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Que faire pour Ali Aarrass ?, par Ikram Benaissa, écrivaine

dans DANS LA PRESSE par
Ikram Benaissa
Ikram Benaissa

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En observant derrière mon écran ce qui arrive à cet homme depuis plusieurs années, je réfléchis, égoïstement peut-être, à ma propre situation. En effet, nous sommes nombreux à être belges mais d’origines étrangères. Nous sommes nés ici, nous avons étudié et grandis en Belgique, nos plus grandes relations sont sur ce territoire et pour beaucoup d’entre nous, notre avenir est ici. Enfin, c’est ce que je pensais. Je ne suis plus certaine de quoique ce soit actuellement. Suis-je réellement belge ? Est-ce que ce gouvernement se soucie de ma personne ? Bruxelloise, oui, je m’y reconnais complètement. Parmi ces 75% de belges d’origines étrangères sur Bruxelles, c’est clair, nous sommes majoritaires. Mais pourquoi l’affaire d’Ali Arraas me fait comprendre qu’il y aura toujours ce risque, qu’aux yeux de ces dirigeants, je ne sois pas une des leurs?

Puis, je regarde de l’autre coté de la méditerranée, direction, le Maroc. Oui, comme Ali, mes racines viennent de là. Pourtant, ce pays-là, je ne le connais pas. Je n’y ai jamais mis les pieds, j’ignore l’odeur de ces lieux, la chaleur des cieux, mais ce que je n’ignore pas, c’est que là-bas, les droits de l’Homme, ce n’est pas encore cela. Il suffit d’observer les différents dossiers à propos des traitements inhumains qui s’y réalisent et notamment en prison. La torture en fait. Des souffrances terribles sont réalisées dans ce pays, qui est censé être le pays de mes origines. Les images à ce sujet sont consternantes, et je ne peux cesser de froncer les sourcils.

Alors Ali, qui sommes-nous ? Si comme toi, un jour, il m’arrivait d’être emprisonnée pour je ne sais quelle raison, qui prendra ma défense ? Le gouvernement belge ? Le gouvernement marocain ? Je vois comment ils t’ont ignoré d’un coté, et la manière dont ils te traitent à Salé… Non, ils ne se soucient guère de toi, et cela aurait pu être moi à ta place. Pourtant, certains citoyens ne sont pas indifférents, plusieurs ont été informés de ta situation au Ministre des Affaires Etrangères. Oui, ils connaissent ta situation depuis plusieurs années maintenant, mais cela ne semble pas être leur priorité, toi l’enfant qui a trop de nationalités, tes pères ton renier.

Toujours derrière cet écran, j’observe ta dernière vidéo, dans cette pièce, où je n’aurais pas pu supporter une seconde d’y être. Je t’observe et mon cœur s’arrête, j’ignore comment tu fais pour continuer d’être. Les droits de l’Homme, j’y crois, ce gouvernement belge soutien également ces droits, et pourtant, ils préfèrent laisser ton sort à ton pays d’origine, à notre pays d’origine. Un pays que nous ne connaissons pas forcément, où l’absence de traitements humains est complètement avérée, et avec lesquels nous n’avons plus aucun lien.

Ali, j’écris tu vois, parce que tu aurais pu aussi être mon père ou mon frère ou encore un ami, et que clairement, pour t’aider, je ne sais pas ce que j’aurais pu faire. Je me souviens alors qu’il y a quelques temps, certains de tes proches, après plusieurs lettres envoyées à Didier Reynders, sont partis le rencontrer lors d’une conférence. Ils sont partis lui parler de toi, de ton cas Ali. Pour ceux qui étaient assis, certains devaient se dire: « Mais qui sont ces personnes qui perturbent une rencontre? », mais moi dans ce métro où je regardais la vidéo, à nouveau devant un écran, toujours devant un écran, je voyais leur détresse, l’absence de moyens, un appel à l’aide. Tu vois, ils essayent, mais rien n’est fait. Ils ne savent plus quoi faire, alors ils essayent de se faire entendre. C’est normale non ?

free_aliAmnesty International a écris à plusieurs reprises à ton sujet, et dans ma classe, il m’est arrivé de parler de toi. Mais que faire d’autres ? Tu fais depuis plus de 60 jours, grève de la faim, et oui, pour ceux qui te suivent, nous savons que ce n’est pas la première fois que tu fais cela. Oui, nous le savons par le biais de Farida, car tu as une sœur qui malgré tout ne s’arrêtera pas jusqu’à la fin. Que faire ? Lorsque je vois à quel point les hommes de pouvoirs ne font rien, alors qu’ils en ont les moyens, et quand j’observe ceux qui n’ont aucune influence, la manière dont ils font entendre parler de ta cause, je me dis que la volonté humaine est la richesse des humains. Les droits de l’Hommes et beaucoup de citoyens sont avec toi, et comme tu peux le constater, nous sommes de différentes origines, mais belges. L’injustice n’a pas d’origines, ni d’identités, seuls ceux qui ont compris cela, seront avec toi. Et visiblement, pour le gouvernement belge, ce n’est pas encore le cas.

#FreeAliAarrass

BEN AISSA Ikram

Ecrivaine

Ali Aarrass : Lettre d’artistes à Joëlle Milquet, Ministre de la Culture

dans ACTIONS par

MilquetLettre à Joëlle Milquet

Madame la Ministre de la Culture,

tant qu’artistes et citoyens, nous souhaitons vous interpeller sur la question éminemment culturelle des binationaux. Vous n’ignorez pas que Monsieur Ali Aarrass est devenu un symbole criant, qui met en exergue la non-reconnaissance, voire le mépris pour ce statut dans notre pays, et les conséquences plus que problématiques de cette non-reconnaissance.

Ali Aarrass est un citoyen belgo-marocain bien qu’il n’ait jamais vécu au Maroc. Il a été arrêté en Espagne le 1er avril 2008, soupçonné d’appartenir à un réseau terroriste au Maroc. Il est détenu en isolement total en Espagne pendant 2 ans et 8 mois et demi. En mars 2009, le juge Baltasar Garzon après une enquête d’un an, prononce un non-lieu. Pourtant l’Espagne maintient Ali Aarrass en détention et l’extrade à la demande du Maroc le 14 décembre 2010. Une fois au Maroc, il sera torturé durant 12 jours, des tortures qui nous seront rapportées par le rapporteur spécial de la torture pour l’ONU, Juan Mendez. Il sera jugé sur base de ses seuls aveux, obtenus sous la torture et signés en arabe, langue qu’il ne maîtrise pas. Il sera condamné à douze ans de prison.

La Belgique a toujours refusé d’intervenir dans ce dossier, bien qu’Ali Aarrass y ait vécu 28 ans après être arrivé en Belgique à l’âge de 15 ans et surtout qu’il y a exercé ses devoirs de citoyen. En 2014, sa famille porte plainte contre le Ministère des Affaires étrangères belge. Le jugement rendu par le tribunal de première instance de Bruxelles, saisi en référé, enjoint à la Belgique d’accorder l’assistance consulaire à Ali Aarrass. Ce que la Belgique ne fera pas.

Actuellement Ali Aarrass poursuit sa sixième grève de la faim. Didier Reynders, le Ministre des Affaires étrangères belge, continue à prétendre dans les médias qu’il tente d’intervenir et de rentrer en contact avec son homologue, alors qu’au même moment il se pourvoit en cassation afin de faire invalider la décision de justice qui l’oblige à intervenir.

Dans son malheur, du fin fond de sa geôle au Maroc, Ali Aarrass a le mérite d’avoir mis à nu une réalité qui avait peut-être échappé à certains : l’existence concomitante d’une citoyenneté pleine et légitime d’une part, réservée à ceux que l’on considère comme faisant naturellement partie du paysage national et d’une citoyenneté reléguée, de seconde zone d’autre part, réservée à ceux dont la présence et l’appartenance à ce pays sont constamment sujettes à caution.

Pas plus tard que le mois dernier, la proposition était faite de collaborer avec la police marocaine dans les quartiers dits sensibles de Bruxelles et d’Anvers. La volonté de sous-traiter la gestion de certaines problématiques sociales au « pays d’origine » révèle une ethnicisation de ces questions de la part de certains de nos dirigeants, de même qu’elle dévoile un système de pensée qui fait d’un citoyen d’origine étrangère, un citoyen à part, qui nécessite un traitement particulier.

C’est précisément en cela que le cas d’Ali Aarrass est probant dans le sens où il interroge l’égalité de droit de tous les citoyens belges. Il n’est pas seulement le combat des binationaux, belgo-marocains, face à un système judiciaire défaillant au Maroc. Il est aussi et surtout le combat de tous les Belges épris des valeurs de justice et d’égalité.

Nous tenions à vous faire part, Madame la Ministre, de notre désarroi en tant qu’artistes et citoyens. Nous observons qu’il existe bel et bien, une volonté en terme de politique culturelle à rassembler, veiller au vivre ensemble, à la tolérance, à l’intégration afin de construire et promulguer une mixité. Nous en voulons pour preuve, les commémorations des 50 ans d’immigration, où nos histoires plurielles furent mises à l’honneur.

Mais nous déplorons le fait que cette politique culturelle ne pourra jamais être effective, si les concitoyens binationaux ne bénéficient pas, de fait, des mêmes droits. L’artiste ne peut œuvrer au vivre ensemble, à la construction d’une nouvelle identité pleine faisant « nous », si au même moment la Belgique ne peut empêcher l’extradition d’un homme au Maroc alors qu’il n’y a jamais vécu. Les artistes ne peuvent participer au grand tissage du peuple, si au même moment, la Belgique refuse d’accorder une assistance consulaire à un de ses ressortissants, quand bien même la justice de notre pays l’y aurait contraint par deux fois.

Nous, artistes et citoyens, souhaitons mettre en avant l’enjeu essentiel de ce combat commun. Il nous est fondamental de montrer qu’il ne suffit pas d’afficher symboliquement une apparente volonté de « diversité » et de « vivre-ensemble », pour que soit garanti le traitement égalitaire de l’ensemble des citoyen-ne-s.

La revendication pour cette égalité des droits devrait être au centre de projets culturels œuvrant pour la diversité. Ne pas l’admettre participe d’un jeu dangereux, où la responsabilité d’un vivre ensemble serait entièrement laissée au bon vouloir d’une évolution culturelle apolitique et à la promotion d’une forme d’exotisme essentialiste faisant porter à l’individu seul, la responsabilité de sa pleine participation citoyenne. Comme s’il suffisait, en quelque sorte, de partager un thé à la menthe avec son voisin pour avoir la garantie de jouir des mêmes droits que lui.

La construction d’un projet de société commun se doit donc d’être fondée non seulement sur le respect et la reconnaissance des apports de chacun mais aussi et surtout sur l’affirmation de l’égalité en droit de tous les citoyens. Et les artistes, au même titre que les intellectuels ou que d’autres acteurs, sont à même de porter ces revendications. L’une des forces de l’artiste est de pouvoir prétendre à une forme d’universel : à partir des émotions et des valeurs qui lui sont propres, il essaye de toucher le plus grand nombre de personnes ; il incarne ainsi par excellence le passage du « je » au « nous ».

Pour l’ensemble de ces raisons, nous considérons que la question des binationaux soulevée par le cas d’Ali Aarrass est une question éminemment culturelle. Les artistes ne peuvent pas accepter qu’une part de la population belge soit « invisibilisée » et ne puisse pas jouir des mêmes droits que les Belges dits « de souche (S)» Ils ne peuvent s’accommoder d’une instrumentalisation de la culture à des fins de vivre-ensemble qui relèvent davantage du discours politico-médiatique que d’une réelle volonté de garantir l’égalité en droit de tous.

C’est la raison pour laquelle, Madame la Ministre, nous vous demandons d’interpeller au plus vite en votre qualité de ministre de la Culture et de l’Éducation, votre homologue Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères afin de le sommer de mettre un terme immédiat aux discriminations que vivent les binationaux à un niveau diplomatique.
Au moment où la Belgique vient d’être élue pour un mandat au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies pour la période de 2016-2018, nous vous demandons également d’appuyer la demande émanant de cette même instance et exigeant la libération immédiate de Monsieur Ali Aarrass.

Veuillez agréer Madame La Ministre, l’expression de notre considération la plus distinguée.

Julie Jaroszewski (Soledad Kalza), Khadija Senhadji et Véronique Clette-Gakuba et 350 signataires (7 novembre). 

MERCI DE SIGNER ICI

 

 

Soutien à Ali Aarrass à La Marche de la Dignité du 31 octobre à Paris

dans ACTIONS par

Pour Ali Aarrass : Zoé Genot à la rtf.be (4 nov) et Karine Lalieux à la Chambre (3 nov)

dans AU PARLEMENT/DANS LA PRESSE par

Zoé Genotrtbf.be : « Zoé Genot: « Reynders trouve toutes sortes d’excuses pour ne pas aider Ali Aarrass »

« Sa santé s’est vraiment dégradée, il n’a plus rien avalé depuis le 25 août. » Engagée dans la défense des droits d’Ali Aarrass, la députée bruxelloise Zoé Genot (Ecolo) tire la sonnette d’alarme.

Ce ressortissant belgo-marocain est détenu au Maroc depuis sa condamnation à 12 ans de prison en 2012. Ses avocats, dont les arguments ont été suivis par plusieurs associations (la Ligue des Droits de l’Homme, MRAX, Amnesty), dénoncent des aveux extorqués sous la torture au Maroc; aveux qui ont mené à sa condamnation pour complicité d’actes terroristes. Des images interpellantes de son état en prison ont récemment été publiées par ces associations, et des mobilisations pour le soutenir se font jour… LIRE LA SUITE, CLIQUEZ ICI

Karine Lalieux

La Chambre des Représentants Bruxelles, Question orale de Madame Karine Lalieux, Députée fédérale, à Monsieur Didier Reynders, Ministre des Affaires étrangères, relative à l’extradition de Belges vers des pays où le respect des droits de l’Homme n’est pas toujours garanti (le 3 novembre 2015 Groupe PS) 

Monsieur le Ministre, En mars 2011 ma collègue Ozlem Ozen interrogeait votre prédécesseur sur la question des extraditions de Belges vers des pays où le respect des droits de l’Homme n’est pas toujours garanti. Cette question reste aujourd’hui pleinement d’actualité compte tenu des dernières informations qui nous ont été transmises par Amnesty international sur les conditions de détention du Belgo-marocain extradé vers le Maroc par les autorités espagnoles, Ali Aarrass. J’aimerais dès lors, Monsieur le Ministre, vous poser les questions suivantes : – Quelles suites ont été données par notre pays à ces « révélations » sur les conditions de détentions d’Ali Aarrass ? – Plus globalement, quel est exactement le devoir de la Belgique afin de garantir à ses ressortissants condamnés ou extradés dans un autre pays qu’ils y seront détenus dans les mêmes conditions que sur notre sol ? Quelle est votre position à ce sujet ? Je vous remercie pour vos réponses.

 

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