Résumé de la vidéo de maitre Cohen par Nicolas Ingargiola
Accusé de faits extrêmement graves, Ali Aarrass a été condamné à 12 années de prison ferme.
La justice marocaine reproche à Ali Aarrass d’appartenir à une organisation terroriste. Ali est accusé d’avoir participé à la création d’un camp d’entrainement de moudjahidines marocains en Algérie, d’avoir diffusé, au Maroc, des tracts appelant à la chute du Roi Mohamed VI ainsi que d’avoir transporté des armes de la Belgique vers le Maroc, via l’enclave espagnole de Melilla.
Ces accusations sont portées dans le cadre d’un dossier beaucoup plus large, celui de l’affaire Belliraj. Selon la justice marocaine Ali Aarrass aurait noué des liens avec Abdelkader Belliraj et deux autres personnes : Benraba Benittou et Mohamed Nagaoui, réceptionnaires des armes au Maroc.
Ali Aarrass écope aujourd’hui d’une très lourde peine de 12 années de prison parce que la justice marocaine a été capable d’étayer les accusations portées à l’encontre d’Ali et qu’elle détient, pour ce faire, des « preuves » solides.
Et c’est bien là que le bât blesse…
Les aveux d’Ali Aarrass
Les accusations envers Ali Aarrass reposent sur un document d’une quinzaine de pages, rédigé en arabe, et qualifié d’ « aveux d’Ali Aarrass ». Ce document est une somme de déclarations extrêmement précises, dans lesquelles Ali Aarrass expliquerait et détaillerait la totalité de ses rencontres avec Abdelkader Belliraj en Belgique, en Espagne et au Maroc. Cependant, Ali affirme n’avoir jamais ni lu, ni signé, ce document. Sans compter qu’Ali Aarrass ne maitrise pas la langue arabe. Ali Aarrass aurait-il signé un document qu’il ne comprenait pas?
Hormis ces aveux, le dossier ne contient aucune autre charge contre Ali Aarrass. La justice marocaine n’a jamais retrouvé les armes qu’Ali aurait transportées, ni même le tract appelant à des actions contre le Roi. De même, la justice marocaine a été incapable d’apporter la preuve de la création d’un camp d’entrainement en Algérie.
Le procureur général du Roi a donc décidé de lier les dossiers Belliraj, Benittou et Nougaoui à celui d’Ali. Selon le procureur, ces trois personnes auraient fait des déclarations incriminant Ali Aarrass. Ces dossiers ont été utilisés pour « corroborer » les « aveux » d’Ali Aarrass.
Mais là où le mystère persiste, c’est que les déclarations de Belliraj, de Benittou et de Nougaoui n’ont pas été versées dans le dossier Aarrass… Seul le jugement condamnant Benittou a été lié au dossier. Dans ce jugement, l’accusé ferait mention d’un certain Ali Aarrass.
Et pourtant, une confrontation judiciaire directe entre Ali Aarrass et Benittou a bien eu lieu. Les deux personnes avaient déclarés ne pas se connaitre. Chose étonnante, cette confrontation ne se retrouvent pas dans le dossier Aarrass.
Plus grave encore, dans le jugement versé au dossier, Benraba Benittou affirme avoir été torturé…
La torture systématique des accusés de « terrorisme »
De nombreuses organisations des Droits de l’Homme soulignent que la torture est toujours pratiquée au Maroc et elle l’est systématiquement pour les accusés de « terrorisme ». Les aveux d’Ali Aarrass, d’Abdelaker Belliraj et de Benraba Benittou ont tous un point commun : avoir été obtenus sous la torture.
Les procédures juridiques en cours
Des procédures juridiques pour l’affaire Ali Aarrass sont toujours en cours.
Deux procédures sur les quatre engagées sont propres à l’Etat marocain, les deux autres concernent l’ordre juridique international : l’ONU, le Maroc et l’Espagne.
La procédure principale est marocaine et concerne le procès pour terrorisme contre Ali Aarrass. Le 24 novembre 2011, Ali Aarrass a écopé d’une peine de prison de 15 ans ferme. Le 2 octobre 2012, la peine a été réduite à 12 ans de prison ferme, en appel. Les avocats d’Ali se sont pourvus en cassation. La Cour de Cassation ne rejugera pas l’affaire sur le fond mais uniquement sur la forme légale : la justice marocaine a-t-elle respecté les formes légales du procès ? L’enquête diligentée a-t-elle été menée de façon équitable ?
Les avocats d’Ali s’impatientent toujours de recevoir la motivation de la Cour d’Appel pour se pourvoir en cassation. Sans cet arrêt complet et argumenté de la Cour, les avocats ne peuvent aller plus loin dans leur démarche juridique. Lorsque l’arrêt sera rendu public, les avocats auront 60 jours pour introduire un mémoire en cassation. Dès lors, une date d’audience sera fixée devant la Cour de Cassation. Cette procédure pourra prendre du temps.
Une procédure annexe, marocaine, concerne cette fois-ci la plainte pour torture sur Ali Aarrass. La plainte a été déposée devant un juge d’instruction après avoir été validé par le président du tribunal de première instance de Rabat. La justice marocaine fait le maximum pour ne pas investiguer cette plainte. En effet, la procédure normale de consignation (dépôt d’une somme d’argent pour couvrir les frais de la justice marocaine) n’a toujours pas été transmise aux avocats d’Ali Aarrass. Ce refus de communiquer la somme d’argent à consigner empêche les avocats d’Ali Aarrass d’avancer dans leur démarche juridique. Une plainte pour torture avait antérieurement été déposée devant le procureur du Roi, elle avait été classée sans suite…
Une procédure internationale est en cours contre l’Espagne. L’Espagne avait extradé Ali Aarrass alors que le comité des Droits de l’Homme de l’ONU avait interdit temporairement toute extradition vers le Maroc. Cette procédure, qui vise à prouver la culpabilité de l’Espagne, devrait être bientôt close. Une décision du Comité des Droits de l’Homme des Nations Unis devrait tomber sous peu.
La dernière procédure internationale concerne la plainte d’Ali Aarrass pour torture devant le Comité contre la Torture des Nations Unies. La plainte a été transmise. Le Maroc a cependant trouvé la plainte irrecevable. Le Comité est en train d’examiner les questions posées sur la torture. Les avocats d’Ali Aarrass recevront d’ici quelques semaines le rapport du Comité et prendront connaissance de la défense du Maroc contre cette plainte sérieuse et très documentée. Les deux actes d’enquête menés par le procureur général du Roi de Rabat, c’est-à-dire une audition et une expertise médicale, sont des éléments entièrement biaisé et, pour parti, faux.
Le procès-verbal qu’auraient rédigé deux policiers est un faux. Cette audition n’a jamais eu lieu. Et les policiers ont affirmés dans leur rapport qu’Ali n’avait plus aucune séquelle physique de la torture.
En ce qui concerne l’expertise médicale, trois médecins ont auscultés Ali Aarrass. Ceux-ci n’ont pas appliqué le protocole d’Istanbul sur l’expertise médico-légale des personnes ayant souffert de la torture. Aucune question sur l’état de santé morale n’a été posée à Ali. Cette enquête médicale a été bâclée, le travail des médecins ne correspondant pas aux règles minimales exigées en la matière.
Pour conclure, certaines personnes attendent aujourd’hui une grâce royale mais les avocats d’Ali Aarrass n’ont pas été mandatés pour demander cette grâce. Ali souhaite que justice lui soit faite et qu’il soit déclaré innocent par la justice marocaine. Aucune grâce d’Ali n’est prévue à ce jour.
Nicolas Ingargiola