Bruxelles, le 9 février 2011
A l’attention de Monsieur le ministre des Affaires Etrangères, Steven Vanackere
Monsieur le ministre,
Si je m’adresse à vous aujourd’hui, c’est pour m’assurer que vous n’oublierez pas le drame humain dont moi-même et mes proches vous tenons comme coresponsable, dans le cas d’Ali Aarrass.
Vous vous souviendrez peut-être de notre intervention à mes amis et moi, lors du « Bilan : Affaires étrangères et Présidence belge » le mardi 21 décembre dernier à la Représentation de la Commission européenne en Belgique.
Selon vos propres mots, notre « intervention surprise » vous avait choqué mais pas du tout « déstabilisé » disiez-vous, trouvant même que l’on manquait de « bonnes manières », que « le contexte ne s’y prêtait pas », et qu’il fallait plutôt « demander un entretien auprès des services du ministère »… pour finalement nous faire entendre le même message qu’auparavant : à savoir, que vous n’alliez pas intervenir auprès de l’Espagne puisque vous faisiez totale confiance à la justice espagnole !
Monsieur le ministre, l’Espagne en qui vous avez totalement confiance n’a pas hésité à extrader mon frère, alors que :
– Ali avait été déclaré innocent par la justice espagnole, et un non-lieu avait été prononcé par le juge Baltasar Garzon après 3 ans d’enquête ;
– Ali faisait une grève de la faim depuis 24 jours ;
– Ni les avocats, ni la famille n’avaient reçu de notification mentionnant qu’Ali allait être extradé ;
– Le Comité des droits de l’Homme de l’ONU avait expressément demandé à l’Espagne de suspendre l’extradition ;
– Ali suivait un traitement pour ses crises d’épilepsie (séquelles contractées lors de sa deuxième grève de la faim)
Ainsi, Monsieur le ministre, pendant que je vous suppliais de faire un geste pour sécuriser mon frère extradé par l’Espagne au Maroc, il se faisait sauvagement torturer et subissait des sévices terribles dans des souffrances atroces. Sans compter qu’il était à son 24è jour de grève de la faim… déjà la 3è qu’il faisait pour protester contre cette injustice flagrante, seul moyen qui lui restait de la dénoncer.
Mais, je suis sûre monsieur le ministre, que je ne vous apprends rien. Vous le saviez déjà, et cela vous est égal ! J’ai pu constater lors de cette intervention qui vous a paru « inopinée », à quel point vous étiez glacial, et à que point seule votre image compte pour vous, bien plus que la vie de mon frère ! Je me demande d’ailleurs si vous connaissez seulement le sentiment d’amour fraternel ? Permettez-moi d’en douter !
Monsieur le ministre, j’aurai donc juste une question à vous formuler : pour ce qui concerne les ressortissants belgo-marocains, entre autres doubles nationalités présentes sur le territoire national, et puisque apparemment tous risquent les mêmes traitements, à quoi leur servez vous ?
Pour ma part, celle de ma famille et celle de mes amis, votre travail de « ministre » n’est pas au niveau exigé par votre fonction ; votre caractère inhumain et votre arrogance vous étouffent au point de n’avoir même pas pu formuler le moindre mot de réconfort aux familles des Belges qui souffrent et avec lesquels nous souffrons aussi.
Le rôle du « ministre » des Affaires étrangères n’est-il pas, entre autres, de faire le nécessaire pour que tout ressortissant se sente vraiment Belge par le soutien et l’assistance à lui apporter, quelles que soient les circonstances ? Or jusque là, vous n’avez réussi qu’à nous convaincre d’une chose : nous ne sommes que des Belges de seconde zone. Et dans le cas de mon frère je suis persuadée qu’il vaut moins pour vous qu’un objet qu’on déplace quand on veut, comme on veut, pour ce qu’on veut !
En conséquence, nous n’avons plus rien à vous dire si ce n’est que vous devriez laisser ce poste qui ne vous sied guère, à quelqu’un de plus compétent en la matière.
A bon entendeur…
Farida Aarrass