de Rabat, pour y détenir les personnes soupçonnées d’être liées à des mouvements terroristes ».

Torture au Sahara

Le Comité « est préoccupé par les allégations faisant état d’arrestations et de détentions arbitraires, de détentions au secret et dans des lieux secrets, d’actes de torture et de mauvais traitements, de l’extorsion d’aveux sous la torture et d’un usage excessif de la force par les forces de sécurité et par les forces de l’ordre marocaines au Sahara occidental. »

Traitement des migrants et des étrangers

Le Comité « prend note » des informations fournies par le Maroc mais « reste toutefois préoccupé par les informations reçues selon lesquelles, dans la pratique, des migrants illégaux ont été reconduits à la frontière ou expulsés en violation des lois marocaines, sans avoir eu la possibilité de faire valoir leurs droits. Suivant plusieurs allégations, des centaines d’entre eux auraient été abandonnés dans le désert sans eau ni nourriture. Le Comité déplore le manque d’information sur ces événements de la part de l’État partie, ainsi que sur les lieux et les régimes de détention des étrangers en attente d’expulsion qui ne relèvent pas de l’administration pénitentiaire. Le Comité déplore enfin le manque d’information au sujet des enquêtes éventuellement menées sur les violences commises par les forces de l’ordre à l’encontre de migrants clandestins dans les régions de Ceuta et Melilla en 2005 ».

Coopération avec les mécanismes de l’ONU

Le Comité recommande au Maroc « d’intensifier sa coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’ONU, notamment en autorisant les visites, entre autres, du Groupe de travail sur la détention arbitraire, de la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, et du Rapporteur spécial sur le droit de réunion et d’association pacifiques ».

Il invite aussi le Maroc « à envisager d’adhérer aux principaux instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, notamment au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et au Statut de Rome de la Cour pénale internationale ». (un projet de loi a été validé en décembre dernier par le gouvernement pour ratifier ce protocole facultatif à la Convention contre la torture).

Enfin, le Comité de l’ONU exhorte le Maroc « à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, par le biais des sites Internet officiels, des médias et des organisations non gouvernementales ».

 Écrit par Christophe Guguen

Source : http://fr.lakome.com/index.php/politique/375-torture-au-maroc-le-rapport-mendez-bientot-rendu-public

Communication téléphonique avec Ali Aarrass de la prison de Salé au Maroc – Mediane TV

dans ACTIONS/DANS LA PRESSE par

La chaîne Mediane TV donne la parole à Ali Aarrass de la prison de Salé II.

Durant douze minutes, Ali Aarrass, entre larmes et colère, dénonce l’injustice subit depuis le 1er avril 2008, ces conditions de détention et la torture vécue au Maroc.

Vous trouverez ci-dessous quelques passages bouleversants de cette interview.

« Cette Belgique qui était mon pays, ma patrie, pour laquelle moi j’ai vécu, j’ai vécu toute ma vie en Belgique. Et puis j’ai fait mon service militaire en Belgique en 93. En 93 j’ai dû fermer mon commerce pendant un an. Tout ça pour quoi ? C’était pour ma patrie tout de même… pour ma patrie. Pourquoi ils m’ont oublié ? Pourquoi ils m’ont sacrifié ? Pourquoi ils ont participé à ce silence ? Maintenant qu’ils fassent le nécessaire pour me relâcher… »

« Ça fait 5 ans que je suis dans les prisons espagnoles et au Maroc, et je suis en train de souffrir. Je veux vous dire qu’ils n’attendent plus, qu’ils me relâchent tout simplement. Car je suis innocent. Pourquoi cette injustice, ce silence ? »

« Je ne pourrai faire de mal à une mouche »

« Ils mentent car ils cachent la vérité »

« Mes conditions de détention sont très mauvaises, très dures… On est tout le temps enfermé, on a un minimum de droit, … »

« La torture… on appelle ça l’avion, le perroquet, électrocution au testicule, viole avec une bouteille en cristal, … ils m’ont violé »

« Ma petite fille, ma famille, mon père me permet de tenir… Ils ont voulu la détruire, ils n’ont fait que la renforcer »

« Ce que je vis, c’est parce que je m’appelle Ali »

« Je n’oublierai jamais ce que les gens font pour moi, ça m’aide beaucoup moralement»

Plus que jamais, nous avons besoin de votre aide pour faire sortir Ali de prison !


1)Envoyer une lettre à Ali directement au Maroc : Monsieur Ali Aarrass, prison de Salé II, ville de Salé, Maroc ou utiliser notre site internet http://www.freeali.be/?page_id=26

2)Acheter le dvd du documentaire de Mohamed Ouachen « Ali Aarrass pour l’exemple » directement sur notre site internet ou par virement bancaire à Farida Aarrass

N’oubliez pas votre NOM & ADRESSE pour l’envoi postal

Farida Aarrass
BNP Paribas Fortis
Chée de Gand à Molenbeek
IBAN: BE69 0016 7484 8678
BIC: GEBABEBB

Actuellement en prévente, paiement par virement bancaire ou par notre site internet (http://www.freeali.be/?p=3728):

  • 5,50€ sans livraison
  •  7€ avec livraison Belgique
  • 8,50€ avec livraison Europe

Attention, dès le 25 février, le prix du DVD augmentera de 1,50€

3)Participer au 20km de Bruxelles en l’honneur d’Ali. Pour se faire, veuillez contacter Farida Aarrass 0486/703.215 ou fa789456@hotmail.com

Prévente du documentaire « Ali Aarrass pour l’exemple » de Mohamed Ouachen

dans ACTIONS/ARTS par

Le 25 février sortira le dvd du documentaire « Ali Aarrass pour l’exemple » de l’artiste Mohamed Ouachen.

Dès à présent, soutenez nous et achetez le dvd! Vous serez les premiers à le recevoir.

Si vous ne souhaitez pas de livraison, le DVD sera disponible dès sa sortie à Koekelberg, Rue Jules Debecker, 50.

Sortie prévue pour le 25 février


Dvd Ali Aarrass




La république pirate de Rabat-Salé : variations à partir du djihad mauresque de Me Christophe Marchand, avocat

dans AVOCATS par

1. Au Maroc, sur les bords de l’Atlantique : trois villes. Elles ouvrent leurs murs vers un fleuve, parfois à sec : le Bouregreg. Ce cours d’eau s’étire entre la Kasbah, Rabat-la-Capitale, autrefois appelée Salé-le-Neuf, « Sla-El-Djedid », et Salé-le-Vieux, « Sla-El-Bali » (1) . Aujourd’hui reliées par trois ponts. Sur un de ceux-ci roule un tram électrique de la dernière génération. Ce lieu paisible, investi par un yacht club et une station balnéaire high tech pour riches Saoudiens, « la marina », fut autrefois le théâtre de bien plaisants événements. Plaisants ou tragiques, autrefois ou aujourd’hui, c’est selon.
A partir de la chute de Grenade en 1492, de nombreux mauresques espagnols se refugièrent avec armes et fortune dans cette embouchure composée des trois villes rivales. Animés d’un vif ressentiment à l’égard de l’Espagne, ils ne tardèrent pas à construire des chaloupes pirates pour aller butiner les armées et les navires de commerces des rois catholiques. Au nom de la guerre sainte, le fameux jihad.
Ce qui n’empêcha pas les puissances d’envoyer consuls et ambassadeurs afin de conserveur et négocier de bonnes relations politiques. Ceux-ci s’établirent dans la rue des Consuls. Cette rue de Rabat, on peut encore l’admirer aujourd’hui ; si ce n’est qu’ont malheureusement disparus les tavernes et les bordels desquels, à l’époque, s’échappaient le bruit incessant des querelles des pirates… Ils y vendaient leur butin dans « des cabarets et autres lieux de débauche, [car] leur plus forte passion était d’employer à faire bonne chère l’argent qu’ils avaient volé sur la mer » (2) . Ce vacarme troublait les plénipotentiaires, dont le sommeil vint vite à manquer.

2. Depuis trois ans, je me rends souvent à Salé, car il y siège un tribunal spécial : « la cour d’appel de Rabat spécialisée en matière de terrorisme, siégeant à Salé ». Profitant des vols low cost de Ryanair nous y débarquons en pelotons d’avocats tout aussi low cost (comprenez pro bono). Le bandeau noir sur l’œil, l’équipe est solide et déterminer à en découdre, sans compter les coups, elle fonce à l’abordage de ces rives tyranniques de la pseudo-démocratie du royaume chérifien du Maroc.
Nous avons déambulé dans la rue des Consuls à la recherche de ses tavernes et de ses lieux de perdition tant vantés : en pure perte. Peut-être tant mieux ! Car ne sommes-nous pas les ambassadeurs des procès équitable, hérauts des droits fondamentaux, la bannière « droits de l’hommiste » de notre beau et grand barreau ? Force est de constater que dès que nous arrivons sur le tarmac de l’aéroport Mohamed V et que nous embrassons nos frères avocats barbus islamistes, nos téléphones mobiles ne répondent plus et adoptent un comportement bizarre, tandis que des moustachus à lunettes noires et oreillettes nous font un signe (amical ?) de bienvenue. Leur technologie infernale rendra toutes mes communications électroniques inopérantes. Impossible de joindre la mère patrie, et en Belgique ma compagne reçoit d’inconnus peu amènes d’incongrus appels en arabe… mon dieu que la piraterie d’État est belle en 2012 !

3. L’âge d’or de Salé-le-Vieux (« Sla-El-Bali ») se situe aux environs du milieu du XVIIe siècle. A l’époque, de nombreux marins sont enrôlés sur les flots de l’océan Atlantique, à des fins douteurs : guerres entre puissances rivales (Espagne, Grande-Bretagne, France ou Hollande), commerce d’esclaves africains, pillage conforme au droit international des terres découvertes en Amérique. En période de paix, les marins de guerre s’ennuient, ou ont faim, bref ne trouvent pas de travail. Alors ils s’engagent sur des bateaux pirates afin de continuer à jouir du grand vent de la liberté, mais aussi tout simplement de survivre. Les règles de droit sont simples : un navire pirate est-il arraisonné en mer ? Tous les membres de l’équipage sont pendus haut et court. Si ce même vaisseau pirate arrive dans un port et y sollicite le pardon du gouverneur, les hommes seront alors graciés et pourront jouir de leurs rapines, s’établir, et fonder un foyer. De leur côté, les pirates, à l’occasion d’une prise en mer, proposent d’abord à l’équipage captif de les rejoindre. En cas de refus, c’est la mort : pourquoi s’encombrer de prisonniers inutiles ? Pour les corsaires de Salé, mais également d’Alger ou de Tunis, grandes villes pirates de l’époque, rejoindre la flibuste s’accompagne d’une condition obligée : abjurer sa foi et devenir musulman ! N’oublions pas que Djihad et piraterie font alors cause commune. Ces convertis, également appelés renegados (renégats), ne semblaient pas brumés par leur nouvelle foi, ils continuaient leur vie faite de meurtres, vols et bacchanals.

4. En 2006, lors de mon premier séjour à Rabat, je faisais partie d’une équipe internationale de magistrats et de professeurs, financée par l’Union européenne, afin d’organiser des séminaires dont le sujet captivant était : « Comment sauvegarder les droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme ? »… Dans le cadre de ces « cours », qui continuèrent également à Alger, je représentais, avec mon excellent confrère et ami Maitre Aboudi : « l’avocat », celui qui empêche de réprimer en rond. La question de l’usage systématique de la torture y fut abordée. Je n’avais pas encore saisi la profondeur de ce qu’ils appelaient ces « dépassements », et n’avais pas deviné que le juge d’instruction Chentouf, avec son regard bas et sa bouche en demi-lune était le grand officier de la torture institutionnalisée.

Classification SECRET/NOFORN – VZCZCXYZ0002 – PP RUEHWEB – DE RUEHRB #0679/01 2181914 – ZNY SSSSS ZZH – P 061914Z AUG9 – FM AMEMBASSY RABAT – TO RUEHC/SECSTATE WASHDC PRIORITY 0538 (3)

Le 6 aout 2009, Robert P. Jackson, diplomate américain en poste à Rabat adressait un télégramme inquiétant à Washington au sujet de la situation des droits de l’homme au Maroc dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Il mentionnait divers entretiens notamment avec des diplomates belges qui critiquaient vivement un procès en cours concernant un Belgo-Marocain : Abdelkader Belliraj. Nos compatriotes Daniel Bernard, haut magistrat, ancien membre du parquet fédéral, et le consul belge, Johan Jacobs, s’étonnaient en chœur du caractère expéditif de ce jugement, des allégations généralisées de mauvais traitements, et de ce que le jugement aurait été dicté préalablement par le ministre de l’intérieur du Maroc. Ah ! Quelle belle information ! Le secret des relations diplomatiques est dévoilé par ces forbans de la flibuste Wikileaks qui s’immiscent au cœur de nos valses et pudibonderies internationales. Mais comment peut-on encore faire de la Realpolitik avec de tels délinquants ? Don le chef, en plus, se livre à la fornication des pays nordiques, sans préservatifs ?
La piraterie de l’un ne serrait-elle pas bonne pour l’autre… en une espèce de répétition inéluctable du « deux poids, deux mesures » ?
J’imagine alors que ce ne sont plus les vacarmes festifs des pirates enivrés qui empêchent nos consuls de dormir, dans la douce nuit estivale autour des rives du fleuve Bouregreg, à Rabat-la-Capitale, « Salé-le-Neuf », « Sla-El-Djedid » ? Mais bien les inquiétudes de condamnations inéquitables et les crises de souffrance de nos compatriotes mis aux fers.

5. En 1624, un certain Mijnheer Jans, originaire de Hollande, devint le premier président et amiral de la République pirate de Salé. Il fut élu par se compagnons selon la règle pirate démocratique. La république pirate était gouvernée par quatorze d’entre eux et Jans prit le nom de Mourad Raïs. Sujets de l’empereur du Maroc, ils bénéficiaient des avantages liés à cette sujétion, notamment ceux issus d’un traité de paix signé entre le Maroc et le Hollande, qui permettait à Jans de jouir de toutes les facilités des ports néerlandais.
Jans avait d’ailleurs commencé sa carrière comme corsaire au service de la Hollande, mais il prit bien vite sa liberté pour attaquer tous les rafiots remplis de richesses, y compris ceux de son État d’origine. On le décrit comme un homme charismatique, courageux, sans doute animé de ferveur politique révolutionnaire, mais surtout béni par le dieu le plus apprécié des pirates : la chance.
Jans, dit Mourad Raïs, voyageait constamment entre Salé-le-Vieux et Alger, empruntant le détroit de Gibraltar, point de passage obligé de nombreux navires commerciaux magnifiques et alléchants. Ancien compagnon des pirates algérois, il bénéficiait d’une espèce de double nationalité le faisant jouir des traités que de son côté Alger avait passés avec d’autres puissances, dont la France.
Profitant des multiples règles de droit, Mourad Raïs jouissait d’une certaine prospérité jusqu’à ce qu’une lubie le mène à imaginer une expédition contre l’Islande afin de mettre à Sac Reykjavik !

6. La veille de Noel 2009, un 24 décembre comme un autre… pour moi, un 24 décembre à nul autre pareil.
J’étais en famille dans l’attente de la naissance de Jésus Christ mais surtout de celle de ma petite fille… pas très enjoué, faisant bonne figure… mais le cœur n’y était pas. Ali Aarrass, un Belgo-Marocain, subissait son dixième jour de torture dans les geôles infâmes de la banlieue de Rabat : la prison secrète de Temara.
Le procureur général près de la cour d’appel de Rabat voulait qu’il soit jugé à Salé ! Pour des faits de terrorisme. Il aurait été un bras droit du fameux Belliraj dont le procès inique agit les discussions des consuls de Rabat-la-Capitale, Salé-le-Neuf, Sla-el-Djedid.
Ali Aarrass avait été extradé par l’Espagne en violation du jus cogens, les règles indérogeables du droit international. Pourtant nous avions saisi en urgence le Comité des droits de l’homme des Nations unies (4). En actionnant la saisine sur plainte individuelle, procèdure dont la création avait été appelée de ses vœux, dès en 1968, par le bâtonnier Baugniet (5). Le Comité avait enjoint au royaume espagnol de ne pas extrader Ali Aarrass vers le Maroc, pays de la torture. Zapatero n’en eut rien à faire et envoya Ali vers ses bourreaux.
Voila notre compatriote aux mains de la D.S.T. marocaine, direction de la surveillance du territoire, organe du tout puissant ministère de l’Intérieur du royaume chérifien du Maroc. Celui qui dicte les jugements à l’avance.
Pendant douze jours, le détenu Ali Aarrass fut frappé durement aux extrémités des membres, et aux tempes
-Vas-tu parler Ali ?
Des hommes en blouses blanches lui inoculèrent des substances chimiques
-Pour que tu parles Ali !
On l’accrocha par les pieds au plafond et ils cassèrent des bâtons sur son dos
-Alors Ali, tu vas nous dire !
Et on enfonça dans son anus une bouteille en verre
-Alors ça y’est ! Tu as parlé Ali ! Signe ici…

7. Mourad Raïs, en vue de sa folle équipée, arma deux navires et prit discrètement la route de l’Islande en 1627. Périple incroyable et périlleux pour atteindre de froids horizons !
Nous ne possédons aucune indication sur la durée de ce voyage. Bien sûr, on fit quelques prises en cours de route. Comme tout capitaine de vaisseau pirate, Jans sait comment traiter ses hommes. Pour reprendre quelques mots du journal de bord, tenu par un autre fameux flibustier, Barbe-Noire (6):
« Quelle journée ! Nous avons bu tout le rhum… Aujourd’hui presque personne n’est ivre.
-Quel sacré désordre !
-Ces coquins complotent.
-Aujourd’hui on parle beaucoup de se séparer ; une prise serait la bienvenue »
Le lendemain :
« Dure journée !
-Nous avons fait une prise et avons trouvé à bord quantité de liqueur.
-L’équipage a beaucoup bu.
-Tout va bien ! »
Mais dans la Manche, des vents contraires obligèrent Jans à mouiller à Rotterdam. Vu son statut de sujet de l’empereur marocain, Mourad Raïs bénéficiait des droits de facilité de port, et il se fit donc annoncer et recevoir dignement. On raconte que les premiers visiteurs à montrer à bord furent son épouse hollande, Mevrouw Jans et tous ses petits Jans, qui lui demandèrent d’abandonner son navire et rejoindre la vie à terre. Il fit mine de s’exécuter, avec son équipage qui parti écumer les tavernes. Mais au petit matin, ils filèrent tous vers leurs navires, embarquèrent à l’anglais, non sans avoir au préalable convaincu la plus belle jeunesse de Rotterdam de les rejoindre afin de mettre les voiles vers l’Islande !

8. Lors de mon dernier voyage à Rotterdam, au printemps 2012, j’ai visité Abderrahim Bekhti, emprisonné à « De Schie » la fameuse prison de haute sécurité des Pays-Bas. Le pénitencier est situé à côté d’un paisible cours d’eau sur lequel nagent de beaux oiseaux : le charme absolu de la Hollande et de ses canaux ! Le bâtiment est entouré de maudits murs de béton de trois mètres de large et de six mètres de haut… J’ai cru me trouver face au mur de la honte érigé en Palestine ! L’ensemble fait penser à un aéroport régional des années 1980 : un immeuble de forme carrée, quatre étages, avec des vitres blindées fumées, bien entendu de couleur orange. Pour entrer dans la forteresse, il faut convenir d’un rendez-vous et arriver à l’heure, défi quasi impossible dans le dédale des rings et échangeurs autoroutiers qui cernent ledit bagne.
Abderahim Bekhti est détenu à la demande du procureur général de Rabat (encore lui !), qui a émis un mandat d’arrêt extraditionnel, mon client étant suspecté d’être le bras financier du sieur Belliraj (encore lui !) dont j’ai parlé. Il est en isolement sensoriel, appelé également « torture blanche ». Il moisit dans une mini-cellule, sans lumière du jour si ce n’est las lueur que diffuse un vasistas fumé, de couleur orange. Cette lucarne s’ouvre dans un deuxième mur de béton. Gris, sans aucune lumière du jour. On lui jette la nourriture, comme à un chien, par le petit judas de la lourde porte blindée qui clôt sa cellule. La seule promenade autorisée se passe dans un espace de quatre mètres sur quatre, dont le haut est fermé sur le dessus par une lourde grille. Là il peut tourner comme une bête, et délasser ses muscles. C’est la « T.A. », « Terrorisme Afdeling », section la plus fermée de la prison de haute sécurité des Pays-Bas.
Pourtant, en Belgique, M. Bekhti a été enfermé à Bruxelles dans des conditions quasi similaires, à partir du 28 novembre 2008, du chef du même titre de détention : le mandat d’arrêt du procureur général de Rabat ! En trois mois, la cour d’appel de Bruxelles ne fit qu’une bouchée de cette situation. Trois juges boucaniers, Bouche, Salmon et Vermylen, considèrent les mesures de détention à l’isolement n’était pas justifiées par la simple accusation de « terrorisme », issue des autorités marocaines. Et ils décidèrent que les « mesures dont il (fait) faisait l’objet portent (sont susceptibles de porter) atteinte à son intégrité physique et mentale (7)». Et la chambre des mises en accusation emboita le pas en refusant de donner suite à la demande d’extradition marocaine, notamment au vu du caractère politique du procès Belliraj au Maroc. Malheureusement, aux Pays-Bas ; comme quoi on n’est finalement pas si mal à la maison, la procédure fut beaucoup plus lente. Finalement après 141 jours de détention avilissante, par une décision surprenante rendue sur les bancs, le 23 aout 2012, le tribunal d’arrondissement de Roermond rejeta l’odieuse demande marocaine. Il sortit du tribunal immédiatement et se jeta face contre sol, remerciant Allah. Je le ramenai derechef et en catimini en Belgique, dans mon auto, sans retourner chercher des menus effets à « De Schie », l’immonde prison de haute sécurité des Pays-Bas.

9. Entre temps, durant l’âge d’or de la piraterie à Salé, en 1627, Mijnheer Jans, que nous avons laissé il y’a un instant mettant les voiles sur l’Islande, continue son formidable périple. Le vent, la pluie, la neige et le gel n’émoussèrent pas la hardiesse du capitaine Jans qui réalisa sa lubie. On raconte que Reykjavic fut pillée mais que le butin ne fut réduit qu’à du poisson salé et quelques peaux de bête…
Malheureusement pour lui, à Salé-le-Vieux, le capitaine Jans, Mourad Raïs, avait été renversé. Profitant de son absence prolongée, un nouveau gouvernement aux ordres du saint local, le célèbre cheik Ayachi, héros du djihad contre les Espagnols, avait détrôné la jeune république pirate. Mourad Raïs se réfugia à Alger.

10. Ayachi, grand saint guérisseur de Salé-le-Vieux. Peu de hasard dans mon existence d’avocat…
En 2009, je visite au sud de Naples, dans une autre prison de haute sécurité, italienne cette fois, un Franco-Syrien résidant en Belgique, le cheik Ayachi. Celui-ci est connu, car il a fondé le centre islamique belge. Jouissant d’une renommée internationale de sagesse et d’indépendance religieuse, il est fortement surveillé par la justice belge. Celle-ci pense que cet agitateur forme idéologiquement des kamikazes afin de perpétrer des attentats de par le monde, en vue du djihad global. Je trouve un homme malade, mais surtout doté d’un humour à toute épreuve. Il est suspecté d’être le chef d’Al Qaïda en Belgique. Et sera jugé de ce chef par la justice italienne ! L’accusation est basée sur des bribes de dossiers judiciaires belges faisant état des rumeurs que j’ai mentionnées : il serait l’idéologue d’Al Qaïda en Belgique et formerait kamikazes !
Des rumeurs, des rumeurs… Nos démocraties peuvent-elles condamner un homme en se basant sur des rumeurs ?
C’est que je ne vous ai pas tout dit. La preuve maîtresse du dossier italien consiste en des écoutes directes, enregistrements réalisés par une prouesse technologique toute italienne alors que M. Ayachi était en prison. Grâce à des appareils derniers cri et de micros dissimulés, les policiers italiens ont surpris le cheikh, alors qu’il préparait, de sa cellule, une attaque terroriste contre l’Aéroport Charles de Gaulle ! Avec des explosifs et des grenades ! Cette information a fait la manchette des journaux internationaux de l’époque (8) et suscité l’ouverture d’une instruction judiciaire à Bruxelles. Mais pas à Paris, allez savoir pourquoi !
Lorsque j’interroge M.Ayachi, dans le secret du parloir, je lui demande ce qu’il en est.
Une lueur espiègle s’allume au fond de son œil et il m’explique benoitement qu’il était en cellule et regardait un match de football avec ses codétenus. Qu’il apprécie beaucoup ce sport et est fana de diverses équipes, dont des italiennes, avantage d’être détenu en Italie, dès qu’il allume le poste de télévision il peut y regarder un bon match.
-Oui d’accord, mais l’attaque sur Charles de Gaulle ?
-J’y viens, j’y viens… ce soir là, nous regardions un match de foot à la télé, et un bon match d’ailleurs, à un moment j’ai été emballé par le match et j’ai crié : Attaque ! Attaque ! Goaaaaaaallll !
– [Silence de ma part]
-Vous pouvez répéter ?
– Oui j’ai simplement été pris par un bon match et ai crié : Attaque ! Attaque ! Goaaallllll !
En sortant de la prison je me disais qu’il s’agissait d’une bonne histoire et que ces types en prison, ils racontent vraiment n’importe quoi. Mais pris d’un accès de conscience professionnelle je sollicitai la production des enregistrements et une expertise indépendante. Celle-ci confirma ses dires… la cour d’assises de Bari, saisie par le même étonnement commande une nouvelle expertise, judiciaire cette fois, et arriva à la même conclusion : « l’attaque contre l’aéroport Charles de Gaulle » était le résultat d’une mauvaise écoute directe, arrachée aux bruits ambigus d’une cellule de prison surpeuplée…
Et les explosifs me direz-vous ? La pudeur m’empêche de vous expliquer que M. Ayachi avait été enregistré alors qu’il blaguait simplement avec un codétenu sur les effets désastreux des grenades (le fruits !) sur son transit intestinal, et que cela occasionnait des « explosions », euh, très malodorantes… à l’arrière de son vieux corps malade. En juin 2012, après plus de trois ans passés dans des conditions de détention indigne, le cheikh Bassam Ayachi a été acquitté par la cour d’assises d’appel de Bari, et a rejoint sa famille à Bruxelles.

11. Malheur des dérives de la lutte antiterroriste ! Il n’y a guère plus que le parquet fédéral belge pour dire que les nouvelles lois terroristes et leur mise en œuvre sont forme aux droits de l’homme. Mais je ne suis pas venu ici pour me lamenter sur le flou de ces incriminations. Ni sur la démesure des moyens hypertechnologiques utilisés afin de réunir des « preuves ». Ni sur la coopération odieuse que le parquet fédéral belge met en œuvre avec des États ou la torture y est réalisée de manière systématique. Ni sur l’isolement sensoriel méthodique pour les personnes accusées de terrorisme, y compris chez nous, à la prison de Forest, à un jet de pierre de notre beau palais.

12. C’est une situation bien connue de l’homme que celle de se laisser aller à paresser sur ses propres abords. Ce que l’on ne connait pas effraie, et il est bien plus confortable de ne pas lever les yeux au delà de ses propres horizons et de se satisfaire d’une existence toute réglée. Le voyage de Mourad Raïs était une folle entreprise, son mode de vie en entier était tourné vers l’éclatement de ses propres limites, territoriales, religieuses, culturelles. Même si les rapines sont si douces qu’il est difficile d’arrêter.
A l’abordage de nos propres abords ! Voila la maxime qui me guide à l’occasion de ces combats judiciaires multiples que notre belle profession nous donne d’accomplir. Il faut sortir du carcan de nos propres convictions pour les questionner et les rebâtir. Une seconde dépasser ses propres abords. Ce qui m’empêche de dormir, depuis si longtemps, même dans la douce nuit de Salé-le-Vieux, est comme une agitation intérieure, une obsession, une faille.
Et ce métier me permet de la sonder. L’avocat qui sommeille en moi s’évertue à traquer cette plaie, la regarder et méditer assis sur une pierre au bord du lac blanc de l’existence. Quand je songe sans sommeil aux calvaires de mes frères humains, quand je revis le martyre de mon frère, mon compatriote, Ali, je me ronge et bondis et trouve quelque apaisement à fomenter des nouvelles rapines judiciaires. Pour ensuite en tirer une énergie de défense, ou d’attaque lorsqu’il convient de faire barrage au cliquetis de fer et aux rouages grinçants, engrenages bruyants d’une justice pénale qui écrase. Il faut alors préparer une barre du même acier trempé et la ficher d’un geste habile et ferme à l’endroit qui dans un fracas soudain stoppera la belle machine de fer et de sang et stoppera l’écrasement. En une espèce de guérilla judiciaire, de flibuste téméraire, et audacieuse, l’avocat est le grain de sable qui déraille la mécanique fluide, paresseuse et déterminée de la justice aveugle.
Mais il ne suffit pas de méditer, l’avocat tire son pouvoir de nuisance, de son arrogance, de son goût de la séduction, de sa force de persuasion, afin qu’avec des mots il puisse casser, brise les funestes desseins de l’injustice et de sa gueule monstrueuse remplie de dents acérées réclament encore plus de chairs à broyer.
Nous devons trouver l’oreille du juge, pas pour la lui tirer, mais bien pour qu’il écoute. Un juge ? Il faut l’apprivoiser et l’approvisionner. Mon Maître (maintenant je peux vous le dire, je l’ai conviée secrètement des le début de ce discours, et elle virevolte dans cette salle, de sa petite présence émouvante), Maître Anne Krywin, disait : « un magistrat ne vous écoutera réellement, ne se laissera mener sur vos rivages, qu’après une altercation violente, une bravade légitime, un coup de griffe ou de bec aux sages convenances. C’est à ce moment seulement, sale bête libre et teigneuse, qu’il vous respectera. Mais alors, alors il hissera plus haut, bien plus haut que vous ne le pourrez jamais le drapeau noir de la liberté »
Le juge ne fera jamais rien d’autre que ce que vous lui demanderez – hé donc demandez ! – mais ce jour-là, méfiez-vous, ou peut-être, au fond, réjouissez-vous ! Dès que la saisine le prend, la liberté que vous lui donnez est audacieuse – pour votre thèse, pour l’intérêt que vous défendez – car lorsque le juge se lance à l’abordage et quitte ses abords, et se pique de piraterie, c’est l’État qui tremble et plie le genou.

13. Peu à peu, l’âge d’or de la piraterie prend fin : l’ordre, la stabilité, la régularité du commerce international ne pouvaient plus s’accommoder de ces libres boucaniers festoyeurs. Exit le fameux capitaine Misson qui avait crée Libertalia, la cité pirate utopique ou le pirate Salmon, qui refusait de se décoiffer devant le Tout-Puissant ! La société de plus en plus ordonnée ne supporte plus les pirates, ceux qui rejettent explicitement l’État et lui déclarent la guerre. Ainsi en va-t-il des avocats et des juges pirates. Nos démocraties « libérales », cherchent à tout régir et à ce qu’une bonne gouvernance ordonnée, sage, confortable, réglemente toutes les facettes de nos existences.
On peut s’offusquer de ce que Wikileaks brise un tabou des relations internationales : le secret. Mais ces rapines électroniques ne font que répondre à la technologie envahissant nos vies professionnelles et privées. Les consuls de notre époque ne semblent pas avoir le sommeil troublé par les cris de misères des damnés de la terre. Si toute vérité est bonne à entendre, il faut d’abord la dire, et rompre ce secret permet de débusquer les coupables de désinvoltures.
Je reste bouleversé de l’inaction des diplomates et hommes politiques belges face à la situation de Ali Aarrass. Nous savons, grâce à Wikileaks, qu’ils sont parfaitement au courant de son calvaire judiciaire. Mais pas un ne met en cause les autorités marocaines pour faire cesser ce scandale ! Pas un ne s’insurge publiquement contre cette situation intolérable ! Sauf un avocat ! M. le bâtonnier Vandenberghe, alors sénateur, qui interpellait le ministre de la Justice, le 4 mars 2010 afin de le mettre en garde des risques pour le respect du procès équitable d’une collaboration entre les autorités judiciaires belges et marocaines dans le procès Belliraj (9) .
On peut trouver malodorant de fréquenter et défendre des islamistes. Catégoriser est tellement simple et trouver un ennemi qui est si différent bien commode. L’avocat brise ses propres rivages et fait un pas vers l’autre, celui qui est différent et souvent, pour le pénaliste, celui qui a commis les plus lourdes fautes. Il s’agit alors de tendre la main, de l’écouter, mais aussi de dire, de toujours rester ancré dans ses propres convictions ! Le renégat tourne sa casaque, l’avocat toujours vit de son serment, et garde sa liberté, son irrévérence et son franc-parler.
On peut sévèrement critiquer l’avocat procédurier qui cherche et rapine dan le Code d’instruction criminelle afin de faire tomber une accusation. De plus en plus de voix s’élèvent contre ce qui est condamné comme des « abus de procédure ». La procédure est le prix à payer pour la liberté, disait Montesquieu. Il nous appartient de ferrailler. Ne pas être radicale dans la défense laisse la place à une mollesse funeste peu compatible avec nos missions de défense.
Aujourd’hui, face à un État qui rêve de régenter tous les aspects de notre existence, face à la démesure des moyens technologiques à la disposition et cette obsession de l’ordre et de la tempérance non seulement des passions, mais aussi du gentil petit quotidien de nos vies privées, partons à l’abordage ! Mettons à sac ce palais de justice ! Prenons à chaque instant notre liberté de parole et écrivons et disons sans détour ce que nous pensons.
Je ne résiste pas à l’envie de vous quitter en mettant mes pas dans ceux de l’un des plus illustres d’entre nous. En 1968, à cette même tribune, le bâtonnier Jakhian vous disait : « Tant qu’il y aura (…) un seul homme qui sera bafoué avec la complicité des indifférents et des discoureurs, personne n’aura le droit de se porter en accusateur ou en thuriféraire. Ou alors taisons-nous. Continuons à aimer notre soif de plus de bien-être, de plus de loisirs, de plus de confort, mais, dans le même temps, réapprenons à ramper pour que nous puissions nous exécuter, lorsque ceux que nous aurons laissé faire s’imposeront à nous. Car ne vous y trompez, ceux la seront toujours au rendez-vous » (10).

Me Christophe Marchand

 

 

 

 

(1)Les références historiques qui suivent sont librement inspirées de : P.LAMBERT WILSON, Utopies pirates, corsaires maures et renegados, Dagorno, 1998 ; 139 pages et Bastions pirates – Une histoire libertaire de la piraterie, Aden, 2005, 62 pages.
(2)R.COINDREAU, Les corsaires de Salé, Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, Paris, 1948.
(3)Ceci se lit en anglais
(4)Comité des droits de l’homme, Nations Unis, Aarrass c. Espagne, G/SO 215/51 ESP (117), 26 novembre 2010, inédit
(5)J.BAUGNIET, « Réponse au discours de rentrée de Me Edouard Jakhian, « Pourquoi Caïn ? », discours prononcé à la séance solennelle de rentrée du 8 novembre 1968, J.T., 9 novembre 1948, p. 610.
(6)D. DE FOE, Les chemins de fortune – Histoire générale des plus fameux pirates, t.l, Libella (Poche), Paris, 2002, p. 123.
(7)Bruxelles (appel des référés), 21 février 2009, Bekhti c. Etat belge, arrêt n° 2009/1363, R.G. n° 2009/KR/31, inédit
(8)Le Monde, 12 mai 2009 et 14 mai 2009.
(9)Sénat de Belgique, Ann. Parl., sess. Plén., questions d’actualité, 4 mars 2010, n°4-130
(10)EDOUARD JAKHIAN, « Pourquoi Caïn ? », discours prononcé à la séance solennelle de rentrée du 8 novembre 1968, J.T., 9 novembre 1948, p. 610.

Didier Reynders, le Maroc et l’affaire Florence Cassez

dans ACTIONS/DOUBLE NATIONALITE par

Le mercredi 23 janvier, Farida, Dounia, Malika, Mohamed et moi avons participé à une conférence du ministre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR), organisée par le Mouvement Européen-Belgique. Thème de la conférence : “Belgique – UE, 60 ans d’union“.

Comme le ministre allait parler des « 60 ans de paix en Europe » et du « prix Nobel pour la Paix», accordé à l’Europe en 2012, nous nous sommes dit que c’était une bonne occasion, pour notre Comité des familles des détenus européens au Maroc, d´interpeller le ministre sur les relations avec le Maroc. Et en particulier sur son attitude par rapport aux prisonniers belgo-marocains dans les prisons marocaines.

Je vous épargne les détails du déroulement de cette conférence mais nous avons quand même réussi à poser une question : « Monsieur le ministre, ces derniers mois vous avez fait plusieurs déclarations, insistant sur la nécessité d’améliorer et de renforcer nos relations avec le Maroc. Comment pouvez-vous justifier votre position quand, en 2012, il y a eu au moins cinq rapports d’organisations internationales, dont le rapport du Rapporteur sur la torture de l’ONU Juan Mendez et celui du CNDH, qui dénoncent la torture systématique et généralisée, pratiquée au sein du système judiciaire et carcéral du Maroc ? Et, dans ce même cadre, comment pouvez-vous justifier votre abandon des détenus belgo-marocains au Maroc ? ».

Était-ce à cause de la présence dans la salle des familles des détenus ? En tout cas, le ministre n’a pas sorti l’argument habituel de la double nationalité  pour justifier l´inertie du gouvernement belge à l´égard des détenus belgo-marocains.

Il a répondu deux choses. « D’abord », a-t-il dit, « il faut traiter les affaires des détenus cas par cas. Il y a des personnes que je n’aimerais pas voir sortir de prison, ni au Maroc ni ici. Et deuxièmement, à chaque rencontre avec les autorités marocaines, nous mettons le dossier des droits de l’homme sur la table. Comme on le fait avec les autorités turques et d’autres pays. Ce serait facile de rompre avec tous ces pays. Dans ce cas, je pourrais me retirer tranquillement à la campagne ». Nous n’avons pas eu l’occasion de lui répondre.

Mais voici qu’un autre événement s’est produit le même jour, qui permet d’évaluer la réponse de notre ministre à sa juste valeur. C’est une affaire qui concerne la France. Mais, toutes proportions gardées, elle concerne également la Belgique : dans les dossiers internationaux, la Belgique ne fait pas exception à la politique européenne. Et elle agit et se comporte exactement de la même manière que ses grands voisins.

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La France fait libérer la Française Florence Cassez.

Le mercredi 23 janvier 2013, la Française Florence Cassez a été libérée par la Cour suprême mexicaine. Cette Cour a reconnu « la violation des droits de Florence Cassez » et a ordonné sa libération immédiate. Avec son ami, Florence Cassez avait été arrêtée en 2005 et inculpée pour « quatre enlèvements, séquestration, association de malfaiteurs, possession d’armes à feu et de munitions à l’usage exclusif des forces armées ». Condamnée à une peine de 96 années de prison, la Cour d’appel confirmait cette condamnation, tout en réduisant la peine à 60 ans. Puis, la Cour de cassation rejetait le pourvoi de la Française. Contre une presse mexicaine qui prétend le contraire, Florence a toujours clamé son innocence : « Au Mexique, la police fabrique des coupables, avec de fausses preuves ». Et sur les aveux de son compagnon, elle disait : « .. un certificat médical prouve qu’il a été torturé, juste avant ses aveux ».

Florence Cassez (38 ans) est restée en prison pendant sept ans. Sept ans de bataille juridique sans relâche. Sept ans de campagne de solidarité en France, Belgique, Canada, Suisse, Irlande, Allemagne[1] dont elle dit aujourd’hui : « Quand j’étais seule dans ma prison, les médias français ne m’ont pas laissé tomber. Si personne n’avait plus parlé de moi, si j’étais tombée dans l’oubli, ça aurait été la pire des choses. Moralement, d’abord ; et puis, je ne sais pas ce qu’il serait advenu de moi ». Sept ans de pression de la France par 500 parlementaires et par les présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, qui ont mis tous les moyens pour obtenir sa libération.

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En 2009 déjà, Sarkozy intervient auprès du président mexicain Calderon pour demander le transfert de Florence Cassez vers la France. Celui-ci refuse. A partir de là, l’affaire Cassez deviendra une affaire d’Etat et provoquera une vraie crise diplomatique entre la France et le Mexique.

En février 2011, Sarkozy décide de dédier la manifestation « L’ Année du Mexique en France » à Florence Cassez. Cette manifestation, préparée pendant deux ans, avait comme objectif de « favoriser la coopération dans les secteurs économique, culturel, touristique, éducatif, scientifique et technologique, de la santé, et du développement durable » entre les deux pays. Suite a la décision de Sarkozy, le gouvernement mexicain décide de se retirer de l’Année du Mexique en France ! Au total, plus de 350 événements prévus au cours de cette année, pour un budget de l’ordre de 50 millions d’euros, tombent à l’eau.

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Les cris de désespoir des détenus européens au Maroc ont-ils moins de valeur que ceux de Florence Cassez ?

Nous nous félicitons de la libération de Florence Cassez, qui nous apprend plusieurs choses.

Elle nous montre d’abord que, s’il y a violation des droits d’un détenu européen, au Mexique comme au Maroc, il est tout à fait possible de faire transférer ou même de libérer ce détenu, à condition que l’État, dont le détenu est citoyen, mette la pression. Dès que la volonté politique existe, fini les discours que les familles des détenus européens au Maroc ont dû entendre si souvent de la part de nos ministres successifs sur « le respect de la séparation des pouvoirs », sur « la non-ingérence dans les affaires d’un autre pays », sur « l’impossibilité de notre gouvernement de faire quoi que ce soit, malgré notre bonne volonté », sur « la nécessité de laisser faire son travail à la justice ». Il est clair que ce n’est pas, comme le prétend le ministre Reynders, en mettant « les dossiers de droits de l’homme sur la table » qu’on va résoudre une affaire, mais en mettant la pression, s’il le faut jusqu’à la crise diplomatique.

Ensuite, le cas de Florence Cassez nous montre que ce n’est pas le rôle de nos États de porter un jugement « au cas par cas », comme le prétend le ministre Reynders. Même si le détenu est accusé et condamné pour des faits gravissimes, comme dans le cas de Florence, le rôle de nos États n’est pas de se mettre à la place de la justice et de dire si une affaire est digne de s’en occuper ou pas, ou si un détenu a le droit de sortir ou non.

Nos États ont le devoir de veiller sur le respect des droits fondamentaux de n’importe quel détenu, quel que soient le cas ou les faits reprochés. Tant dans la lutte contre le fléau des enlèvements et de la drogue au Mexique, que, plus encore, dans la lutte antiterroriste au Maroc, les indices et les preuves, cités dans les rapports internationaux, sur les violations des droits fondamentaux des détenus sont systématiques. A cette situation systémique, nous demandons une réponse systémique, c’est-à-dire une intervention valant pour tous. Juger au cas par cas ne peut conduire qu’à l’arbitraire, ce qui est contraire aux principes d’un État de droit et contraire à la Convention internationale contre la torture que la Belgique et les autres pays européens ont signé.

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Enfin, et c’est là que le bât blesse, comment comprendre l’attitude différente des pays européens quand il s’agit du Maroc et du Mexique ? Il y a là une preuve irréfutable d’une politique de deux poids, deux mesures de la part de nos gouvernements européens. Comment expliquer que la France (et la Belgique) restent muets quant aux appels à l’aide des détenus franco-marocains (et belgo-marocains) dans les prisons marocaines ? Prenons trois cris d’alarme récents de la part des détenus européens venant des prisons au Maroc.

En octobre 2012, des dizaines de détenus européens publient un « Appel aux vivants » :  « La plupart de nous n’ont pas eu le droit à un procès équitable et ont fait l’objet de maltraitances physiques. Certains d’entre nous ont été torturés dans le centre de torture à Temera près de Rabat. Ou l’on nous a soutiré des aveux sous la torture physique souvent pour des affaires politiques, d’opinion, de règlement de compte ou autres. Nos différentes demandes et sollicitations auprès des pays de l’Union européenne sont restées jusque là sans réponse. »[2]

Un mois plus tard, en novembre 2012, le site Slate Afrique publie des témoignages accablants sur l’enfer de la prison de Tanger et l’abandon des détenus franco-marocains en particulier.[3]

En janvier 2013, le Français El Mostafa Naïm (numéro d’écrou 561, Prison de Salé 2) écrit dans une lettre au président français Hollande : « Après avoir été enlevé en Espagne (port d’Algeciras) par des agents marocains en civils, je suis  incarcéré au Maroc depuis 26 mois, alors qu’officiellement, je ne me trouve même pas dans le pays. J’ai même eu droit à une phrase, plus qu’éloquente sur l’immobilisme, voire la gêne manifeste qui entoure mon dossier : ” On ne peut pas intervenir de crainte de créer un conflit diplomatique.[4] »

L’ Europe (Prix Nobel de la Paix en 2012 !) accepte l’inacceptable du Maroc, allié stratégique…

L’Europe considère le Maroc comme son rempart contre l’immigration clandestine et le terrorisme. C’est la raison principale de son silence quant aux droits des détenus.

Récemment on pouvait lire : « ..le Maroc est à la fois le principal allié de la France et l’Espagne face à ce qu’elle considère comme les principales menaces à sa sécurité, mais aussi le pays par lequel le mal arrive…Pour la France et l’Espagne, le Maroc est à la fois un allié fiable par la volonté de son gouvernement et de son roi, par sa stabilité institutionnelle, mais le royaume est aussi le pays par qui le mal arrive, en particulier concernant l’immigration clandestine et le terrorisme. [5]». On parle de la mise sur pied d’un « G4 sécuritaire » entre le Maroc, la France, le Portugal et l’Espagne. Lors du sommet entre ces quatre pays, la semaine dernière, le ministre marocain de l’Intérieur a réaffirmé « le soutien sans réserve du Maroc à l’intervention militaire française au Mali pour défendre la souveraineté de ce pays africain ». Quelques mois avant, la France avait déjà proposé au Maroc un effacement partiel de ses dettes militaires, en échange d’un soutien logistique des Forces Armées Royales (FAR) à la force d’intervention militaire africaine au Nord-Mali.

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Au niveau judiciaire également, le Maroc est un partenaire avec lequel les pays européens collaborent sans problème et sans gêne. Quoi que dise le ministre Reynders aux familles des détenus sur « les dossiers du droit de l’homme mis sur la table », la réalité est qu’on assiste à une collaboration entre la Belgique et le Maroc comme jamais auparavant. La nouvelle ministre de la justice Turtelboom (VLD) dans le gouvernement Di Ruppo (PS) déclarait dans la Commission de la justice de la Chambre, le 2 mai 2012 :   « Après la France, la Belgique est le premier partenaire du Maroc en matière de collaboration judiciaire… J’ai abordé, avec mon homologue marocain, des matières comme le transfèrement des détenus marocains condamnés, la collaboration en matière de d’affaires pénales et civiles, l’échange d’informations liées à la problématique de l’identification et aux rapts internationaux d’enfants. »

… et partenaire économique privilégié

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Au niveau économique aussi, ce sont les intérêts, et non pas les valeurs européennes, qui déterminent la politique à suivre vis-à-vis du Maroc ou du Mexique. Quelle est la différence entre le Mexique et le Maroc ? Pour le Mexique : « Force est de constater que la France est loin d’être un partenaire stratégique de la deuxième économie latino-américaine. La France n’est que le quarantième fournisseur du Mexique, qui lui-même n’arrive qu’au soixantième rang des clients de l’Hexagone… De fait, l’économie mexicaine reste très dépendante du grand voisin américain, qui absorbe 80% de ses exportations. Côté investissements, la France, là encore, n’est qu’un acteur secondaire puisqu’elle pèse à peine 0,2% des sommes investies dans ce pays. » [6]

C’est tout le contraire pour les relations de la France avec le Maroc : « La France est le premier partenaire commercial du Maroc en 2011. Les échanges commerciaux franco-marocains se sont élevés à 7,4 milliards d’euros en 2011. En 2011, la France est restée le premier fournisseur du Maroc, avec 13,9% de part de marché. … La France est également le premier client du Maroc dont elle a absorbe 20,3% des exportations en 2011.. »[7]. Sur les relations économiques entre la Belgique et le Maroc, le ministre Van Ackere disait en 2010 : « En 2009, la Belgique a exporté pour 520 millions d’euros au Maroc, ce qui en fait le douzième fournisseur du Maroc. La Belgique a importé pour 321 millions d’euros du Maroc, ce qui en fait le septième client du Maroc. Les entreprises belges sont actives au Maroc, notamment dans le secteur de l’extraction minière, du textile et de la construction métallique, ainsi que dans le secteur des services. Dans le secteur de la construction et du tourisme aussi, plusieurs entreprises occupent une présence marquée au Maroc. Et par le biais d’un consortium espagnol, belge et marocain, des Belges sont impliqués dans l’aménagement du tram de Casablanca. Dans notre pays, le Maroc investit dans les secteurs bancaire et chimique. »

C’est bien d’une politique européenne qu’il s’agit, le Maroc ayant obtenu le statut « avancé » dans ses relations avec l’Europe en 2008 et depuis les affaires ne cessent de s’améliorer. Comme l’a encore souligné le président de la Commission parlementaire Maroc-UE, Panzeri, lorsqu’il était en visite au Maroc[8] pour discuter de nouveaux accords pour un « partenariat stratégique entre le Maroc et l’UE » : « Le Maroc est le partenaire privilégié de l’Union européenne, particulièrement dans le domaine économique».  Six mois plus tard, Hugues Mingarelli, responsable au Service européen d’action extérieure pour les relations avec l’Afrique du Nord reprend la même idée : « Le Maroc est pour l’Union européenne un partenaire de première importance et nous devons tout faire pour nous assurer que cette relation se développe dans le sens des intérêts du Maroc .»[9]

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Florence ou Ali, la discrimination à peine voilée

Enfin, on peut parler de discrimination à peine voilée envers les communautés d’origine arabe, et de confession musulmane en particulier, et les citoyens de cette origine, qui ont pourtant subi les mêmes horreurs, ou pires, que Florence Cassez dans les prisons marocaines. Au niveau européen, ces communautés sont plus considérées comme un ennemi intérieur potentiel, que comme des citoyens à part entière. Partout en Europe, les associations « immigration/criminalité » et « Islam/terrorisme » ont pour effet que les appels à l’aide ne sont pas entendus. Et l’Europe se sert de l’argument de la double nationalité pour justifier son inaction, voire sa complicité.

La libération de Florence Cassez ne peut que nous encourager.

C’est grâce à un travail judiciaire, un comité de soutien et une volonté politique que Florence Cassez est libre aujourd’hui. De ces trois piliers, nous en avons déjà construit deux. A nous de briser l’indifférence. A nous de faire du sort des détenus européens au Maroc un enjeu politique, dont tous les partis et tous les candidats devront tenir compte aux élections de 2014.

Par Luk Vervaet

http://www.egalite.be/?p=5342



« En 2013, libérons Ali Aarrass ! » : le message de la Campagne Free Ali Aarrass pour une nouvelle année de lutte

dans ACTIONS/ARTS par

Cliquez ici : Signez la pétition : Libérez Ali Aarrass

Luk Vervaet et Farida Aarrass.

Le 13 janvier à Molenbeek (Bruxelles), un « Goûter pour Ali Aarrass » a rassemblé plus de cent personnes. Un bon début pour une nouvelle année de lutte. Voici notre bilan de la campagne pour la libération d’Ali, menée en 2012, et les perspectives pour 2013.

« Le 11 janvier 2013, aux États-Unis, on célébrait le 11ème anniversaire de l’ouverture de la base de Guantanamo, devenue par la suite la prison la plus controversée au monde. Déjà en juillet 2004, des inspecteurs de la Croix Rouge accusaient les militaires américains de Guantanamo d’y commettre « d’actes d’humiliation, d’enfermement en isolement, d’exposition à des températures extrêmes, d’usage de positions insoutenables ». En mai 2005, Amnesty International a surnommé Guantanamo le « Goulag des temps modernes ». Au cours des années, 600 des 800 cents présumés terroristes qui y ont été détenus, la plupart arrêtés, achetés ou kidnappés après l’attaque américaine contre l’Afghanistan, ont été relachés sans inculpation, ni procès. Malgré les promesses d’Obama de fermer cette prison, située géographiquement hors du territoire des États-Unis, et, en conséquence, hors de toutes les règles de droit et normes existantes, elle est toujours ouverte : Guantanamo détient aujourd’hui toujours 166 détenus.

 Si nous vous parlons de Guantanamo, ce n’est pas pour vous démontrer une nouvelle fois le caractère impitoyable du monde occidental d’aujourd’hui. Ni pour vous rappeller que l’existence de Guantanamo est un scandale juridique, politique et moral au niveau international.

Aujourd’hui, tout le monde le sait.

Nous vous parlons de Guantanamo pour rendre hommage à cette poignée de détenus, d’avocats, de journalistes et d’activistes qui ont osé commencer, il y a onze ans, le combat contre l’existence de cette prison. Ils n’étaient pas plus nombreux que le nombre d’activistes qui se mobilisent aujourd’hui pour Ali Aarrass. Cette petite minorité s’est vue menacer et traiter de tous les noms : d’être des « traîtres » jusqu’à des « sympathisants ou des associés de terroristes ». Elle a dû se battre contre une opinion publique et des médias, qui étaient en faveur de l’utilisation de la torture dans les affaires, dites terroristes. Ils ont dû combattre une indifférence totale par rapport à la situation de ces détenus, qui, dans l’opinion publique, ne subissaient ce qu’ils méritaient. Bien qu’ils n’étaient qu’une minorité, ils ne se sont pas isolés ou retranchés. Ils sont restés ouverts au monde. Ils ont continué à rechercher des nouvelles voies pour faire passer leur message. Ils ont réussi à créer des liens de soutien parmi des tendances politiques et sociales des plus diverse, au sein de certains médias et parmi l’opinion publique.

C’est grâce à cette minorité que le scandale de Guantanamo a éclaté, que ce qui était caché et nié a vu le jour, que des détenus ont été libérés et que Guantanamo restera pour toujours une tâche sur le drapeau américain. Cette minorité qui s’est battu et se bat toujours contre Guantanamo, est une source d’inspiration pour notre lutte contre les Guantanamos marocains et la complicité belge.

 2012

 A notre petite échelle, c’est grâce à la ténacité d’Ali Aarrass et de sa famille, grâce à une campagne de solidarité internationale soutenue par des dizaines de volontaires anonymes et un travail juridique sans relâche que l’affaire d’Ali Aarrass est devenue un symbole. Un symbole contre la torture et contre les procès inéquitables au Maroc. Symbole contre les arrestations arbitraires et les extraditions illégales. Symbole contre une complicité internationale entre les états marocain, espagnol et belge. Et, en Belgique en particulier, Ali Aarrass est devenu un symbole contre les discriminations et le racisme d’état, liés à la double nationalité.

 Qu’avons-nous réalisé en 2012 ?

D’abord, il y a eu le travail juridique sans relâche du Cabinet Juscogens avec Maitres Cohen, Marchand et Alamat à Bruxelles et Maitres Dadsi et Jallal au Maroc. Leurs plaidoiries devant le tribunal, leurs communiqués de presse, leur présence et leurs appels sans arrêt aux autorités marocaines et aux organisations internationales concernant la situation d’Ali Aarrass ont suscité une admiration internationale.

En janvier 2012, seize parlementaires, issus du PS, d’Ecolo, du cdH, du FDF, de Groen et du sp.a, ont signé une lettre au ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders (MR), pour demander une intervention urgente de la Belgique auprès des autorités marocaines pour Ali Aarrass. Parmi les seize parlementaires figuraient Olivier Maingain (FDF), Nadia El Yousfi, Jamal Ikazban et Patrick Moriau (PS), Zoé Genot, Zakia Khattabi, Céline Delforge et Juliette Boulet (Ecolo), Ahmed El Khannouss et Mahinur Özdemir (cdH), Bert Anciaux (sp.a) et Eva Brems (Groen). Ils demandaient « que les autorités marocaines s’expliquent sur les nombreuses infractions contre les droits de l’Homme commises dans cette affaire, soulevées et dénoncées par de nombreuses organisations internationales« .

Lancée comme pétition en décembre 2011, c’est en mars 2012 que dix-huit parlementaires britanniques, tous partis confondus, demandent dans une pétition au gouvernement britannique d’intervenir pour Ali Aarrass et de se joindre aux organisations contre la torture dans leur demande de faire justice à Ali Aarrass. Le rôle du parlementaire Jeremy Corbyn qui a au moins adressé trois lettres en 2012 à l’ambassadrice marocaine Laila Joumala Alaoui doit être souligné.

En mars 2012, le ministre Reynders doit répondre à une nouvelle interpellation de Zoé Genot (Ecolo). Après avoir répété, comme son prédécesseur Van Ackere, que la Belgique n’a « aucunement l’intention d’intervenir pour un Belgo-Marocain au Maroc », ni de « l’assurer quelconque protection consulaire », il n’exclut toutefois pas « d’en parler avec son homologue marocain ».

En avril, mai et juin, des délégations de solidarité partent de la Belgique et de Melilla à Rabat pour participer aux procès en appel.

Le secteur artistique aussi se mobilise pour Ali Aarrass pendant l’année 2012.

En mai, Nicolas Ingargiola lance une campagne internationale de photos.

Quelques centaines de personnes – de la Mecque à Melilla, de Tunis à Casablanca, de Bruxelles à Gaza – se font photographier avec le texte « Free Ali Aarrass now ». C’est un déferlement sur le net de mots d’encouragement, de sympathie et un appel à sa libération immédiate!

En juin, le cinéaste Mohamed Ouachen lance son nouveau film documentaire « ‎Ali Aarrass pour l’exemple » lors d’une première à l’Espace Magh à Bruxelles. Une dizaine d’artistes y participent, quelques centaines de personnes remplissent la salle. Le film sera ensuite montré au Festival du Cinéma méditerranéen. Duo créée à l’occasion du lancement du film, les Dalidettes réalisent un clip pour Ali Aarrass : « Laissez-le rentrer ». Le groupe Hydra enregistre son morceau : « Ali Aarrass est innocent ». Le rappeur Sefyu soutient Ali Aarrass. Le poète el Kalam écrit le poème : « Ce cri est devenu sacré : « Libéréz Ali Aarrass ! »

Au mois d’août, pendant le mois du Ramadan, Farida Aarrass, avec une équipe de jeunes volontaires, organise une rupture du jeûne « Ftor pour Ali Aarrass » en soutien à la campagne Free Ali. Quelques centaines de personnes participent.

En septembre 2012, Juan Mendez, le rapporteur spécial sur la torture de l’ONU rencontre Ali Aarrass à la prison de Salé I.

Le 24 septembre 2012, la plus grande délégation internationale depuis le début de la campagne, composée d’une quarantaine de Belges, d’Anglais, d’Espagnols et de Français et des journalistes britanniques et néerlandais se rend à Rabat pour la dernière audience dans le procès en appel d’Ali Aarrass. Parmi eux : la professeure Penny Green de Londres, l’ex-sénatrice française et parlementaire européenne Alima Boumédienne, Maitre Marc Nève, membre et ancien vice président du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (Conseil de l’Europe). La délégation organise une conférence de presse avec l’AMDH (l’Association marocaine des Droits Humains) à Rabat et un sit-in devant la prison et le tribunal.

Le verdict en appel tombe le 1 octobre 2012 : 12 ans de prison, une diminution de trois ans par rapport au jugement en premier instance. Suite à ce verdict, les avocats d’Ali Aarrass publient un communiqué : « Le Maroc poursuit sur le chemin de la honte ». A Londres, l’organisation State Crime Initiative publie : « State crime and the War on Terror: the trial of Ali Aarrass ». A Bruxelles, fin octobre, nous participons à la Journée mondiale contre l’injustice, l’arbitraire et la torture au Maroc avec une manifestation devant le consulat du Maroc.

En novembre, Farida Aarrass parle au 13ème festival d’Attac lors du film sur « Abdelkrim ou la guerre du Rif » de Daniel Cling, suivi d’un débat « Maroc : La lutte continue.. ! »

A partir de décembre 2012, les autorités marocaines, sous la pression, cèdent enfin à la demande à l’aide médicale d’Ali Aarrass. Ali Aarrass est examiné par des médecins pour ces problèmes physiques et psychologiques, dus à la torture et l’enfermement prolongé.

En décembre 2012, en Belgique, différentes familles de détenus belgo-marocains au Maroc joignent leurs forces. Elles décident d’organiser une manifestation mensuelle, chaque premier dimanche, autour du monument à l’honneur de l’immigration marocaine en Belgique.

2013

Quand nous parcourons cette liste d’activités et d’actions en 2012, nous en tirons deux conclusions pour 2013.

D’abord, au niveau judiciaire et au niveau de la campagne, il nous faut continuer le combat dans le même sens, avec la même conviction, avec la même énergie. Ce combat juridique et militant restera la base de la campagne pour faire libérer Ali Aarrass.

 Voici les 4 activités qui s’annoncent pour les mois à venir.

A partir de février 2013, le film de Mohamed Ouachen « Ali Aarrass pour l’exemple », sera disponible, parlé français, sous-titré en anglais. Ce DVD sera notre nouveau livre. Il sera notre principal moyen de communication pour faire connaître l’affaire d’Ali Aarrass autour de nous. 1000 exemplaires de ce DVD attendent à être diffusés. Ce DVD sera notre première source pour payer les frais du procès et de la détention. La somme entière de la vente du DVD sera versée dans la caisse de la Campagne Free Ali Aarrass.

Le lundi 1 avril 2013, cela fera jour pour jour 5 ans qu’Ali Aarrass a été arrêté et incarcéré. Nous organiserons un grand événement à l’occasion de ce 5ème anniversaire pendant le week-end du 29 au 30 mars.

Le dimanche 26 mai 2013, auront lieu les 20 km de Bruxelles. La campagne Ali Aarrass y participera pour Ali en portant le t-shirt avec sa photo. Soyons au rendez-vous le 26 mai, et courons tous ensemble côtes à côtes dans les rues de Bxl pour Ali Aarrass ! Les inscriptions débutent le samedi 23 mars à 9h.

Enfin, chaque premier dimanche du mois de 12 à 14 heures, nous invitons les sympathisants d’Ali Aarrass à rejoindre le rassemblement mensuel des Familles des détenus européens dans les prisons marocaines (Boulevard Stalingrad, monument La Passionaria).

Rectifier notre point faible : le soutien politique de la Belgique.

La parlementaire Zoé Genot (Ecolo) a fait plusieurs interpellations au parlement. 16 autres parlementaires ont signé une lettre au Ministre. C’est un bon début. Mais nous nous réalisons aussi que notre point faible reste le silence du monde politique belge. Notre point faible, c’est le refus systématique du gouvernement et des parlements belges de faire quoi que ce soit pour Ali, de lui venir en aide, de réclamer justice pour leur citoyen. Faisons de sorte que l’affaire Ali Aarrass devienne une affaire d’état. En 2013, rassemblons un soutien aussi large que possible autour de l’affaire Ali Aarrass pour obliger le parlement et gouvernement à changer d’attitude et de bouger.

Commençons par les conseils communaux. Introduisons une motion de soutien à Ali Aarrass à l’occasion du cinquième anniversaire de la détention d’Ali Aarrass au sein des conseils communaux. Et, tout le long de l’année 2013, interpellons chaque candidat de chaque parti qui veut se présenter pour les élections en 2014. A nous de faire du sort d’Ali Aarrass un enjeu politique, dont tous les partis et tous les candidats devront tenir compte aux élections de 2014.

Notre combat est juste.

Nous vaincrons ! »

La Fondation Alkarama (octobre 2012) sur deux Belges, détenus aux Maroc : Ali Aarrass et Hicham Bouhali Zriouil.

dans ORGANISATIONS POUR LES DROITS DE L'HOMME / FOR HUMAN RIGHTS par

Sur le Belge Ali Aarrass

 

« Le cas de M. Ali Aarrass, citoyen Belge d’origine marocaine, bien que déjà cité dans le rapport alternatif soumis au Comité, nous semble particulièrement éloquent sur l’absence de sérieux dans les enquêtes relatives aux allégations de tortures à la lumière des derniers éléments relatifs à l’expertise médicale qu’il a subi.

Rappelons qu’il a été arrêté à Algésiras, en Espagne le 1er avril 2008 et placé en détention, avant d’être extradé vers le Maroc 14 décembre 2010, malgré la demande expresse du Comité des droits de l’homme de ne pas l’extrader, en raison des risques de torture qu’il encourrait au Maroc. Dès son arrivé au Maroc, il a été détenu au secret pendant plus de dix jours, sauvagement torturé et contraint de signer des aveux, en arabe, langue qu’il ne lit pas. C’est sur la base de ces aveux obtenus sous la torture qu’il a été condamné le 24 novembre 2011 à 15 années d’emprisonnement ferme.

A la suite de sa saisine du Comité contre la Torture, M. Aarrass a fait l’objet d’une expertise médicale pour vérifier ses allégations, ce qui n’est que très rarement le cas pour les nombreux autres détenus condamnés sur la base d’aveux sous la torture et pour lesquels les juges ne prêtent aucune attention à leurs allégations.

Cet examen mené par 3 médecins désignés par le Procureur général près la Cour de Rabat, et qui a conclu à l’absence « de traces pouvant être en rapport avec des actes de torture allégués », a été analysée par un médecin indépendant de l’association IRCT (International Rehabilitation Council for Torture Victims), qui en a relevé les nombreuses failles.

Il souligne que ce rapport médico-légal est « bien en deçà des normes internationalement admises pour l’examen médical des victimes de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels qu’il sont définis par le Protocole d’Istanbul ».

Il précise notamment que le rapport médico-légal très bref, « ne fournit presque aucun détail sur les examens effectués, et une description très partielle des résultats de ces examens.[…] Aucune tentative n’est faite dans le rapport pour corréler, ou non, les résultats de l’examen physique avec les allégations de torture, ni d’ailleurs avec des antécédents de traumatisme. […] Il n’apparait nulle part que M. Aarrass ait consenti à cet l’examen, ni dans quelles conditions ce dernier s’est déroulé (durée de l’examen, autres personnes présentes, détenu menotté ou non etc). […] Il relève l’absence de diagrammes du corps d’appui et de photographies annexées au rapport qui indiqueraient plus précisément la position anatomique et la nature des marques indiquées[…].

Le rapport médical ne fait aucune mention d’une évaluation psychologique ou psychiatrique, en dépit des problèmes de concentration, la peur et le stress excessif décrits par la victime. Il s’agit d’une omission importante de l’évaluation et du rapport, qui démontre que l’examen n’est pas conforme aux normes internationales pour l’évaluation des allégations de torture».

On peut ainsi légitimement s’interroger sur l’indépendance des médecins désignés par les autorités de l’Etat partie pour effectuer des expertises médicales et pour enquêter sur les allégations de tortures comme dans le cas de M. Bouchta Charef, cité en exemple par les autorités marocaines dans ses réponses aux recommandations finales du CAT.

Il convient de rappeler qu’après la publication de la vidéo relative à M. Bouchta Charef postée le 19 avril 2011 sur Youtube, dans laquelle il témoigne des tortures subies lors de sa détention au secret à Témara et notamment d’avoir été violé par ses geôliers au moyen d’une bouteille, et de son appel à des associations médicales indépendantes à venir constater les violations subies par les détenus dans les prisons marocaines, les autorités du pays on accordé une attention particulière à cette affaire fortement médiatisée.

L’expertise en question avait été réalisée par des médecins choisis par l’administration pénitentiaire en présence d’agents des services de sécurité. M. Charef a fait savoir qu’il avait vécu cet examen médical comme une humiliation supplémentaire et a contesté les conclusions des experts en continuant à revendiquer le droit d’être examiné par des médecins indépendants pour vérifier ses allégations.

Ainsi, la dénonciation publique de la torture par le ministre de la Justice laissait espérer des mesures concrètes pour mettre un terme définitif à cette pratique à commencer par des enquêtes sérieuses et indépendantes sur les allégations de tortures et la poursuite des auteurs.

Or, tous les cas cités ci-dessus illustrent que les interventions des autorités marocaines dans les affaires les plus médiatisées et les expertises menés par des médecins choisis par les autorités sont insuffisantes. Ces médecins mènent des examens en toute hâte et en présence de membres des services de sécurité. Ces conditions ne sont pas conformes au Protocole d’Istanbul relatif aux standards internationaux d’enquête sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Quant aux médecins légistes indépendants, proposés par les associations pour mener des expertises médicales pour les détenus qui ont affirmé avoir été torturés, ils sont systématiquement refusés par l’administration pénitentiaire, qui reste nous le rappelons, placée sous l’autorité directe du Palais royal et non du ministère de la justice ». (page 7)

 

Sur le Belge Hicham Bouhali Zriouil

 

« Malgré ces recommandations, la loi anti-terroriste 03-03 reste toujours en vigueur dans sa forme initiale. Elle n’a pas été révisée tant pour la question relative à la définition même du terrorisme que pour celle des délais de garde à vue et des garanties fondamentales des prévenus.

Ainsi, la même définition vague et extensive du terrorisme reste applicable ainsi que le fait que la faculté de poursuivre des personnes pour les délits d’apologie et d’incitation au terrorisme, définis d’une manière particulièrement vague et sans que les faits poursuivis ne comportent nécessairement un risque concret d’action violente.

De nombreuses personnes restent à ce jour détenues après avoir été condamnées en vertu de cette loi. D’autres sont, encore aujourd’hui, arrêtées ou extradées sous l’emprise de cette loi, y compris pour des motifs politiques.

C’est ainsi que M. Hicham Bouhaili Zriouil, citoyen Belge d’origine marocaine, accusé de terrorisme et arrêté en Syrie le 25 juillet 2011, a été extradé vers le Maroc le 11 octobre 2011, par la force et pour des motifs inconnus, alors que la Belgique, pays dont il est ressortissant, avait émis un mandat d’arrêt international contre lui.

A son arrivé au Maroc, M. Bouhaili Zriouil a été détenu au secret et interrogé pendant plus d’une semaine par les services de sécurité et contraint de témoigner contre lui-même sous la contrainte.

Il a été accusé de « formation d’un groupe terroriste en vue de commettre des actes terroristes et l’agression intentionnelle de la vie d’autrui et à leur sécurité » , d’« atteinte à la sûreté nationale », d’« incitation à l’intimidation et à la violence » et d’« incitation d’autrui à commettre des crimes terroristes », et, bien qu’il ait formellement nié toutes ces accusations il a été condamné à vingt années d’emprisonnement ferme par la cour criminelle de Rabat, le 23 février 2012, le juge, s’étant basé pour justifier cette condamnation exclusivement sur les procès verbaux d’enquête préliminaire établis par les services de sécurité marocains et sur les procès verbaux d’audition de M. Zriouil établis au cours de sa garde à vue durant laquelle il a subi menaces et traitements cruels, inhumains et dégradants. Comme dans la grande majorité des affaires de terrorisme, aucune preuve ni aucun élément matériels n’ont été produits par l’accusation pouvant justifier la condamnation ». (Page 5)

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