« Ali Aarrass victime du racisme d’Etat », par Olivier Mukuna, mardi 6 octobre 2015

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En grève de la faim depuis le 25 août. Soit plus de 40 jours… On ne déroulera pas ici l’injustice endurée par Ali Aarrass. Celle-ci reste inchangée depuis 7 ans ; elle s’empire depuis 5 ans (1). Si vous êtes Belge et que vous ne connaissez pas l’histoire de ce compatriote, c’est que vous ne voulez pas la connaître ou qu’elle vous indiffère. A l’image de notre ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, assidu à n’accorder aucun répit, aucun espoir, à ce belgo-marocain de 53 ans qui subi tortures et traitements dégradants dans une prison du Maroc. Mais Ali semble déterminé à poursuivre sa sixième grève de la faim jusqu’à ce que “le droit soit respecté”. Quitte à y perdre la vie.

Militant sans relâche pour la libération de son frère, Farida Aarrass a su mobiliser une solidarité à travers l’Europe, soutenue notamment par le britannique Jeremy Corbyn, nouveau leader des travaillistes.
Afin que l’irréparable ne survienne pas, le MRAX, la Ligue des droits de l’Homme, Amnesty International et l’avocat d’Ali, Me Christophe Marchand, ont lancé ce 5 octobre un nouvel appel pour sa libération. “C’est déjà la quatrième conférence de presse conjointe que nous organisons sur son cas”, souligne Alexis Deswaef, président de La Ligue des droits de l’homme, “en espérant que ces images interpellent enfin le gouvernement belge”.
Ces images, elles sont proprement insoutenables (2). Il s’agit d’une vidéo clandestine, datant de 2012, dans laquelle Ali Aarrass demande que “Justice soit rendue”du fond de son cachot. Sa démarche titubante, son équilibre déficient, son visage tuméfié, son dos, son torse, ses jambes horriblement lacérés de traces de coups dans une cellule crasseuse dont le sordide finit de vous achever. Il fallait peut-être “ça” pour alerter certains médias. Mais c’est encore “insuffisant” pour le gouvernement belge qui possède cette vidéo terrifiante depuis 2014…

Article signé Candice Vanhecke, in Mariane Belgique, 8 juin 2013.
Ali est la preuve de l’existence d’une citoyenneté de seconde zone”, clame Alexis Deswaef. “Et cette absence de visite consulaire à l’un de nos ressortissants est inacceptable ! En fait, tous les arguments du ministre Reynders pour ne rien faire sont faux en droit”. Précisant qu’Ali Aarrass n’a pas été jugé définitivement et qu’une procédure est en cours devant la Cour de cassation marocaine, Me Marchand ajoute : “Ali ne demande même pas sa libération. Il demande que le droit soit respecté. Nous, ses avocats, avons obtenu la condamnation de l’Etat belge pour qu’Ali bénéficie d’une visite consulaire une fois par semaine en prison. Mais rien ne se passe ! C’est stupéfiant et c’est à se demander à quoi sert le droit ? Mais nous continuerons jusqu’à ce qu’Ali soit libéré ”.
En résumé, on observe 2 entrées à ce long scandale. D’une part les droits fondamentaux d’un Belgo-marocain bafoués depuis bientôt 8 ans. D’autre part, un racisme d’Etat qui ne dit pas son nom et que peu osent dénoncer ouvertement. “On ne peut accepter qu’il y ait des citoyens de seconde zone dans notre pays”, estime Carlos Crespo, président du MRAX. “La Belgique doit rétablir son honneur, en respectant les conventions internationales qu’elle a signé, et rompre avec cette xénophobie d’Etat”. Constatant aussi la surdité des Autorités belges, Zoé Spiret, d’Amnesty International, rappelle qu’Ali Aarrass a été choisi pour leur campagne “Stop torture” qui a recueilli plus de 200.000 signatures.

Parlementaires belges, justice, Nations-Unies : Didier Reynders reste sourd à tout appel pour protéger son compatriote Ali Aarrass des tortures qu’il subit au Maroc.
C’est très dur de mener ce combat, mais on ne nous aura pas à l’usure”, témoigne Farida Aarrass, la soeur d’Ali. “La grève de la faim, c’est le seul moyen pour lui de dénoncer ce qu’il vit. On attend rien du Maroc qui a torturé mon frère ! On a besoin qu’Ali soit reconnu comme Belge à part entière. Son casier judiciaire est vierge, il a fait son service militaire ici, il n’a plus à prouver qu’il est Belge. Mais sous les lois anti-terroristes, tous les coups sont permis et on condamne des innocents. Cela ne peut plus durer ! Ali en est à sa 6 ème grève en 7 ans et demi ! Que faut-il attendre de plus ?! Je n’en peux plus de ce je-m’en-foutisme de l’Etat belge, de ce deux poids deux mesures, de ce refus d’appliquer le droit”.
En écho à cette femme d’une dignité rare, le MRAX et La Ligue concluent que la binationalité d’Ali Aarrass “ne peut continuer à servir de prétexte à l’indifférence d’un Etat qui sélectionne les citoyens de sa population qui méritent son assistance et relègue les autres dans une zone de non-droit où les injustices sont tues”.

La carte d’identité de la citoyenneté de seconde zone…
Il y a 2 ans, avec une consoeur et une artiste, j’avouais ma honte de vivre dans un pays où des politiciens, tels Didier Reynders, n’en ont rien à foutre du sort d’un compatriote en danger. J’écrivais que ce scandale, dont Ali risque de ne pas sortir vivant, rappelle à chaque Belge d’origine africaine que le racisme d’Etat peut briser sa vie à tout moment. Que faudra-t-il écrire demain ? Que pour être Belge et jouir des droits protecteurs de cette nationalité en toutes circonstances, il vaut mieux être “de race blanche” ?
Olivier Mukuna
(1) Voir “Le scandale Ali Aaarrass” : https://www.youtube.com/watch?v=MDU…

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