BRAVO à l’équipe Ali Aarrass aux 20 km de Bruxelles (reportage photo))

Français : Extrait Amnesty International Rapport 2013 La situation des droits humains dans le monde :
« Maroc : Lutte contre le terrorisme et sécurité
Les personnes soupçonnées d’actes de terrorisme, entre autres infractions liées à la sécurité, risquaient d’être torturées ou maltraitées et de ne pas bénéficier d’un procès équitable.
Ali Aarass, reconnu coupable en novembre 2011 d’appartenance à une organisation terroriste, a vu sa peine de 15 ans d’emprisonnement ramenée à 12 ans par la cour d’appel de Salé. Un recours en cassation était en instance à la fin de l’année. Cet homme avait été extradé par l’Espagne vers le Maroc en décembre 2010, en violation de mesures provisoires ordonnées par le Comité des droits de l’homme [ONU] car il risquait d’être torturé et maltraité au Maroc. Il aurait été contraint de faire des « aveux » sous la torture.
En août, le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] a conclu que la détention de Mohamed Hajib, ressortissant germano-marocain, était arbitraire ; il a demandé au gouvernement marocain de remettre cet homme en liberté. Mohamed Hajib avait été déclaré coupable en 2010 d’infractions liées au terrorisme sur la base d’aveux qui auraient été obtenus sous la torture pendant sa détention provisoire, en l’absence d’un avocat. Il avait été condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement, qui a été ramenée à cinq ans en janvier. Il était maintenu en détention à la fin de l’année. Ses allégations de torture n’ont pas fait l’objet d’une enquête. »
English : excerpt from Amnesty International Annual Report 2013 The State of the Human rights in the world
« Morocco : Counter-terror and security
People suspected of terrorism or other security-related crimes were at risk of torture or other ill-treatment and unfair trials.
Ali Aarrass, who was convicted of belonging to a terrorist organization in November 2011, had his 15-year prison sentence reduced to 12 years by the Sale Court of Appeal. A further appeal to the Court of Cassation was pending at the end of the year. He had been extradited from Spain to Morocco in December 2010 contrary to interim measures issued by the UN Human Rights Committee due to a risk of torture and other ill-treatment in Morocco. He was reported to have been made to « confess » under torture.
In August, the UN Working Group on Arbitrary Detention declared the detention of Mohamed Hajib, a Moroccan/German national, to be arbitrary, and urged the Moroccan authorities to release him. He was convicted of terrorism offences in 2010 on the basis of a confession allegedly obtained under torture while he was held in pre-trial detention and denied access to a lawyer. Mohamed Hajib received a 10-year prison sentence, reduced to five years in January. He was still held at the end of the year. The authorities did not investigate his torture allegations. »
AI Rapport 2013 : Le Maroc et Sahara Occidental
AI Report 2013 : Morocco/Western Sahara
Les sympathisants pour la liberté d’Ali Aarrass ne lâchent rien !!!
Ce dimanche 26 mai, auront lieu les 20 km de Bruxelles.
Nous participerons à cet évènement sportif et médiatique et nous ferons entendre nos voix.
Nous comptons sur un maximum de personnes pour soutenir l’action.
Vous n’êtes pas obligés de participer à la course, mais votre présence et votre solidarité à l’action est primordiale.
Un RDV est prévu ce dimanche à 9h piles devant le métro Schuman.
Formons un bloc de solidarité autour de la cause d’Ali Aarrass !!!!!
Ce samedi 25 mai, un accueil aura lieu à partir de 16h au local Egalité, pour celles et ceux qui veulent se procurer un T shirt FREE ALI (au prix de 10 €).
Anissa Filali
Photos : actions devant l’ambassade espagnole à Bruxelles et à Londres contre l’extradition d’Ali Aarrass, novembre 2010
Nous publions un article du journal espagnol El Pais du 29 avril 2013 (en espagnol et en anglais, grâce à la traduction du Ali Aarrass London Support Committee) sur la condamnation de l’Espagne par le Comité européen pour le prévention de la Torture (CPT) pour son refus d’examiner les plaintes sur la torture, commise par la Guardia Civil. Ce rapport a été réalisé suite à la visite du CPT des prisons et bureaux de police espagnols en 2011. Dans le rapport le Comité dit aussi qu’il s’est plaint depuis deux décennies auprès de l’Espagne pour son traitement des personnes accusées de terrorisme, sans que ça change.
Parmi ces détenus se trouvait le Belge Ali Aarrass.
Le 1 avril 2008, Ali avait été arrêté à Melilla à la demande du Maroc dans le cadre du démantèlement d’une organisation terroriste au Maroc, le réseau dit Belliraj. Dès le premier jour et jusqu’à aujourd’hui, Ali maintient son innocence. En Espagne, Ali a été mis en prison en isolement total. Sur le calvaire qu’il a vécu en isolement dans les prisons espagnoles, Ali a confié à sa sœur Farida : « J’ai toujours des sursauts si quelqu’un apparaît derrière moi, je fais trop souvent des cauchemars qui me font mal et les moments d’angoisse s’intensifient de temps à autre. C’est horrible ! Insupportable ! Cela ne devrait pas exister. Tu ne peux communiquer avec personne, tu ne peux t’adresser à personne, tu n’as jamais quelqu’un avec qui échanger le moindre mot. C’est le silence complet. Les minutes se transforment en heures très longues, les journées semblent être des éternités. On ne peut pas vivre dans la solitude, sans pouvoir discuter avec quelqu’un. La voix perd sa force, tes cordes vocales perdent l’habitude d’émettre des sons. Tu es à la recherche du moindre son externe et pourtant rien ne s’entend comme bruit…Oui même quand tu essaies de prononcer quelques mots, syllabes, tu n’y arrives plus, car comme tu ne parles jamais, tu as beau essayer de parler, ta voix s’estompe. Je me parlais à moi-même ! Je m’adressais des discours, je me racontais des histoires et me posais même des questions, auxquelles je répondais afin de casser la solitude qui au bout d’un moment devient on ne peut plus dure à supporter ! Je me touchais les membres, pour réaliser que j’étais bien là, que j’étais bien vivant, que j’étais bien un humain malgré ces conditions de détention inhumaines et surtout gratuites ! J’ai pendant longtemps senti l’envie de me regarder, puisque je n’avais ni miroir ni rien pour m’observer. A un moment, bien après mon extradition au Maroc et après la torture sauvage qu’on m’a infligée, j’ai remarqué, que dans la cellule sombre dans laquelle j’étais, il y avait à un moment déterminé de la journée, un petit rayon de soleil qui traversait la pièce et ne reflétait que sur une dalle qui paraissait brillante mais très sale sur l’un des murs de ce cachot. Je m’empressais donc de nettoyer cette dalle afin de m’en servir comme miroir au moment précis où le soleil venait se poser dessus. Je me suis finalement légèrement aperçu, ce qui me fit le plus grand bien. Même si l’image n’était pas très claire. Me regarder m’a fait prendre conscience que j’étais bien là, que j’existais. »
Le 16 mars 2009, le juge antiterroriste espagnol Baltazar Garzon, après un examen minutieux de son dossier, a prononcé un non-lieu dans l’affaire Ali Aarrass. Mais la demande d’extradition de la part du Maroc ayant été acceptée par la justice espagnole, Ali restait en prison.
Le 19 novembre 2010, le Conseil des ministres espagnol approuvait l’extradition d’Ali Aarrass, bien qu’il avait été innocenté. Par contre, elle refusait l’extradition d’un autre détenu Mohamed El Bay, détenu dans la même affaire mais de nationalité hispano-marocaine, qui sera mis en liberté. Le 26 novembre 2009, le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU avait demandé à l’Espagne de ne pas extrader Ali Aarrass vu le risque de torture. Le 14 décembre 2010, contre toutes les règles diplomatiques internationales, Ali Aarrass a été extradé vers le Maroc.
Pendant les deux ans et demi de sa détention en Espagne, le consul belge en Espagne a toujours refusé de rendre visite à Ali Aarrass. Quand nous avons demandé l’intervention de notre ministre des affaires étrangères Van Ackere auprès de l’Espagne pour se vérifier de la situation d’Ali Aarrass dans les prisons espagnoles et pour empêcher son extradition vers le Maroc, celui-ci a répondu ceci : « Pour ce qui concerne votre question relative à une visite du consul, l’assistance aux Belges détenus à l’étranger ne prévoit pas l’organisation de visites consulaires dans les pays de l’Union européenne. » (Réponse à une interpellation de la députée Zoe Genot le 29 novembre 2010). Mais pourquoi ne pas évoquer le dossier Aarrass avec votre collègue espagnol ?, lui demande Zoé Genot. Et le ministre répond : « Je n’ai pas évoqué le dossier d’extradition avec mon collègue espagnol car il n’est pas d’usage que la Belgique intervienne dans une procédure d’extradition entre pays tiers même lorsque cette dernière concerne un ressortissant national. De plus, j’ai entière confiance dans les garanties que le système judiciaire espagnol offre au niveau des procédures d’extradition et du respect des droits de l’homme. Il prévoit, en effet, des possibilités d’appel et ce, jusqu’au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme en cas de non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Vu ce qui précède, je n’entreprendrai pas de démarche qui pourrait être interprétée par mon collègue espagnol comme une ingérence dans des affaires internes et surtout comme un manque de confiance dans le système judiciaire espagnol. »
Ou comment Ali Aarrass fût sacrifié sur l’autel de la diplomatie belgo-espagnole.
Article Reprimenda del Consejo de Europa a España por ignorar denuncias de torturas El País Madrid 29 ABR 2013 : cliquez ici
Article in English :
Council of Europe rebukes Spain for ignoring torture complaints
Organisation calls on the authorities to investigate “the methods” used by the Civil Guard
El País Madrid 29 April 2013
The European Committee for the Prevention of Torture has sent the Spanish government a report running to over 100 pages in which it rebukes the Spanish authorities for failing to investigate complaints of ill-treatment and calls on them to set up “an independent investigation into the methods used by the Civil Guard when holding and questioning individuals who have been detained”.
Following visits to police stations, Civil Guard stations and prisons in Madrid, Barcelona, Cordoba, Alava and Cadiz undertaken during June 2011, the European Committee delegation to Spain drew up a report setting out its conclusions, to be published today. The report records complaints from 10 individuals held in incommunicado detention who claimed that they had been ill-treated by the Civil Guard. The allegations included “kicks and blows with truncheons to the head and body”, and the practice known as “the bag”, where a plastic bag is placed over the head of the individual, who is then forced to perform prolonged physical exercise, “inducing a sensation of asphyxiation”.
In its report the Committee highlights “the need for determined action by the Spanish authorities to address the issue of ill-treatment by members of the Civil Guard in the context of incommunicado detention” and notes that it has been “drawing attention” to “the problem of ill-treatment by the Civil Guard” of persons suspected of terrorist offences for some two decades. It makes the criticism that “the facts found during the 2011 visit indicate that the above-mentioned problems remain unresolved”.
The Committee asks the Spanish authorities to ensure that where a detainee alleges ill-treatment, the judge should immediately order a forensic medical examination to ensure that the allegations “are properly investigated”. It says that it wishes to “receive within three months a full account of action taken to implement” its recommendations.
The Committee notes that the report it issued after a visit to Spain in 2007 referred to the safeguards provided by two judges of the National Court [Audiencia Nacional] to persons held under incommunicado detention. The safeguards involve notifying the family; allowing the individual to be visited by a personal doctor along with a forensic doctor appointed by the investigative judge; and 24-hour video surveillance of the detention areas. During their 2011 visit Committee members found that three of the six investigative judges of the National Court were systematically applying these measures. “However,” the delegation noted, “during the first five months of 2011 all the incommunicado detentions were authorised by a judge who does not apply any of these safeguards; a rather surprising state of affairs”. The Committee recommends that the Spanish authorities take “necessary steps to ensure that the three specific safeguards referred to above [surveillance cameras, personal doctor and notifying the family] are applied vis-à-vis all persons held in incommunicado detention”.
In its report the Committee expresses concern at CCTV recordings showing that “detained persons, while being moved from their cell to the interrogation room, to the doctor’s room or to the toilet, were hooded, and had to walk backwards”. The Committee calls upon the Spanish authorities to ensure that “the hooding of persons who are in police custody should be expressly prohibited”.
« Le cas de M. Ali Aarrass, citoyen Belge d’origine marocaine, bien que déjà cité dans le rapport alternatif soumis au Comité, nous semble particulièrement éloquent sur l’absence de sérieux dans les enquêtes relatives aux allégations de tortures à la lumière des derniers éléments relatifs à l’expertise médicale qu’il a subi ». C’est ce qu’on peut lire dans le nouveau rapport de l’organisation Alkarama (http://fr.alkarama.org/ Alkarama Foundation, 2bis Chemin des Vignes, 1209 Genève, Suisse ) du 26 avril 2013, adressé au Comité contre la torture de l’ONU.
Voci de larges extraits de ce rapport qui porte le titre : « Des avancées encourageantes et des défis importants . Soumission de la liste des questions dans le cadre de l’examen du 5ème rapport périodique du Maroc par le Comité contre la torture. »
« ..Malgré les nombreuses recommandations des organisations de droits de l’homme comme des divers organes des Nations Unies, la loi anti-terroriste 03-03 reste toujours en vigueur dans sa forme initiale… De nombreuses personnes (entre 500 et 850 selon diverses sources) restent à ce jour détenues après avoir été condamnées en vertu de cette loi. » (pg 3)
« ..A la suite des attentats du 16 mai 2003, des milliers de suspects ont été arrêtés, inculpés pour appartenance à un groupe terroriste, préparation d’actes terroristes et/ou atteinte à la sûreté de l’Etat. Ils ont souvent été arrêtés par des agents de la DGST, alors même que ces derniers n’étaient pas habilités légalement à procéder à ces arrestations. Ils se déplaçaient souvent en tenue civile dans des voitures banalisées. Les personnes interpellées n’étaient pas informées des raisons de ces arrestations sans mandats de justice.
Les suspects étaient le plus souvent enlevés et maintenus au secret dans les locaux de la DGST et en particulier au centre de Temara pour être interrogés pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant d’être remis aux services de la police judiciaire.
Les familles n’étaient pas été informées du lieu où se trouvaient les personnes arrêtées et les autorités niaient le plus souvent leurs détentions. Afin de masquer ces détentions abusives, les dates d’arrestation étaient modifiées dans les procès verbaux établis par la police judiciaire.
Ce modus operandi avait pour objectif d’extorquer des déclarations des suspects sous la torture ou diverses autres formes de contraintes. Les « aveux » étaient consignés dans des procès verbaux de la police judiciaire qui serviront de base aux poursuites pénales.
Si cette pratique semble avoir régressé d’une manière notable depuis 2012, Alkarama n’ayant pas depuis relevé de situations de ce type, les personnes condamnées sur la base des aveux extorqués dans les conditions décrites restent en détention à ce jour. » (pg 5)
« Les procès verbaux d’enquête préliminaire établis par la police judiciaire qui se basent sur des « aveux » faits sous contrainte ne sont très rarement rejetés par le juge. Les condamnations pénales sont dans la grande majorité des cas fondées sur ces seuls éléments de procédure. Le juge pénal privilégie une interprétation de l’article 291 du Code de procédure pénale considérant que les procès verbaux établis par la police judiciaire « font foi jusqu’à preuve contraire ». La prise en compte de ces aveux par les juges constitue cependant une violation manifeste de l’article 293 du même Code qui prévoit expressément que toute déclaration obtenue par la torture est frappée de nullité. » (pg 5-6)
«.. L’article 74, alinéa 8, du Code de procédure pénale fait obligation au Procureur du Roi d’ordonner une expertise médicale dès lors qu’un acte de violence ou des tortures sont portés à sa connaissance. L’article 134 alinéa 5, oblige par ailleurs, le juge d’instruction à ordonner l’examen médical immédiat de toute personne sur laquelle des signes de torture sont relevés. Or il est aisé de constater que l’application de ces dispositions légales relatives à l’ouverture d’une enquête judiciaire sur des allégations de tortures et à l’instauration d’examens médicaux ne sont pas garantis dans la pratique et que les poursuites contre les responsables restent dans ces conditions illusoires.. » (pg 8)
« Dans les rares cas où des enquêtes sont diligentées sur les allégations de torture, les médecins chargés de l’expertise médicale rendent le plus souvent des rapports non conformes aux standards internationaux et notamment du Protocole d’Istanbul. Les médecins désignés pour mener l’expertise sont des fonctionnaires relevant de la Délégation Générale de l’Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion et non du ministère de la santé. Leur indépendance ne semble pas, dans ces conditions,être totalement assurée.
Le cas de M. Ali Aarrass, citoyen Belge d’origine marocaine, bien que déjà cité dans le rapport alternatif soumis au Comité, nous semble particulièrement éloquent sur l’absence de sérieux dans les enquêtes relatives aux allégations de tortures à la lumière des derniers éléments relatifs à l’expertise médicale qu’il a subi.
Rappelons qu’il avait été arrêté à Algésiras, en Espagne le 1er avril 2008 et placé en détention, avant d’être extradé vers le Maroc 14 décembre 2010, malgré la demande expresse du Comité des droits de l’homme de ne pas l’extrader, en raison des risques de torture qu’il encourrait au Maroc. Dès son arrivé au Maroc, il a été détenu au secret pendant plus de dix jours, gravement torturé et contraint de signer des aveux, en arabe, langue qu’il ne lit pas. C’est sur la base de ces aveux obtenus sous la torture qu’il a été condamné le 24 novembre 2011 à 15 années d’emprisonnement ferme. Ce n’est qu’à la suite de la saisine du Comité contre la Torture que M. Aarrass a fait l’objet d’une expertise médicale pour vérifier ses allégations.
Le rapport d’expertise médicale établi par trois médecins désignés par le Procureur général près la Cour de Rabat concluant à l’absence « de traces pouvant être en rapport avec des actes de torture allégués », a été analysé par un expert indépendant de l’association IRCT (International Rehabilitation Council for Torture Victims) qui en a relevé les nombreuses failles et insuffisances.
Il souligne que ce rapport médico-légal est « bien en deçà des normes internationalement admises pour l’examen médical des victimes de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels qu’il sont définis par le Protocole d’Istanbul ».
Il précise notamment que le rapport médico-légal, très bref, « ne fournit presque aucun détail sur les examens effectués, et une description très partielle des résultats de ces examens.[…] Aucune tentative n’est faite dans le rapport pour corréler, ou non, les résultats de l’examen physique avec les allégations de torture, ni d’ailleurs avec des antécédents de traumatisme. […] Il n’apparaît nulle part que M. Aarrass ait consenti à cet examen, ni dans quelles conditions ce dernier s’est déroulé (durée de l’examen, autres personnes présentes, détenu menotté ou non etc). […] Il relève l’absence de diagrammes du corps d’appui et de photographies annexées au rapport qui indiqueraient plus précisément la position anatomique et la nature des marques indiquées[…]. Le rapport médical ne fait aucune mention d’une évaluation psychologique ou psychiatrique, en dépit des problèmes de concentration, la peur et le stress excessif décrits par la victime. Il s’agit d’une omission importante de l’évaluation et du rapport, qui démontre que l’examen n’est pas conforme aux normes internationales pour l’évaluation des allégations de torture».
Ces insuffisances ont également été soulignées par le Rapporteur spécial sur la torture, M. Juan Méndez, à la suite de sa visite dans le pays en septembre 2012. En effet, ce dernier relève après examen d’un échantillon de certificats médicaux, « que la plupart des examens médicaux sont effectués non pas par des experts médico-légaux mais par de simples cliniciens figurant dans les listes d’«experts» des tribunaux. Ces personnes n’ont aucune formation ou compétence spécifique en matière de médecine légale. Les rapports médicaux produits à la suite d’allégations de torture et de mauvais traitements sont de très mauvaise qualité; ils ne sont pas conformes aux normes minimales internationales régissant les examens médico-légaux auxquels ont droit les victimes et ne sont pas acceptables en tant que preuves médico-légales. Ni le personnel de santé des prisons ni les cliniciens qui remplissent la fonction d’expert auprès des tribunaux n’ont la formation requise pour évaluer, interpréter et documenter les actes de torture et les mauvais traitements.» (pg 8-9)
« Conclusion. Les changements législatifs introduits depuis 2011 et le processus de ratification en cours, et en particulier du protocole facultatif à la Convention contre la torture, prévoyant la création d’un mécanisme national de visite des lieux de détention, constituent des signes encourageants dans le renforcement de l’Etat de droit au Maroc. Par ailleurs, le processus de réforme du système judiciaire constituera une avancée particulièrement attendue qui doit aboutir à une indépendance réelle du pouvoir judicaire. Cependant, le passif de la période ayant suivi les attentats de Casablanca de 2003 marqué par le recours massif à la détention au secret, à la torture et aux procès inéquitables, dénoncés par toutes les organisations locales et internationales des droits de l’homme, constitue encore un problème réel de société et doit être reconnu. Ce problème ne pourra être dépassé qu’avec une prise de décision courageuse de libérer les centaines de détenus condamnés à la suite de procès inéquitables fondés le plus souvent sur des aveux arrachés sous la torture et de garantir la non répétition de telles pratiques. Nous espérons qu’un dialogue constructif entre le Comité et les autorités marocaines permettra d’approfondir ces sujets de préoccupation dans le but de combattre efficacement la torture et les autres violations des droits fondamentaux qui la favorisent. » (pg 9-10)
Everything becomes so clear when you’re deprived of liberty. Not to abuse each other. To understand each other despite your differences – it’s so easy and so beautiful when it happens spontaneously, when it comes from your own free will. Here in prison we learn to support and accept each other, and our faults, small or large, are no big thing beside the fact of the injustices we have all suffered.
Prison is a whole world, all the routines of daily life go on there, but all under constraint. Nothing is done with the pleasure of being able to make ones own choices.
Dear friends, make use of the happiness and pleasure which liberty brings you to act freely to fight against the barriers separating you from each other.
Stay united. From inside my cell, this is my vision, this is what would make everything go better.
(translated from Spanish by his sister Farida and into English by Frances Webber)
Tout devient si clair lorsque vous êtes privé de liberté. Ne vous malmenez pas les uns les autres. Entendez vous malgré vos différences, c’est si facile et si beau quand cela est fait spontanément. Quand cela vient de votre propre volonté. Ici en prison nous apprenons à nous supporter et même les défauts des uns et des autres, du plus insignifiant au plus grave, ne représentent pas grand chose à côté de ce que chacun de nous a subi comme injustices.
La prison est un monde, toute une vie avec ses quotidiens s’y déroule, mais tout est contrainte et plus rien n’est fait avec le plaisir de pouvoir faire ses propres choix.
Chers amis, profitez du bonheur et du plaisir que vous procure « la liberté » d’agir libres de combattre les obstacles qui tenteraient de vous éloigner les uns des autres.
Restez unis. De l’intérieur de la prison, c’est ma vision… celle qui ferait que tout irait bien mieux.
(traduit de l’Espagnol par sa sœur Farida)
On parle dorénavant de quelques centaines de (jeunes) Belges qui seraient partis rejoindre les rangs de la rébellion en Syrie1. Jusqu’à la preuve du contraire, je suis assez sceptique sur ce chiffre. Il me semble exagéré et plutôt une incitation à stopper (et arrêter) les recruteurs et les Sharia4Belgium. Mais quelque soit le chiffre, le contraste avec le nombre insignifiant de familles, qui ont pris contact avec les autorités pour trouver de l’aide pour leur enfant, saute aux yeux.
N’est-ce pas alarmant que des familles en détresse n’osent pas s’adresser aux autorités de leur propre pays ? Qu’elles n’attendent plus rien de ceux qui sont supposés de les aider ?
C’est toute l’expérience vécue d’une communauté arabo-musulmane pendant cette dernière décennie de lutte contre le terrorisme, qui est à la base de cette situation.
En voici quelques éléments.
En dehors des barrières matérielles et psychologiques qui séparent déjà le peuple de ses gouvernants, les familles savent qu’elles risquent d’être classées parmi ces familles qui portent le stigmate de « suspect » ou de « terroriste ». Et d’être par la suite propulsées à la une des journaux. Ou, pour le moins, qu’elles seront jugées comme familles incapables d’avoir su empêcher leur fils de partir chez les terroristes. Tout le monde a compris que c’est à nouveau la criminalisation de ses jeunes – et de leurs familles et de toute une communauté musulmane- qui est à l’ordre du jour dans le dossier des jeunes volontaires pour la Syrie. Et que leur retour en Belgique suscite peut-être plus l’inquiétude de nos autorités que leur départ.
Pour les familles la situation se complique davantage quand elles possèdent la double nationalité.
Là, on a l’expérience que la réponse des autorités sera invariablement que, « malgré notre bonne volonté, nous ne pouvons pas intervenir ». Demande à la famille Atar, dont le fils Oussama a été un volontaire pour aider les populations irakiennes sous l’occupation américaine. Arrêté par les Américains en 2004, il a été pendant près de dix ans incarcéré dans les prisons de la torture en Irak. La famille a dû se débrouiller tout seul. Elle n’a pu compter sur aucune aide et a dû organiser une manifestation devant le palais de justice à Bruxelles pour faire bouger notre gouvernement. Pendant tout ce temps pas un seul mot de protestation n’est sorti de la Belgique auprès des autorités irakiennes ou américaines pour exiger la libération et le retour de notre con-citoyen de l’horreur en Irak.
En Belgique, l’aide de notre pays a surtout consisté à enfermer d’autres jeunes volontaires pour l’Irak dans nos prisons. Demandez aux familles Soughir et à toutes les autres, qui avaient leurs fils inculpés, à leur retour en Belgique, dans le procès des soi-disant Kamikazes pour l’Irak en 2007, pour ensuite être enfermés pendant des années.
Les familles sentent que la double nationalité pend comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de leurs enfants. La Belgique n’a-telle pas permis l’extradition de Hicham Bouhali Zriouil, un jeune Bruxellois, volontaire pour l’Afghanistan, capturé à son retour en Syrie, en octobre 2011 vers le Maroc au lieu de vers la Belgique, son pays natal ?
Quant à obtenir de l’aide, essayez juste d’obtenir un peu d’aide de notre Ministère des Affaires étrangères, comme l’a fait récemment Farida Aarrass. En tant que Campagne pour Ali Aarrass, nous demandons en effet depuis cinq ans d’être reçu par le Ministère des Affaires étrangères pour obtenir une assistance belge pour ce Belgo-Marocain en détention au Maroc. La réponse est invariablement « non ». Un refus auquel sont confronté toutes les familles des détenus belgo-marocains au Maroc. A toutes ces familles, notre ministère n’arrête pas de répéter qu’elles ne sont pas égales aux familles « belgo-belges ». La Belgique, leur disent-ils, ne s’occupera pas de vous, ne vous apportera aucune aide, assistance ou protection quand vous vous trouvez dans le pays de votre deuxième nationalité. Ce qu’ils oublient de préciser, et ce que l’affaire Ali Aarrass a démontré, c’est qu’elle ne s’occupera pas de vous dès que vous avez quitté le territoire belge. C’est-à-dire même quand vous avez un problème avec la justice en Espagne, la Belgique ne vous assistera pas2.
La dernière lettre de Reynders (MR), que nous publions ici, en réponse à la demande de Zoé Genot (ECOLO) au ministre de bien vouloir recevoir la famille d’Ali Aarrass, est édifiante. Elle témoigne non seulement d’un mépris profond et d’une froideur de marbre pour la souffrance d’une famille, mais, en plus, le ministre ment à deux fois.
D’abord, parce qu’à la conférence sur l’Europe, qu’il a donné le 23 janvier dernier à Bruxelles, il a donné sa carte de visite aux familles, leur disant qu’il suffisait d’envoyer un mail à la bonne adresse de son département pour obtenir un rendez-vous. Le ministre « oublie » donc de mentionner sa promesse faite aux familles, en présence de témoins.
Ensuite, pour justifier, en 2013, son refus d’intervenir au Maroc ou même de recevoir des familles belgo-marocaines, le ministre a trouvé une loi qui date d’avant la deuxième guerre mondiale. Il y a apparemment des choses qui résistent au temps qui passe, telle que la discrimination ou l’intimidation avec les lois que nous, simple peuple d’en bas, ne connaissons pas. Or, disent les avocats d’Ali Aarrass, cette loi ne peut être invoquée dans les relations entre la Belgique et le Maroc, parce qu’elle n’a jamais été signée par le Maroc. Elle ne peut donc être d’application.
Bientôt on fêtera les cinquante ans de l’immigration marocaine en Belgique.
A tous les politiciens belges et marocains qui seront présents à ces festivités, nous annonçons déjà la présence des familles des détenus belgo-marocains au Maroc. Ces familles dont les pères et les mères ont travaillé pendant toute leur vie dans les mines belges, dans la sidérurgie belge, dans le bâtiment ou dans le nettoyage dans ce pays vous poseront la question : pour quand un traitement égal pour nos enfants ? Pour quand la fin de la complicité belge dans la torture des détenus politiques au Maroc ?
1Le Soir, 17 avril 2013, page 8, Témoignage Bahar Kimyongur: « jusqu’à 300 jeunes »
2La Belgique a fait savoir à maintes reprises qu’elle « n’évoquerait pas le dossier d’Ali Aarrass ni avec l’Espagne, ni avec le Maroc ». Dans sa réponse à Zoe Genot, le 29 novembre 2010, le ministre des affaires étrangères Van Ackere se défendait de ne pas avoir pris contact avec l’Espagne pour s’opposer à une événtuelle extradition d’un Belge : « je n’ai pas évoqué le dossier d’extradition avec mon collègue espagnol car il n’est pas d’usage que la Belgique intervienne dans une procédure d’extradition entre pays tiers même lorsque cette dernière concerne un ressortissant national. De plus, j’ai entière confiance dans les garanties que le système judiciaire espagnol offre au niveau des procédures d’extradition et du respect des droits de l’homme. Il prévoit, en effet, des possibilités d’appel et ce, jusqu’au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme en cas de non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Vu ce qui précède, je n’entreprendrai pas de démarche qui pourrait être interprétée par mon collègue espagnol comme une ingérence dans des affaires internes et surtout comme un manque de confiance dans le système judiciaire espagnol »